Inventaire d'archives : « Monuments historiques » - Titre I : Cartons des rois

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Le décret de la Convention, du 25 juin 1794, qui ordonnait un triage général de tous les titres provenant des anciens dépôts d’archives, prescrivait la répartition de ces titres en trois catégories dont l’une devait renfermer « les manuscrits appartenant à l’histoire, aux sciences et aux arts ». Ce travail fut confié à une Agence temporaire des titres, créée par le même décret et reconstituée en 1796 sous le nom de Bureau du triage des titres. Quelques-uns des savants chargés de cette classification vinrent, en 1801, former aux Archives le Bureau des monuments historiques ; ils avaient puissamment contribué à sauver de la destruction les documents qui présentaient quelque intérêt pour l’histoire : en entrant aux Archives, ils furent chargés de continuer leur œuvre, de classer ces documents et d’en former la Section historique.
Le Trésor des chartes, relégué d’abord dans la section domaniale, prit sa place naturelle en tête de la collection des monuments officiels de notre histoire et devint la première série de la section historique (lettre J). Un choix de titres extraits des archives ecclésiastiques forma la seconde (lettre L). Enfin un nombre considérable de pièces provenant de divers dépôts publics et d’archives particulières furent réunies dans deux autres séries : les Monuments historiques (lettre K), et les Mélanges (lettre M).
La plus importante de ces deux dernières séries, les Monuments historiques, avait été répartie, par les membres du Bureau du triage, en dix titres. Cette division fut maintenue par M. Daunou, qui, dans le Tableau systématique des Archives de l’Empire, publié en 1811, en donna un état sommaire que nous reproduisons.
« Ces monuments, dit M. Daunou, recueillis dans les archives de plusieurs établissements supprimés, comprennent un deuxième Trésor de Chartes, qu’on s’est abstenu de fondre dans le premier. On a rapproché et distribué les monuments en séries chronologiques ainsi qu’il suit :
I. Actes des rois de France depuis les Mérovingiens jusqu’à Louis XVI.
II. Copies de chartes depuis 581 jusqu’en 1789.
III. Registres de comptes depuis Philippe V jusqu’à Louis XV.
IV. Histoire de la maison royale : mariages, testaments, apanages, etc.
V. Histoire des dignités et des offices.
VI. Histoire des corps politiques : états généraux, provinciaux, parlements, procès politiques.
VII. Histoire des lois, des coutumes, des impôts, des monnaies, du commerce.
VIII. Histoire des provinces et villes de France.
IX. Histoire étrangère, négociations.
X. Cérémonial. »
Bien que cette classification purement arbitraire eût pu recevoir quelques modifications, on a cru devoir la laisser subsister dans son état primitif. On s’est contenté d’y faire les additions rendues nécessaires par l’entrée de quelques nouveaux fonds. C’est ainsi qu’une partie des archives de la ville de Paris a été placée à la tête du titre des Provinces et Villes ; une importante collection de correspondances politiques est venue enrichir les Négociations ; on a dû former deux nouveaux titres (les titres XI et XII) des archives de l’ancienne principauté de Montbéliard et de la seigneurie de Montpeyroux, en raison du grand nombre de documents dont elles se composent ; enfin un XIIIe titre a été récemment destiné à recevoir une collection d’édits, déclarations et lettres patentes, conservée jusqu’en 1858 à la Section législative et remise à cette époque à la Section historique.
Le premier titre de la série des Monuments historiques se compose, ainsi qu’on vient de le voir, d’actes émanés de l’autorité royale. La formation de ce titre, auquel l’usage a donné le nom de Cartons des rois, est due à un membre du Bureau du triage, Dom Joubert. Ce savant bénédictin l’a classé, et en a analysé toutes les pièces ; son travail a servi de base à l’inventaire que publie aujourd’hui l’administration des Archives de l’Empire.
Les Cartons des Rois comprennent deux parties : l’une s’étend de 528 à 1180, l’autre de 1180 à 1789. Chacune de ces deux parties offre un caractère particulier qui s’explique par la diversité d’origine des pièces qu’elles renferment. Tandis que les fonds les plus variés ont contribué à former la seconde partie, la première a été au contraire exclusivement composée de pièces provenant des fonds ecclésiastiques qui seuls, à l’exception du Trésor des Chartes, contiennent des actes antérieurs au XIIIe siècle. Ces pièces ont été extraites des archives des églises et abbayes suivantes : églises et chapitres de Notre-Dame de Paris, Saint-Éloi, Saint-Germain-l’Auxerrois, Saint-Marcel, Saint-Merry, Sainte-Opportune, Saint-Paul de l’Estrée, Sainte-Chapelle de Paris ; — abbayes de Saint-Denis, Sainte-Geneviève, Saint-Germain-des-Prés, Saint-Magloire, Saint-Victor, Notre-Dame-du-Val (diocèse de Paris) ; Savigny (diocèse d’Avranches) ; Belchamp (diocèse de Besançon) ; Déols (diocèse de Bourges) ; Boheries, Foigny, Origny, Prémontré, Saint-Nicolas-aux-Bois, Sauvoir, Vauclair (diocèse de Laon) ; Fervaques, Saint-Quentin-en-l’lle (diocèse de Noyon) ; Longpont, Saint-Corneille de Compiègne, Saint-Jean-des-Vignes , Saint-Médard de Soissons, Valsecret, Valsery (diocèse de Soissons) ; Marmoutiers (diocèse de Tours) ; — prieurés de Fives, Gournay, Notre-Dame-des-Champs, Saint-Martin-des-Champs.
S’il peut paraître regrettable qu’on ait morcelé, pour former les Cartons des rois, des fonds conservés presque intacts pendant douze siècles, il serait injuste de méconnaître les heureux résultats de cette mesure. C’est ainsi que les papyrus mérovingiens et de nombreux diplômes carlovingiens, dont la réunion forme une collection unique, ont été exhumés des cartons où ils étaient disséminés et mêlés à des titres d’un intérêt secondaire. En joignant aux diplômes royaux un choix de pièces émanant de la chancellerie des évêques et des grands feudataires, on a pu en outre reconstituer, pour la période la plus obscure de notre histoire, un ensemble de textes qui permet de remonter, par une série non interrompue de titres authentiques, jusqu’aux premiers rois mérovingiens.
La seconde partie des Cartons des rois comprend, indépendamment de nombreux documents empruntés aux archives ecclésiastiques, des pièces provenant des archives des parlements, des chambres des comptes et des diverses cours où ces pièces étaient vérifiées et enregistrées, de la maison du roi, de la chancellerie, et des archives particulières placées sous séquestre à l’époque de la révolution de 1789, ou antérieurement. De la réunion de tous ces documents, de sources si diverses, résulte un mélange assez confus qui est dû à la précipitation avec laquelle les membres du Bureau du triage ont formé cette collection, et aux préoccupations de ces savants qui cherchaient avant tout à sauver de la destruction les monuments offrant quelque intérêt historique. Ils ne firent même aucune difficulté d’y admettre des documents qui ne rentraient point dans le cadre qu’ils s’étaient tracé, tels que des correspondances privées, des montres, des quittances de gages et pensions, etc. , altérant ainsi le caractère de cette collection, qui s’est trouvée transformée en une série de pièces de toute nature, classées dans l’ordre chronologique.
L’intérêt qui s’attache aux documents dont se compose la première partie explique l’extension qu’elle a reçue dans cet inventaire. Il a paru indispensable, pour faire mieux apprécier l’utilité de ces pièces, de les publier en entier ou par extraits : elles offrent, en effet, pour l’histoire de nos institutions, de précieux renseignements qui ne pourraient être signalés dans une simple analyse. Cette publication a en outre fourni à l’administration des Archives l’occasion de donner au public un texte définitif des documents mérovingiens et carlovingiens reproduits en fac-simile dans la collection qui a été commencée par M. Letronne en 1844(1), continuée par M. de Chabrier en 1852, et dont les dernières livraisons vont être publiées. On a pensé qu’il ne serait pas inutile d’y joindre le texte des pièces carlovingiennes et capétiennes conservées aux Archives, en poursuivant cette publication jusqu’au règne de Philippe Auguste.
À noter : (1) . Les dernières livraisons de cette collection, qui complètent et terminent la publication des diplômes et chartes de l’époque mérovingienne conservés aux Archives de l’Empire, forment un atlas in-folio qui comprend les fac-simile de quatorze pièces (sept pièces mérovingiennes sur vélin et sur papyrus et sept pièces carlovingiennes sur papyrus), dont suivent les titres :Diplomata et charte Merovingicae aetalis in Archivo Franciae asservata delineanda curavit A. Letronne, Parisiis
Diploma Childeberti I, quo ecclesiae Parisiensi villas Cellas aliasque possessiones concedit. (Ann. 528 mens. Jan.) Cartons des Rois, n° 4.
Diploma Chlotarii II, quo confirmatur donatio in monasterium S. Dionysii areae infra muros Parisiensis civitatis (Ann. 625 mens. Jun. vel Jul.) C. des R., n° 4.
Charta Landerici episcopi Parisiensis, qua monasterio S. Dionysii multa privilegia concedit. (Ann. 652, primo die Jul.) C. des R., n° 10.
Placitum Chlotarii III de quibusdam villis monasterio S. Dionysii concessis. (Circa ann. 658.) C. des R., n° 16.
Praceptum Childeberti III, quo immunitatem monasterio Fossatensi concedit. (695-711.) C. des R., n° 41.
Praceptum Theoderici IV, de Monasteriolo aliisque villis Fossatensi monasterio datis. (Ann. 721, vel 722, die 2 Mart.) C. des R., n° 51.
Epistola Zachariae papae qua confirmantur privilegia monasterio S. Dionysii a Landerico episcopo concessa. (Ann. 749. die 4 Nov.) C. des R., n° 52.
Privilegium Stephani papae II, de numero et vestitu diaconorum quos abbati S. Dionysii sacra celebranti assumere licet. (Ann. 757, die 26 Febr.) C. des R., n° 57.
Privilegium Adriani papae I, de episcopo monasterii S. Dionysii. (Ann. 772, die 1 Jul.) C. des R., n° 84.
Epistola Maginarii abbatis ad Carolum Magnum de rebus a se in Italia gestis. (Ann. 787, Sept.-Dec.) C. des R., n° 86.
Epistola Adriani papae I, de rebus Beneventanis. (Circa ann. 788.) C. des R., n° 87.
Epistola Leonis papa III, qua monasterii S. Dionysii privilegia confirmantur. (Ann. 798, die 27 Maii.) C. des R., n° 98.
Suessionensis synodi decretum quo confirmantur privilegia monasterio S. Dionysii concessa. (Ann. 862.) C. des R. n° 187.
Epistola Nicolai papa I, Carolo regi missa, de confirmatione privilegiorum monasterii S. Dionysii. (Ann. 865, die 28 Apr.) C. des R., n° 189.
Plusieurs considérations ont dû faire adopter un autre mode de publication pour la seconde partie. Avec le XIIIe siècle commence une nouvelle période pendant laquelle les développements de l’administration multiplient les actes, leur impriment un caractère particulier et leur donnent des formes spéciales, suivant leur objet qu’une analyse succincte suffit alors à caractériser. L’étendue de ces documents n’aurait permis, d’ailleurs, de publier qu’un très-petit nombre de pièces : en se renfermant dans les limites d’un simple inventaire, on a pu réunir, en un seul volume, l’inventaire complet de la série des Cartons des rois.
Le texte des diplômes mérovingiens a été établi avec la plus rigoureuse exactitude par les archivistes chargés de surveiller l’exécution des fac-simile qui accompagnent cet inventaire. Les mêmes soins ont été apportés à la publication des documents carlovingiens et capétiens. On a placé en tête des diplômes et chartes les cotes contemporaines ou très-anciennes qui sont au dos des pièces ; les documents déjà publiés sont suivis d’un renvoi à la de Bréquigny, où se trouve l’énumération des divers ouvrages qui les renferment ; les sceaux qui accompagnent les diplômes et chartes des Cartons des rois ont tous été décrits dans l’inventaire de la , publié par M. Douët d’Arcq ; on a indiqué le numéro sous lequel chacun d’eux figure dans cet inventaire. Enfin on a fait connaître la forme sous laquelle les actes nous ont été conservés. Les pièces sont les plus nombreuses ; on a compris sous cette dénomination les ou signées de la main du roi et scellées. Quelques-unes de ces pièces ne sont point revêtues de ces deux formalités et sont restées à l’état de . Quelques autres sont en vidimus ou en copie : les sont des transcriptions données par un officier public, précédées et suivies de formules dans lesquelles il atteste avoir l’acte revêtu de tous les caractères d’authenticité et en avoir fait faire une copie conforme. On distingue plusieurs sortes de . Les unes ont été faites dans les abbayes aux Xe, XIe et XIIe siècles pour remplacer des titres perdus. Ces pièces, qu’on a essayé de revêtir de la forme des diplômes originaux, ne doivent point pour ce motif être considérées comme des pièces fausses, puisqu’elles étaient destinées, non pas à attribuer aux églises des privilèges et des biens qui ne leur avaient jamais été concédés, mais à les faire rentrer en possession de tout ce qu’elles avaient perdu et à constater des droits de propriété que des spoliations successives n’avaient pu leur enlever. D’autres copies données sous forme authentique portent une date qui a été indiquée à la suite des analyses ; lorsque ces dates manquent, on les a fixées approximativement d’après l’écriture de la pièce. La plupart des présentent aussi un caractère d’authenticité ; un certain nombre d’entre elles ont été collationnées sur les originaux par les membres de la Chambre des Comptes chargés de reconstituer les mémoriaux détruits par l’incendie de 1737. Parmi les lettres missives on a distingué les lettres , écrites en entier de la main des personnes dont elles émanent, des lettres qui ne portent que leur signature.Table des DiplômesCollection de sceaux des Archives de l’Empireoriginalesexpéditions originalesampliationsprojet d’expéditionvidimusvucopiescopies modernesautographesoriginales
Il serait inutile d’insister sur l’importance de la série des Cartons des rois. Pour la faire apprécier, il suffit de rappeler que cette collection se compose en grande partie d’actes émanés du pouvoir souverain et conservés sous la forme la plus authentique.
L’étude critique de ces documents, au point de vue de leurs caractères extrinsèques et de leur authenticité, n’est plus à faire ; les plus remarquables de ces textes ont servi de base aux travaux des Bénédictins, et il serait téméraire de vouloir traiter de nouveau un sujet qui peut paraître épuisé.
On ne saurait en dire autant de l’étude de ces actes au point de vue des renseignements qu’ils fournissent pour l’histoire de nos institutions. Les diplômes et chartes des rois mérovingiens et carlovingiens, qui sont depuis longtemps dans le domaine de l’érudition, révéleront encore quelques faits inaperçus ou négligés jusqu’à ce jour, et les textes inédits que cet inventaire reproduit ou analyse n’ont encore fourni que bien peu de chose aux recherches des savants. Pour faire ressortir tout ce que ces pièces nous apprennent sur notre droit public et privé, il aurait fallu entrer dans des dissertations que le caractère de cette publication ne comportait pas. Il convenait donc de se borner à faciliter autant que possible les études qui ne devaient pas trouver ici leur place. Pour atteindre ce but, on s’est attaché à grouper les pièces les plus importantes d’après leur objet, à indiquer les documents qui présentent le plus d’intérêt, et à signaler dans ces textes les points les plus saillants. Il n’a pas semblé nécessaire de se préoccuper des faits qui constituent proprement l’histoire politique : l’ordre chronologique adopté dans cet inventaire permet d’en suivre aisément les développements. On a pu ainsi offrir en quelques pages un sommaire méthodique qui complète la table des noms de lieux et de personnes placée à la fin du volume.
ACTES ÉMANÉS DE L’AUTORITÉ ROYALE.
PREMIÈRE PARTIE.
528 - 1180.
Les actes émanés de l’autorité royale qui nous ont été conservés en original antérieurement au XIIIe siècle se composent presque exclusivement de et provenant des archives ecclésiastiques. Ces documents peuvent, d’après leur objet, rentrer dans les divisions suivantes : 1° fondations d’abbayes ; 2° privilèges de sauvegarde ; 3° immunités ; 4° donations ; 5° exemptions de droits de péage ; 6° concessions de foires et marchés ; 7° jugements ; 8° confirmations de privilèges et de possessions.diplômeschartes
1. . — Les abbayes étaient fondées soit par les rois, soit par de grands personnages auxquels on accordait à cette occasion un diplôme autorisant la fondation et confirmant les donations qui en étaient la conséquence. Le diplôme donné par Childebert en faveur de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés (n° 2) serait le plus ancien acte de ce genre qui nous ait été conservé, si l’on admettait l’opinion de certains auteurs qui le regardent comme un acte de fondation ; mais des témoignages irrécusables prouvent que la fondation de la basilique de Saint-Vincent (depuis Saint-Germain-des-Prés) est antérieure à la date de cette pièce, qui ne doit être considérée que comme un acte de dotation. Il est d’ailleurs dépourvu de tout caractère d’authenticité, et bien qu’il ait été chaleureusement défendu par les Bénédictins, on ne doit y voir qu’une transcription d’un ancien diplôme modifié par un scribe du Xe siècle. Le plus ancien acte de fondation proprement dit que contiennent les Cartons des rois est un diplôme de 1113 par lequel Louis VI établit des chanoines réguliers à Saint-Victor (n° 397). Cette fondation fut faite avec l’assentiment d’évêques, de comtes et de grands du royaume réunis dans le palais de Châlons. Le roi fit à cette occasion de nombreuses donations à cette abbaye et permit aux religieux de choisir eux-mêmes leur abbé.Fondations d’abbayes
Le droit de présenter le titulaire de l’abbaye ou de l’église fondée appartenait aux fondateurs en vertu des règles du droit de patronage. Ils s’arrogeaient en outre un droit de propriété sur les églises qu’ils avaient dotées, et se regardaient comme autorisés à disposer librement de leurs revenus. C’était aussi à titre de fondateurs et de bienfaiteurs des abbayes que les rois en modifiaient la constitution, les sécularisaient ou les régularisaient, les unissaient ou les soumettaient les unes aux autres (n° 207, 230), réglaient les droits respectifs de l’abbé et des religieux (n° 186, 208). Le relâchement de la discipline leur fournit en outre l’occasion de s’occuper des affaires spirituelles des abbayes, en essayant d’y introduire des réformes (n° 124, 330, 505). L’intervention de l’autorité royale était d’ailleurs indispensable pour mener à bien ces difficiles entreprises. On voit dans un diplôme de Louis le Débonnaire, de 832 (n° 124), l’inutilité des tentatives faites pour réformer l’abbaye de Saint-Denis par deux abbés, Benoît et Arnulphe, qui avaient été chargés de faire observer la règle de saint Benoît dans tous les monastères de l’empire. Ce ne fut qu’après une longue résistance, dont toutes les phases sont retracées dans ce diplôme, que les archevêques de Sens et de Reims et leurs suffragants, réunis sur l’ordre exprès de l’empereur, parvinrent à ramener les religieux à l’exacte observance de la règle.
2. (1) — Le privilège de sauvegarde ou mainbour, , , plaçait un établissement ecclésiastique sous la protection immédiate du roi et lui assurait toutes les prérogatives dont jouissaient les abbayes de fondation royale. En retour de cette protection spéciale, les rois s’attribuèrent d’abord la surveillance de l’administration des biens ecclésiastiques, puis la libre disposition de ces biens, qu’ils employaient à rétribuer et à récompenser leurs officiers et leurs fidèles. Malgré les réclamations des conciles, ces abus persistèrent jusqu’au IXe siècle. Pendant les siècles suivants, les rois essayèrent de rétablir dans leurs possessions les églises et les abbayes, qui se trouvaient presque complètement dépouillées ; ils confirmèrent les anciens titres de propriété par de nouveaux di (n° 137, 168, 169, 197, 210, 228, 234), et multiplièrent les privilèges de sauvegarde.Privilèges de sauvegardepraeceptum de mundeburdotuicioplômes, praecepta restitutionis, restaurationis, redditionis
Ces privilèges, outre la protection du roi qu’ils assuraient aux religieux, consacraient souvent en leur faveur les droits d’élire leur abbé, de jouir librement de leurs biens, et l’exemption des charges et redevances qui leur étaient imposées pour acquitter le service militaire (n° 215, 230, 251, 264). Ce service, auquel dans le principe tout homme libre était tenu, fut modifié sous Charlemagne, qui le fit reposer non-seulement sur la condition de la personne, mais encore sur la propriété d’un certain nombre de manses ; le revenu territorial formait alors la base qui servait à établir les proportions dans lesquelles cette charge était imposée. Les abbayes devaient envoyer à l’armée les hommes libres qui tenaient d’elles des bénéfices ; elles avaient encore à fournir des chariots, des chevaux, des bœufs conduits par des colons, qui prenaient ainsi, sans porter les armes, une part à ces expéditions. Ce service et les prestations qu’il entraînait pouvaient devenir dans certaines circonstances une charge fort lourde dont l’exemption constituait un privilège considérable.
La protection royale dut souvent s’étendre sur les abbayes pour les défendre contre ceux-là mêmes qui étaient chargés de veiller à leurs intérêts. Les avoués, , institués pour assurer aux églises et aux abbayes la conservation de leurs privilèges et de leurs biens, jouissaient à ce titre de redevances et de droits fixés par l’usage. Ces avoués, pour la plupart grands seigneurs, ne se contentaient pas des droits qui leur étaient concédés ils s’emparaient des biens confiés à leur garde, pillaient les trésors des abbayes, chassaient les abbés (n° 272) et exerçaient, b , une oppression à laquelle les abbés et les religieux ne pouvaient se soustraire qu’en implorant la protection du roi.advocati, tutoressuadvocationis jure
À noter : (1) n° 245, 230, 251, 264.
3. (1). — L’immunité, , était un privilège en vertu duquel les domaines, concédés par les rois à leurs fidèles ou aux établissements ecclésiastiques, cessaient d’être soumis à la juridiction commune et étaient exemptés de tous les droits perçus par le fisc. Ce privilège, qui consacrait le principe féodal, d’après lequel la propriété entraînait avec soi la souveraineté, fut prodigué aux églises et aux abbayes par les rois mérovingiens et carlovingiens. Les diplômes d’immunité, qui étaient ordinairement confirmés et renouvelés à chaque nouveau règne, contiennent la défense faite par le roi à tous juges publics, aux comtes, à leurs officiers, , d’entrer dans les domaines de l’immuniste, pour rendre la justice, y séjourner et y lever des contributions, , et pour demander des cautions, . Les rois abandonnaient en outre au concessionnaire la part des compositions dues au fisc, , et tous les droits qui pouvaient être prélevés, à divers titres, dans la circonscription de l’immunité. Ils concédaient ainsi non-seulement le droit de rendre la justice, mais encore les revenus dont ce droit était la source.Immunitésemunitas, immunitasjunioresmansiones et paratas facerefidejussores tollerefredus
La défense faite aux officiers publics d’entrer dans le domaine protégé par l’immunité, eut pour résultat l’institution de juridictions particulières exercées au nom des abbayes par leurs avoués. Ces juridictions privées se développèrent sous les deux premières races, et, au commencement de la troisième, la plupart des établissements ecclésiastiques se trouvaient en possession complète des droits de justice et de police qu’ils exerçaient sur leurs terres comme les autres seigneurs. Les diplômes d’immunité tombèrent alors en désuétude, mais les privilèges qu’ils consacraient subsistèrent. La concession des droits de justice, qui étaient toujours considérés comme un attribut de la propriété, comme un revenu de la terre, était presque constamment jointe aux donations en biens-fonds faites aux églises et aux abbayes.
À noter : (1) n° 8, 37, 41, 46, 61, 69, 70, 73, 105, 108, 122.
4. (1). — Les donations faites par les rois aux églises et aux abbayes consistaient en terres, villages, forêts, serfs, etc., détachés du domaine de la couronne, en quelques revenus du fisc dont on leur abandonnait la perception, et en dîmes, cens et rentes. Ces actes fournissent les renseignements les plus précis sur la topographie, l’état des terres, la nature et l’administration des propriétés rurales, telles que le manse, le village, le fisc, et leurs dépendances, les bois, marais, étangs, salines, pêcheries, etc.Donations
Le manse, , formait, sous les deux premières races, l’unité territoriale, la base de la propriété foncière. Il comprenait une certaine étendue de terres variant suivant le degré de fertilité du pays, des habitations, , et des bâtiments d’exploitation : granges, pressoirs, fours, etc. Au milieu d’un groupe de manses se trouvait le domaine principal, , , avec l’habitation seigneuriale, , et toutes les dépendances nécessaires à la grande culture. Ce domaine était administré par le propriétaire lui-même ou par ses représentants. Les tenanciers qui occupaient les autres manses, , étaient obligés envers lui à des redevances et à des services. Plusieurs manses réunis formaient le hameau, le village, ; le fisc, , était une grande propriété qui contenait plusieurs villages. Pour donner plus de développement à la culture des terres et au défrichement des bois, les doyens de chapitres et les abbés favorisaient souvent la formation de nouveaux villages, en autorisant des colons, chassés des terres qu’ils cultivaient, à s’établir sur les terres de l’église ou de l’abbaye, à y construire des habitations et à se livrer à l’exploitation des forêts. Ces colons, auxquels on concédait, moyennant un cens annuel, des portions de bois destinées à être mises en culture, étaient, dans certains cas, soumis à des règlements spéciaux qui fixaient les droits concédés et établissaient des peines pécuniaires pour les délits dont ils pouvaient se rendre coupables (n° 604).mansus, factuscellaemansus indominicatuscasa dominicasala, casamansitributarii, tributaleslocus, villaris, villafiscus
Les forêts, dans l’origine, comme les marais et les terrains vagues, appartenaient presque toutes aux rois qui, par des donations successives, en abandonnèrent une grande partie aux églises et aux abbayes. La forêt de Rouvray (bois de Boulogne), la forêt d’Iveline (forêt de Rambouillet), devinrent ainsi la propriété de l’abbaye de Saint-Denis et de quelques autres établissements ecclésiastiques (n° 50, 62).
Les concessions faites par les rois se bornaient quelquefois au droit de prendre du bois pour construire des habitations et pour divers autres besoins, aux droits de paisson, de pâture, et enfin au droit de chasse dont les rois se réservaient souvent la jouissance exclusive.
Parmi les dépendances de la propriété on voit mentionner fréquemment, dans les actes de donation, les étangs, les cours d’eau, les marais, les pêcheries, etc. Elles se retrouvent dans la formule suivante, que l’on rencontre, sous une forme presque constante, dans la plupart des actes des deux premières races : « Cum cunctis pertinentiis, videlicet cum domibus, edificiis, cum terris, vineis, gratis, campis, cultis vel incultis, pascuis, silvis, aquis aquarumve decursibus, molendinis, exitibus et regressibus, nec non mancipiis utriusque sexus. »
Les donations faites aux abbayes sur les revenus du fisc appartiennent toutes à la période mérovingienne. Les rois abandonnaient parfois à un établissement religieux les impôts de toute une contrée, ou à un évêque les revenus de la ville épiscopale, et même de tout le diocèse ; on en voit déjà des exemples sous Clovis, et sous Dagobert qui concéda aux évêques de Tours le droit de percevoir tous les impôts dus dans cette ville. Trois diplômes de Clovis III (n° 31), de Childebert III (n° 34) et de Chilpéric II (n° 47) confirment une donation de ce genre, bien que moins importante, faite à l’abbaye de Saint-Denis, et qui consistait en cent sous de rente à prendre sur les impositions payées au fisc dans la ville de Marseille. Un autre diplôme de Chilpéric II (n° 49) confirme la donation faite à la même abbaye, par ses prédécesseurs, d’un tribut annuel de cent vaches payé dans le Maine, sous le nom d’ ; l’origine de cet impôt peut se rattacher à la coutume en vertu de laquelle on apportait au roi, de toutes les parties du royaume, comme un témoignage de respect et de gratitude, des présents qui consistaient en chevaux, en armes, etc. D’abord faits spontanément, ces présents ne tardèrent pas à prendre un certain caractère de régularité et à se transformer en véritables redevances ; l’impôt des se trouva ainsi changé en une redevance, plus facile à percevoir, qui fut fixée, par un capitulaire de 829 (Pertz, Legg. I, p. 352), à deux sous pour chaque vache.inferendae, vaccae inferendatesvaccce inferendales
Ces sortes de concessions ne se rencontrent plus sous les Carlovingiens et les premiers rois capétiens. Les impôts publics étaient presque entièrement tombés en désuétude, et les ressources du trésor étaient réduites aux revenus des domaines royaux, aux dons gratuits et à des services réels et personnels. Les libéralités des rois envers les abbayes durent alors se borner à quelques droits de tonlieu ou de péage sur les denrées et marchandises entrant ou circulant dans le royaume, seule branche des impôts publics dont ils fussent restés en possession, et à quelques dîmes et cens détachés de leur domaine privé.
À noter : (1) n° 4, 2, 7, 18, 20, 25, 50, 56, 62, 63, 71, 72, 76, 82, 85, 110, 121, 126, 128, 137, 152, 160, 162, 164, 171, 172, 173, 178, 182, 191, 194, 199, 205, 209, 216, 224, 227, 229, 237, 240, 250, 265, 277, 279, 283, 284, 288, 321, 337, 366, 373, 378, 387, 395, 404, 411, 487, 488, 495, 504, 525, 541, 576, 588.
5. (1). — Les diplômes portant exemptions de péage, , contenaient l’ordre adressé à tous les représentants du pouvoir royal, et particulièrement aux fonctionnaires chargés de l’administration des finances, , aux agents du fisc, , et aux préposés à la perception des droits de tonlieu, , de laisser circuler dans tout le royaume, sans être tenus d’acquitter aucun droit, les agents chargés d’approvisionner les abbayes, et les marchands qui venaient y vendre ou y acheter des denrées.Exemptions de péagepreceptum de teloneis, tractoriarempublicam administrantesactionarii, exactorestelonearii
Les droits de péage n’avaient rien d’uniforme ni de régulier ; ils variaient, suivant le mode des transports effectués à dos d’homme ou à l’aide de bêtes de somme, sur des chariots ou des bateaux ; ils étaient fixés d’après la valeur approximative de toute la charge prise en bloc.
La perception s’exerçait dans les possessions du fisc, sur les chemins publics, les fleuves, les ponts, les bacs et à l’entrée des villes et des défilés, ; on voit quelques diplômes nommer expressément les villes à l’entrée desquelles on percevait des droits de péage, telles que Rouen, Quantovic, port célèbre au moyen âge, situé à l’embouchure de la Canche, Amiens, Pont-Sainte-Maxence, Utrecht, etc.tractus, portus
Ces diplômes contiennent une longue énumération des droits divers qui pouvaient être exigés. On y trouve, outre les désignations générales de , la mention de droits prélevés pour obtenir la permission de faire le commerce, ; de droits perçus sur les chemins, ; à l’entrée des ponts, , des ports ou défilés, ; dans les marchés, ; sur les bêtes de somme , , les voitures, , les chemins couverts de gazon qui bordaient les rivières, , etc.teloneum, redibitio, consuetudo, occursus, pedagiumlaudaticus, salutaticuspulveraticuspontaticusportaticusforaticussaumaticusrotondes, vultaticus, themonaticuscespitaticus
Les exemptions de droits de péage et de circulation présentent, sous les deux premières races, une forme constante, qu’ils conservent presque sans modification sous les premiers rois capétiens (n° 377).
À noter : (1) n° 23, 47, 66, 77, 81, 104, 109, 153, 377, 537.
6. . — Les foires et marchés se tenaient ordinairement près des églises et des abbayes ou sur des terres qui leur appartenaient. Les rois, en autorisant une foire ou un marché, n’avaient souvent pour but que de fournir aux établissements ecclésiastiques, qui en sollicitaient la création, une source nouvelle de revenus. Outre les droits de péage sur les denrées et les marchandises, dont la perception leur était abandonnée, les abbés s’attribuaient, sur les marchands qui fréquentaient la foire et qui se trouvaient immédiatement soumis à leur juridiction, divers droits, , consistant en amendes perçues pour tous les forfaits (coups, blessures, fausse monnaie, vols) commis pendant la durée de la foire (n° 291).Foires et marchésconsuetudines feriae
Pour favoriser le développement de ces foires et donner toute sécurité aux transactions, les rois prenaient sous leur protection les marchands qui les fréquentaient (n° 476, 484) ; les évêques suivaient cet exemple et s’efforçaient, par tous les moyens en leur pouvoir, d’éloigner les malfaiteurs qui cherchaient à dépouiller les marchands (n° 532). On utilisait aussi, dans ce but, la puissance des seigneurs locaux ; on achetait leur protection en les admettant à partager, avec les abbayes, les revenus des foires. Ces partages pouvaient faire naître des contestations qui étaient jugées à la cour de l’évêque (n° 291).
Les Cartons des rois contiennent des documents qui établissent ou concèdent des foires ou des marchés en faveur de diverses abbayes, à Marolles, (Seine-et-Marne), n° 85 ; Saclas (Seine-et-Oise), n° 107 ; Haenohim, sur le lac de Côme, n° 139 ; Chaourse (Aisne), n° 199 ; Cormeilles-en-Vexin (Seine-et-Oise), n° 204 ; Toury (Eure-et-Loir), n° 368 ; Puiseaux (Loiret), n° 476 ; Château-sur-Epte (Eure), n° 529.
La foire la plus ancienne et la plus célèbre était celle de Saint-Denis, établie par Dagobert ; elle amenait déjà, sous les Mérovingiens, une grande affluence à Paris et à Saint-Denis, et attirait même les marchands des contrées éloignées. La perception du droit de péage de cette foire donna lieu à une longue contestation, qui fut portée devant Childebert III, et ne se termina que sous Pépin le Bref, par deux jugements rendus en faveur de l’abbaye de Saint-Denis contre Gérard, comte de Paris (n° 55, et 57 bis aux additions). Ce comte, s’appuyant sur ce que les religieux avaient autorisé Sennachild et Gairefred, ses prédécesseurs, à prélever quatre deniers par tête sur les marchands, prétendait continuer à percevoir cette taxe en l’augmentant d’un denier pour les personnes qui n’étaient pas de condition libre. Le roi, après l’examen des pièces produites par les religieux de Saint-Denis, rejeta les prétentions du comte de Paris et confirma l’abandon, fait à cette abbaye par ses prédécesseurs, de tous les droits du fisc sur les marchands qui venaient à la foire, en l’autorisant à en opérer la perception dans tout le Parisis.
7. . — Les jugements rendus au tribunal du roi sont les documents les plus importants de l’époque mérovingienne qui nous aient été conservés : on ne connaît que vingt-trois actes de ce genre, et sur les vingt-trois les Archives de l’Empire en possèdent dix-huit, tous en original (1).Jugements
[À noter : (1) n° 14, 15, 16, 17, 25, 28, 30, 32, 33, 35, 38, 42, 43, 44, 45, 48, 53, 54.]
Ce tribunal, , se composait d’un certain nombre d’évêques, de grands, , de comtes et grafions, de , de référendaires, de sénéchaux, et du comte du palais.placitum palatiioptimates, proceresdomestici
La compétence du plaid du palais était très-étendue. Elle embrassait toutes les affaires relatives au domaine royal et aux droits du fisc. Les contestations qui s’élevaient entre les personnes attachées au service du roi, et les affaires qui intéressaient les comtes et autres représentants de son pouvoir dans les provinces, étaient portées devant ce tribunal, ainsi que tous les procès où se trouvaient engagés les intérêts des abbayes de fondation royale, des veuves, des orphelins et de tous ceux qui se trouvaient sous la protection spéciale du roi.
On voit dans ces jugements quelles étaient les formes de la procédure devant cette juridiction. Le plaignant, soit qu’il comparût en personne ou qu’il fût représenté par des mandataires, , remettait sa requête au roi qui faisait ajourner la partie adverse. Au jour fixé pour la comparution des parties, le demandeur était tenu d’attendre le défendeur depuis l’ouverture du tribunal jusqu’au coucher du soleil, ce qui s’appelait (n° 30, 33) ; si le défendeur ne comparaissait pas en personne, ou ne donnait pas d’excuse légitime (), le demandeur pouvait constater cette absence par un acte (). Lorsque cet ajournement () avait eu lieu trois fois, on pouvait procéder au jugement. Si l’une des parties faisait défaut (), elle était passible d’une amende envers l’autre. Le serment était très-fréquemment exigé, soit qu’il fût ordonné qu’une des parties le prêtât elle-même ou qu’elle appelât des ; ces ne prêtaient pas serment sur le fait même du procès, mais affirmaient que dans leur conviction celui qu’ils accompagnaient était incapable de faire un faux serment ; leur nombre variait suivant l’importance de l’affaire : de quatre à sept ou douze (). Le serment fut prêté d’abord sur des armes bénies, plus tard sur l’autel, sur les évangiles et habituellement sur les reliques, notamment sur le manteau de Saint-Martin, conservé précieusement sous les rois mérovingiens dans une petite chapelle attenant au palais. Il était accordé un délai de quarante nuits pour prêter le serment et choisir les . Si le défendeur ne comparaissait point au jour fixé ou ne justifiait point d’excuse légitime, il était considéré comme convaincu, . Il en était de même lorsqu’il se présentait, mais ne se hasardait point à prêter serment. La production des titres formait une partie essentielle de la procédure. Les parties s’engageaient quelquefois à les produire à l’expiration d’un certain délai ; en signe de l’engagement, on employait une paille, . Cet usage symbolique avait aussi lieu quand les parties promettaient de venir prêter serment ou de fournir des témoins.agentes, actorescustodire placitumsunniasolsatire, solem collocaresolsadiajactivus apparereconjuratores, consacramentalesconjuratoresjurare quarta, septima, duodecima manuconjuratoresjectivus, adjaciirusfestuca
Lorsque la cause était entendue, le comte du palais, qui surveillait la marche et les débats du procès, résumait l’opinion des juges et formulait le jugement au nom du roi. Les parties étaient ensuite renvoyées devant les magistrats locaux, qui étaient chargés de faire exécuter la sentence selon la loi des parties.
Le roi exerçait dans certains cas une juridiction volontaire, analogue à nos jugements d’expédient. Les parties se présentaient à son tribunal, et après un débat purement fictif, il intervenait une décision du roi terminant ces procès simulés qui n’avaient pour but que de donner à un acte de vente ou de donation la garantie de la chose jugée, la forme et l’autorité d’un jugement rendu par le roi (n° 34, 35 et 42).
Le tribunal des rois carlovingiens était composé, comme celui des Mérovingiens, des grands officiers et fonctionnaires de l’administration centrale, de grands personnages qui formaient la suite du roi et étaient désignés sous le nom de 1. [À noter : (1) n° 55, 75, 103, 202, 203.] Les développements qu’avait reçus l’administration de la justice dans les provinces, où elle était rendue par les comtes et les , diminuèrent le nombre des affaires qui auparavant étaient portées au tribunal du roi, dont le rôle consista principalement à surveiller les tribunaux ordinaires et à recevoir les plaintes qui lui étaient adressées sur la distribution de la justice.fidèlesmissi
Sous les Carlovingiens, le comte du palais ne dirigeait plus seulement la procédure : dans les procès portés au plaid du palais, il remplaçait souvent le roi et rendait la justice à sa place. La juridiction du comte du palais était spéciale et générale, spéciale en ce qu’il jugeait directement toutes les affaires du roi, générale en ce qu’on pouvait appeler à son tribunal de toutes les juridictions inférieures. Les rois s’étaient réservé le droit de juger les contestations qui s’élevaient entre les grands du royaume ; le comte du palais ne pouvait en être saisi qu’en vertu d’une délégation spéciale, mais il y avait beaucoup d’affaires dont il était seul appelé à connaître et sur lesquelles il prenait une décision définitive. Il avait une chancellerie particulière où étaient rédigés les jugements qu’il rendait. Ces actes ne sont pas intitulés du nom du roi ; on n’y voit plus figurer que le comte du palais assisté des grands et des fidèles. On en trouve un exemple dans le jugement rendu par le comte du palais Geilon à la requête d’Electrad, avoué de l’abbaye de Saint-Denis, contre un vassal de cette abbaye qui refusait de faire les services auxquels il était tenu (n° 202). Cette pièce présente en outre une particularité intéressante : on annonce qu’il sera délivré à Electrad une expédition de ce jugement ; l’expédition, qui nous a été conservée (n° 203), avait été jusqu’ici considérée comme un double de la pièce précédente, et était restée inédite.
Sous les Capétiens, les évêques, les officiers du palais et les vassaux du roi formaient une assemblée qui exerçait le pouvoir judiciaire le plus élevé. Les Cartons des Rois renferment cinq jugements rendus à la cour des rois de la troisième race antérieurement à Philippe Auguste (1). [À noter : (1) n° 261, 268, 298, 435, 663.] Deux de ces jugements (n° 268, 298) indiquent d’une manière précise quels étaient les personnages qui faisaient partie de cette cour. On y voit figurer : l’archevêque de Sens, les évêques de Paris, de Meaux et de Senlis ; des comtes de Champagne, de Corbeil, de Crépy, de Beaumont ; les officiers de la couronne, connétables, bouteillers, chambriers ; enfin des barons et des chevaliers, (n° 268). Les formes de la procédure étaient fort simples : le demandeur présentait sa requête au roi, qui fixait le jour où les deux parties devaient comparaître devant lui, (n° 268) ; l v (n° 435). Elles étaient ensuite admises à faire preuve en produisant des témoins ou des titres. A défaut d’autres moyens de preuve on avait recours au duel, et bien qu’il fût interdit par les canons de l’Église, on voit, sous Philippe Ier et Louis VI, les chanoines de Notre-Dame et les religieux de Saint-Germain-des-Prés, de Sainte-Geneviève et de Saint-Maur, obtenir pour leurs serfs l’autorisation d’être entendus comme témoins et admis au combat judiciaire aussi bien contre les hommes libres que contre les serfs (n° 274, 334, 341, 371). Lorsque la cause était entendue, le roi, confirmant le jugement de sa cour, , prononçait la sentence, d’après la décision prise par ses vassaux, . La plupart de ces jugements sont rendus sur les plaintes portées par les abbés contre leurs avoués ou quelques puissants seigneurs qui envahissaient leurs domaines et leur faisaient subir toutes sortes de vexations ; une de ces pièces (n° 435) contient une notice d’un procès entre les religieux de Saint-Maur et un vicomte de Melun nommé Adam qui prétendait avoir le droit d’exiger certaines redevances des religieux sur leurs terres de Moisenay et de Courceaux. Il fut débouté de ses prétentions et condamné à payer à l’abbé un denier . Le roi ordonna en outre que ce dernier fût percé et appendu à la charte, où on le voit encore.multitudo procerum militum atque clientumdiem rectudinis statuimusdiem paciti utrimque terminaitcuriae judicium approbantesjudicio procerum, secundum curie sententiampro lege forisfactiloco sigilli
8. . - Les églises et les abbayes obtenaient souvent du roi la confirmation de leurs privilèges, soit directement, soit par l’entremise d’un évêque ou de quelque grand personnage. Ces actes étaient destinés à remplacer des titres perdus ou à donner plus d’autorité à d’anciens diplômes et même à de simples contrats.Confirmations
Les titres dont on sollicitait la confirmation étaient présentés au roi, qui, après les avoir fait lire et examiner (n° 4) et en avoir constaté l’authenticité, les ratifiait par un nouveau diplôme. Ces confirmations concédées par les rois avaient pour but de renouveler des privilèges accordés par leurs prédécesseurs, et des titres de propriété, ou de ratifier les diverses transactions que les abbayes faisaient entre elles ou avec des particuliers. Les actes qui intéressaient le temporel des abbayes de fondation royale n’avaient, en effet, de valeur qu’après avoir reçu la sanction du roi, qui, à titre de protecteur des abbayes et gardien des biens ecclésiastiques, devait veiller à ce que les revenus affectés à l’entretien des religieux ne fussent point diminués par des échanges désavantageux ou des aliénations ruineuses.
Une autre raison a encore contribué à multiplier ces actes. « Jusqu’à l’institution des officiaux ecclésiastiques et des notaires royaux au XIIIe siècle, il n’existait plus d’officiers publics chargés de recevoir les actes ni de leur imprimer un caractère d’authenticité, ni d’archives publiques destinées à leur conservation. Lorsqu’on voulait assurer aux transactions plus de validité, on y faisait intervenir le roi, le comte ou l’évêque, ou un grand personnage qui les notifiait par un écrit rédigé en son nom(1). »
Les confirmations s’étendaient soit d’une manière générale à tous les privilèges et à toutes les possessions d’une abbaye(2), aux immunités(3) et aux exemptions de péage(4), soit aux diverses donations faites par les rois, les évêques, les seigneurs et les simples particuliers(5), soit enfin aux ventes et aux échanges de biens et de serfs(6) ; dans ce dernier cas, la confirmation n’était accordée qu’après la production, faite par les parties, de deux actes de même teneur validés par la signature d’hommes de bonne renommée, , dont le témoignage faisait foi en justice. En ratifiant les ventes et les échanges, le roi s’associait, en outre, aux intérêts des contractants, et menaçait les transgresseurs des contrats d’une amende payable au fisc.pro manibus bonorum hominum
On peut rattacher aux confirmations les actes par lesquels les rois, après avoir approuvé les accords faits entre les abbayes et les particuliers (n° 410, 652), donnaient l’ordre de rédiger une charte qui énonçait en détail toutes les clauses de la convention intervenue entre les parties, clauses que fixait d’une manière irrévocable l’approbation du roi contenue dans la charte délivrée à l’abbaye(7).
On retrouve dans les confirmations les renseignements sur l’économie rurale et la topographie que nous avons signalés en parlant des actes de donation. Les confirmations générales, qui portent quelquefois le nom de pancartes (n° 193), contiennent d’ordinaire l’énumération de tous les biens de l’abbaye à laquelle elles sont concédées, et présentent ainsi des listes de noms de lieux qui ont la plus haute importance pour l’étude de notre ancienne géographie. Considérée à ce point de vue, la première partie des Cartons des rois offre un intérêt particulier. Les fonds, si riches des abbayes de Paris et des environs ont permis de former l’ensemble le plus complet de documents sur le Parisis qui ait été publié jusqu’à ce jour.
À noter :
(1) B. Guérard, , Prolégomènes, p. CCXVIII.Cart. de Saint-Père de Chartres
(2) n° 64, 74, 95, 111, 115, 140, 156, 193, 195, 196, 221, 235, 250, 251, 262, 287, 347, 360, 382, 399, 431, 445, 467, 552, 553, 556, 601.
(3) n° 37, 46, 61, 65, 69, 70, 73, 80,4 05, 225, 249, 376.
(4) n° 77, 81, 104, 143, 146, 174, 198, 377.
(5) n° 4, 5, 9, 13, 31, 47, 49, 51, 91, 406, 107, 449, 454, 161,220,241,242, 248,253, 254, 255, 259, 210,271,273, 362,365,383,393, 412, 414, 415, 417,433, 436,453,458, 474,486,509,511, 543, 548,563, 582, 593, 603,608,609, 630,654,655,656, 664, 665, 679, 680.
(6) n° 83, 89, 112, 113, 114, 116, 117, 119, 120,129,131,132,133,151,155, 165, 167, 177, 181, 183, 184,185,192, 200,206,211,475, 519, 542, 579, 586, 587, 669, 671.
(7) n° 298, 406, 41 0, 427, 523, 617, 638, 644, 645, 653, 674,682.
Les divisions qui précèdent embrassent presque toutes les pièces dont se compose la première partie des Cartons des rois. Il en est cependant quelques-unes qui ne peuvent entrer dans ce cadre, et qui méritent d’être signalées d’une manière spéciale à cause de leur rareté et de leur importance. Ces documents diffèrent essentiellement de ceux parmi lesquels on les a retrouvés, et leur présence dans les archives ecclésiastiques ne peut s’expliquer que par la confiance qu’on avait dans l’inviolabilité de ces dépôts. Les chartriers des églises et des abbayes suppléèrent en effet pendant longtemps aux archives publiques, qui n’offraient aucune sécurité.
« La ruine des archives des villes, disent les Bénédictins(1), causée par les ravages des barbares, contribua beaucoup à donner un nouveau lustre à celles des églises. Elles étoient souvent respectées par les vainqueurs, tandis que les dépôts publics et particuliers étoient abandonnés au pillage ou livrés aux flammes. La confiance qu’on avoit dans l’équité des évêques attiroit à leur tribunal presque toutes les affaires de leurs diocésains. Les sentences arbitrales qu’ils rendoient étoient apparemment conservées dans les archives de leurs églises. On sent combien ces actes durent se multiplier ; mais les titres de donations, d’échanges et de confirmations les remplirent encore de beaucoup de nouveaux diplômes.
« On ne sauroit dire à quel point s’accrut alors l’estime pour les chartriers des églises. On s’accoutuma à les regarder avec plus de respect que les dépôts publics. Les plus grands princes autorisèrent cette manière de penser, par la préférence qu’ils donnèrent aux archives ecclésiastiques sur toutes les autres, sans en excepter le trésor même de leurs chartes. Ils ne crurent pas pouvoir choisir d’asiles plus inviolables pour mettre leurs testaments à couvert des dangers auxquels ils auroient été exposés partout ailleurs. Ce fut dans la même persuasion qu’on vit des reines et autres personnes de la plus haute naissance conjurer les évêques avec larmes de permettre que les archives des églises fussent les dépositaires de leurs dernières volontés....
« En France, les églises un peu considérables avoient depuis longtemps leurs chartriers ; mais il n’y en eut point de plus riches, ni de plus distingués, que ceux des siéges épiscopaux et des monastères. Là, les particuliers, et surtout ceux qui dépendoient des monastères, déposoient leurs contrats, comme dans des lieux où ils seroient à couvert de mille accidents funestes, dont ils étoient menacés partout ailleurs. De là, tant de titres étrangers dans les archives des plus illustres abbayes, telles que Saint-Denis en France, Saint-Ouen de Rouen, etc. Ces pièces, après bien des siècles, ne trouvant plus personne qui s’intéressât à leur conservation, ont souvent été mises au rebut et peut-être entièrement détruites.
« De tout temps, les archives de Saint-Denis ont été regardées comme des dépôts publics. Les chartes de Chrotilde, de Vandemir, d’Agirard, le testament d’Ermentrude et plusieurs autres pièces en font foi pour les premiers siècles de la monarchie. Guigues, comte de Lion et du Forêt, obtint, en 1167, de Louis le Jeune, l’inféodation de Montbrison et de plusieurs autres châteaux dont il lui fit hommage, et de son côté il en remit plusieurs autres sous la puissance du roi. Ce prince en fit dresser deux chartes scellées de son sceau, munies de son monogramme et des signes de ses grands officiers, enfin divisées par le mot : . Il en fit déposer un exemplaire dans les archives de Saint-Denis, que nous avons sous les yeux, et dont le P. Mabillon a fait graver une partie dans sa Diplomatique. La charte ne contient pas un seul mot qui regarde cette abbaye. Elle ne put donc y être renfermée que comme dans un trésor des chartes royales.Cirographum
« Raymond VI, comte de Toulouse, déposa son testament, en 1209, dans les mêmes archives. Cet acte, en forme de , porte sur le dos : o . En 1283, Gui Mauvoisin, sire de Rosny, s’obligea à une redevance annuelle envers l’abbaye de Saint-Denis, afin qu’on lui gardât dans les archives de ce monastère une charte qu’il avait obtenue du roi. Charles V leur fit encore un plus grand honneur lorsqu’il y fit déposer une copie originale de la célèbre déclaration pour fixer la majorité de nos rois à l’âge de quatorze ans. Elle fut munie du grand sceau, comme l’original, mis au trésor des chartes, après qu’il eut été enregistré au parlement. »charte partieTestamentum Raymundi ducis Narbonae MCCIX, datum nbis ad custodiendum
À noter : (1) , t. Ier, p. 103 et suiv.Nouveau Traité de Diplomatique
Les pièces auxquelles les Bénédictins font allusion sont encore conservées dans le fonds de l’abbaye de Saint-Denis et figurent dans l’inventaire des Cartons des rois(1). Nous compléterons cette énumération en signalant quelques actes dont les archives de Saint-Denis, de Notre-Dame de Paris et de Saint-Corneille de Compiègne avaient été constituées les dépositaires. Ce sont : 1° une ratification par Dagobert Ier d’un partage entre deux frères (n° 6) ; 2° une autorisation accordée par Thierry III, à un évêque déposé, de se retirer dans l’abbaye de Saint-Denis et de conserver la libre disposition de ses biens (n° 21) ; 3° un diplôme par lequel Charlemagne restitue à un comte les biens qui lui avaient été confisqués (n° 96) ; 4° une lettre attribuée à Michel Curopalate, empereur de Constantinople, adressée à un roi carlovingien (n° 102) ; 5° une charte de coutumes accordée par Louis VI aux habitants de Compiègne (n° 398) ; 6° une ordonnance de Louis VII, portant que les Juifs relaps seront bannis du royaume, et, s’ils sont pris, condamnés à la peine de mort ou à la mutilation (n° 470). Enfin, on trouve encore, dans les Cartons des rois, de nombreuses concessions faites par les rois à des comtes ou à de simples particuliers qui, en donnant à leur tour aux abbayes les biens qu’ils avaient reçus, remettaient en même temps à ces abbayes le titre primitif de la donation.
À noter : (1) n° 19, 25 bis, 37, 40, 602, 746, 1530.
SECONDE PARTIE.
1180-1789.
A partir du règne de Philippe Auguste, des changements importants s’introduisent dans les usages de la chancellerie royale. Les deviennent d’un usage moins fréquent. La plupart des actes royaux sont donnés sous forme de lettres, patentes ou closes.chartes
« La charte attestait les ventes, les échanges, les concessions, les donations que le roi faisait, les jugements définitifs qu’il rendait à sa cour, certaines conventions entre particuliers qu’il approuvait, les privilèges qu’il octroyait ou qu’il reconnaissait. C’était le titre principal que devaient conserver les parties intéressées.
« La servait d’ordinaire à transmettre des ordres qu’il n’était pas utile de tenir secrets. Elle s’adressait tantôt à une ou à plusieurs personnes désignées par leur nom ou par leur titre, tantôt à tous présents et à venir. D’autres fois, elle ne s’adressait à personne, et, comme la charte, elle exprimait d’une manière absolue la volonté du roi. Mais on peut dire qu’en général la charte était le texte original et officiel de l’acte, tandis que la lettre n’en était qu’une sorte d’ampliation, destinée à en répandre la connaissance. Aussi le même acte pouvait-il fournir en même temps le sujet d’une charte et le sujet d’une lettre patente...lettre patente
« Les ne pouvaient avoir qu’une valeur temporaire. En effet, il était difficile de les ouvrir sans briser le sceau qui en garantissait l’authenticité. On s’en servait pour la correspondance privée, pour les affaires confidentielles et pour celles dont le roi trouvait bon de n’entretenir que le destinataire de la lettre(1).lettres closes
À noter : (1) L. Delisle, , Introduction, p. lx.Catalogue des actes de Philippe Auguste
Cette distinction s’est toujours maintenue. Les actes émanés de l’autorité royale ont formé d’après leurs caractères intrinsèques deux classes principales : les , prises dans leur acception générale, ou ; et les ou .lettres patenteslettres du sceaulettres closesde cachet
Parmi les lettres patentes on distinguait les , telles que les ordonnances, les édits, les lettres d’abolition, de rémission, etc. Ces lettres commençaient par les mots : . Elles n’étaient datées que du mois et de l’année, et elles étaient scellées en cire verte sur des lacs de soie verte et rouge. Les autres lettres patentes, telles que les déclarations, commençaient par ces mots : . Elles étaient datées du jour, du mois et de l’année, et scellées de cire jaune sur une double queue de parchemin.lettres expédiées en forme de charteA tous présents et à venir, salutA tous ceux qui ces présentes lettres verront, salut
On distinguait encore les lettres du et du .grandpetit sceau
Les lettres du étaient celles qui ne pouvaient être expédiées que par les secrétaires du roi, et qui étaient scellées à la grande chancellerie en présence du chancelier. Les lettres du étaient scellées à la petite chancellerie, qui était établie près le parlement de Paris, sous la présidence d’un maître des requêtes. Il y avait aussi de petites chancelleries près les parlements et autres cours souveraines.grand sceaupetit sceau
Les ou étaient écrites par ordre du roi, contre-signées par un secrétaire d’État et fermées du cachet du souverain. On les appelait lettres de cachet parce qu’elles étaient closes, à la différence des lettres patentes.lettres closesde cachet
Les actes royaux considérés dans leur objet se divisaient en deux classes. La première comprenait les actes que le roi faisait publier dans son royaume pour qu’ils y eussent force de loi ; c’étaient : 1° les proprement dites, rendues le plus souvent sur remontrances et embrassant ordinairement des dispositions relatives à des matières différentes ; 2° les , rendus spontanément et ne concernant qu’une seule matière ; 3° les , qui avaient pour but d’interpréter ou de modifier un édit ou une ordonnance. Dans la seconde classe on rangeait toutes les lettres qui n’intéressaient qu’une communauté ou un individu, et ne faisaient pas loi à l’égard des personnes qui n’y étaient pas désignées ; on ne les publiait point. Telles étaient notamment les lettres patentes, prises dans l’acception la plus restreinte et la plus usuelle du mot, par lesquelles le roi accordait ou confirmait quelques dons ou privilèges en faveur d’une ville, d’une communauté ou de quelque particulier.ordonnanceséditsdéclarations
Ces lettres patentes portaient diverses dénominations, en raison de leur objet spécial. Les actes de cette nature, qui se retrouvent le plus fréquemment dans l’inventaire des Cartons des rois, sont les lettres d’amortissement, d’anoblissement, de , de grâce, de jussion, de naturalité, de répit, de sauvegarde, de surannation, de surséance.committimus
Les lettres d’ étaient des lettres du grand sceau par lesquelles le roi permettait, moyennant finance, aux personnes de mainmorte, telles que les églises et les abbayes, d’acquérir ou de conserver des biens.amortissement
Les lettres d’ ou de attribuaient à un roturier la qualité de noble avec les privilèges et les prérogatives de la noblesse.anoblissementnoblesse
Les lettres de accordaient aux églises, aux abbayes et à certaines personnes le droit de plaider devant une juridiction privilégiée et d’y évoquer les causes où elles pourraient se trouver engagées. On distinguait le de , qui s’étendait à toute la France, et le de , qui n’avait de valeur que dans le ressort d’un parlement.committimuscommittimus du grand sceaucommittimus du petit sceau
Les lettres de étaient, en général, celles par lesquelles le roi remettait à l’impétrant la peine qu’il avait encourue. On distinguait, dans les lettres de grâce, les lettres d’abolition, de rémission et de pardon.grâce
Les lettres d’ étaient des lettres expédiées en forme de charte, par lesquelles le roi déclarait entendre que le crime serait entièrement aboli et éteint, et le pardonnait, , sans que l’impétrant pût être poursuivi à l’avenir pour le même fait. Les lettres de rémission étaient accordées pour homicide commis involontairement ou dans le cas d’une légitime défense, . Elles étaient expédiées en forme de charte, comme les lettres d’abolition. Les lettres de étaient accordées pour des faits qui n’entraînaient point peine de mort. Elles étaient scellées du petit sceau.abolitionen quelque manière qu’il soit arrivés’il en est ainsi qu’il est exposépardon
Les lettres de étaient des lettres du grand sceau, par lesquelles le roi enjoignait à des juges de procéder à l’enregistrement de quelque édit, ordonnance ou déclaration, ou d’exécuter tel autre ordre qui leur avait été donné.jussion
Les lettres de , anciennement appelées lettres de , étaient des lettres du grand sceau, par lesquelles le roi ordonnait qu’un étranger serait réputé « naturel sujet et régnicole, à l’effet de jouir de tous les droits, privilèges, franchises, dont jouissent les vrais originaires français. » Ces lettres devaient être enregistrées à la chambre des comptes.naturalitébourgeoisie
Les lettres de accordaient à un débiteur qui avait fait des pertes considérables un délai pour payer ses créanciers.répit
Les lettres de étaient des lettres du petit sceau portant ordre d’exécuter des lettres de chancellerie nonobstant l’expiration de l’année de leur date. Toutes les lettres de chancellerie n’étaient valables que pour un an ; quand on avait négligé de s’en servir et de les notifier en temps utile, il fallait se pourvoir en chancellerie et obtenir des lettres de surannation qu’on attachait sur les anciennes.surannation
Les lettres de étaient accordées aux personnes qui étaient retenues au loin par un service public ; elles contenaient mandement aux juges de surseoir pendant un délai déterminé à l’instruction et au jugement du procès où les impétrants avaient un intérêt personnel.surséance
L’énumération que nous venons de faire est loin d’embrasser tous les actes émanés des rois. L’autorité royale s’exerçait dans toutes les branches de l’administration par des actes de nature très-diverse qui, délivrés sous la forme générale des lettres patentes, ne se distinguent les uns des autres que par l’objet dont ils s’occupent. Pour faire apprécier l’intérêt de ces documents, il suffira d’indiquer les points principaux auxquels ils se rapportent.
1. . — Ordonnance fixant la majorité des rois à quatorze ans (n° 1530).Majorité des rois. Succession à la couronne. Régence
Édit qui appelle à la succession de la couronne les princes légitimés (n° 4166). Révocation de cet édit (n° 4495).
Cérémonies du sacre. - Dépôt de la couronne et des ornements royaux à l’abbaye de Saint-Denis (n° 841, 867, 3612, 3916, 3917, 4221, 4363).
Déclarations relatives à la régence. - Pouvoirs donnés aux reines pour gouverner le royaume en l’absence du roi (n° 2892, 3801, 3805, 3990, 4175, 4476).
Négociations relatives au mariage du roi ; pouvoirs donnés à ce sujet aux ambassadeurs ; ratifications de traités et contrats de mariage ; enregistrement de ces actes au parlement (n° 1277, 3628, 4240, 4244).
Constitutions et accroissements d’apanages (n° 1672, 1716, 1717, 1809, 4078, 4354, 4415).
Dots et douaires des reines et princesses (n° 1138, 1177, 1382, 1609, 1718, 1812, 1828, 2943, 2983, 3806, 4233, 4348).
Dons faits par le roi aux reines et aux princesses de duchés, seigneuries, terres, rentes, produits des aides, des gabelles, des biens confisqués, etc. (n° 1715, 2508, 2684, 2797, 2942, 2997, 3198, 3437, 3807).
Testaments ; lettres concernant l’exécution des testaments (n° 777, 1094, 9 095, 1180, 1532, 4168).
2. . — Règlement général pour le domaine du roi (n° 3968).Domaine royal
Réunion à la couronne du duché de Bourgogne, des comtés de Champagne et de Toulouse (n° 1391) ; du duché de Bretagne (n° 3005) ; des villes de Sedan et Raucourt (n° 3810) ; de l’apanage du duc de Berry (n° 4167).
Révocation des donations faites sur le domaine royal (n° 1380).
3. . — Renonciation au droit de gîte (n° 822, 837) ; abandon des droits de tensement, de gruerie et de garenne (n° 749, 885, 1127) ; droits de chasse et de pêche (n° 1957, 1869) ; remise du droit de quint (n° 859), de relief (n° 2267) ; exemption de droits de sceau (n° 707) ; confiscations (n° 1957, 2364).Droits féodaux et domaniaux
Exemption de droits d’aubaine (n° 4321, 4376, 4382).
4. . — Convocation d’États provinciaux (n° 1613, 3723).États provinciaux
Pouvoirs donnés par le roi pour assister en son nom aux États (n° 3702).
Allocations accordées aux députés des Etats (n° 2314, 2362).
Décharge accordée aux États de subsides qui leur avaient été imposés (n° 1611).
Établissements d’administrations provinciales (n° 4390, 4397).
5. . — Construction, agrandissement, limites des villes (n° 2912, 4169, 4245).Villes
Exemptions de tailles, subsides, subventions de guerre et autres contributions accordées aux villes (n° 1844, 3386).
Prêts, remises d’impositions, dons faits aux villes pour les aider à payer leurs dettes (n° 1534, 1535, 1536, 1550, 1551, 1596, 1598, 1966).
Droits de péage accordés aux villes pour payer les frais de reconstruction de leurs ponts (n° 1543). - Exemption de droits sur le fer employé à ces travaux (n° 2592).
Démolition de maisons situées près des fortifications (n° 1362) ; ordre de démolir les maisons de Paris qui tombent en ruine et de vendre les emplacements lorsque les propriétaires ne pourront point en faire construire de nouvelles (n° 3603).
Logement et nourriture des gens de guerre mis à la charge des habitants des villes (n° 2302, 2330).
Juridiction du prévôt des marchands et des échevins de la ville de Paris (n° 1921).
Création de maires dans toutes les villes du royaume, à l’exception de Paris et de Lyon (n° 4074).
6. . — Instructions, lettres et mémoires adressés aux ambassadeurs (n° 2984 bis, 3257, 3621 3629, 3634, 3792, 3811, 3821) ; correspondance secrète de Louis XV (n° 4350).Relations extérieures
Pouvoirs donnés aux ambassadeurs pour conclure des traités (n° 2992, 4242).
Déclarations relatives à l’exécution des traités de paix. - Confirmation et enregistrement des traités (n° 4020, 4095, 4162, 4352).
Dons et allocations accordés à des ambassadeurs, évêques, grands-maîtres de l’hôtel, secrétaires-interprètes, etc., chargés de missions diplomatiques (n° 1635, 2899, 3329, 3361).
Distributions d’argent faites par ordre du roi en pays étranger et à des ambassadeurs de puissances étrangères (n° 2940, 3281).
Sauf-conduit accordé aux ambassadeurs (n° 3359).
7. . — . — Convocation du ban et de l’arrière-ban (n° 1347, 1912, 1917, 1954, 1980, 2015, 2404, 2479, 2480, 2523, 2536, 2565, 2613, 2951, 4013, 4014, 4080) ; dispense du service du ban et de l’arrière-ban, accordée moyennant une taxe de cent livres (n° 4009) ; exemption de la contribution de l’arrière-ban accordée en récompense de services militaires (n° 1282, 3538).Service militaireArmée
Levée et entretien de gens de guerre (n° 1317, 1967, 1999, 2687, 2692, 3159, 3160, 3539, 3674, 3686, 3699). - Enrôlements de capitaines (n° 2052).
Suppression des francs-archers (n° 2635) ; suppression des chevaliers, lieutenants, exempts et archers du guet (n° 3976) ; règlement pour les compagnies franches de la marine (n° 4065) ; séparation des bataillons de milice et des grenadiers royaux (n° 4298) ; création de la charge de colonel général des hussards et troupes légères (n° 4386) ; compagnies de chevau-légers portées de cinquante hommes à quatre-vingts (n° 3714).
Instructions données aux chefs d’armée ; mouvements de troupes ; règlements d’étapes ; sièges (n° 1983, 2005 , 2154, 2166 , 3159 , 3162 , 3670, 3717, 3733, 3764, 4149, 4276).
Gens d’armes contraints de rejoindre l’armée qu’ils avaient quittée, sous peine de se voir saisir leurs fiefs (n° 2960).
Ordres donnés aux gens de guerre de se présenter pour être passés en revue et recevoir leurs gages ; commissions pour faire les revues (n° 2033, 2040, 2046, 2121, 2355).
Payement des gens de guerre sur les revenus des greniers à sel ; contribution levée pour entretenir des gens de guerre étrangers ; avances de solde (n° 1336, 2074, 2294).
Payement des dettes des officiers des troupes de terre et de mer (n° 4165).
Ordres donnés pour réunir des vivres et des munitions de guerre, et ravitailler les armées et les places fortes. - Création de l’office de surintendant des vivres et des munitions des places fortes (n° 1263, 1295, 2132, 3291).
Armes et machines de guerre. - Artillerie. - Salpêtres recueillis dans diverses provinces pour le service de l’artillerie (n° 1722, 2043, 2583, 2591, 2622, 2832).
Ordres relatifs à la démolition et à la réparation des fortifications des villes et châteaux (n° 1362, 1449, 1459 1572, 1575, 1577, 2410, 3168, 3587).
Établissement d’écoles et hôpitaux militaires (n° 4292, 4293, 4309).
Autorisation accordée à des soldats blessés d’entrer comme frères lais dans les abbayes (n° 3753, 3876).
8. . — Imposition et perception de subsides destinés à payer les frais des guerres, l’entretien des garnisons et les réparations des fortifications (n° 1516, 1529, 1668, 1685, 2248, 2294, 2331, 2426, 2483, 2507, 2527, 2532, 2534,2537, 2539, 2559, 2563, 2570, 2576, 2594, 2595, 2612, 2620, 2686, 2688, 2725, 2732, 2748, 2759, 2813, 2949, 3141, 3234, 3858).Impositions
Répartition sur diverses provinces de leur quote-part des aides imposées sur tout le royaume (n° 2700, 2723, 2730, 2908, 3081, 3265).
Aides accordées au roi par les États pour les besoins du royaume, pour les princes et les personnes attachées au service du roi (n° 2063, 2098, 2139, 2212, 2215, 2276, 2596, 2725).
Crues d’impositions sur diverses provinces et sur tout le royaume (n° 2095, 2476, 2517, 2528, 2690, 2697, 2698, 2699, 2857, 3175).
Contributions extraordinaires levées en sus des autres impositions pour frais de guerre (n° 2489, 2505, 2529, 2545, 2555, 2560, 2566, 2572, 2596, 2597, 2598, 2604, 2608, 2635, 2796).
Levée de l’équivalent pour tenir lieu d’aide (n° 2567, 2606, 2619).
Subsides établis sur les denrées et marchandises (n° 2248, 3196) ; impôt sur le sel pour l’entretien de la maison de la reine et des enfants du roi (n° 2077).
Perception des subsides imposés pour la rançon du roi Jean (n° 1378) ; du comte d’Angoulême (n° 1872) ; du duc d’Orléans (n° 2254).
Emprunts faits par le roi sur les provinces et villes (n° 2128, 2378, 2754.)
Règlement pour l’établissement de la capitation (n° 4103).
Réduction et remise d’impositions, accordées à des provinces, villes et paroisses (n° 1687, 1966, 2071, 2094, 2135, 2307, 2332, 2629, 2641, 2642, 2673, 3292, 3399).
Exemptions d’impositions accordées aux ouvriers monnayeurs (n° 1918) ; aux hommes de corps du comte de Blois (n° 1245).
Établissement d’une chambre de justice chargée de rechercher et punir les abus commis dans la levée des impositions (n° 3851).
9. . — Droits sur l’entrée et la sortie des marchandises (n° 1376, 1960, 3019, 3905, 3957, 4101).Commerce. Foires et Marchés
Concession du monopole de l’exportation des laines (n° 1027).
Règlement pour le commerce des blés (n° 4099). Établissement du transit et de l’entrepôt (n° 3957).
Autorisation accordée aux nobles de faire le commerce de mer sans déroger (n° 3978).
Déclaration renouvelant les dispositions des anciennes ordonnances rendues pour empêcher la contrebande (n° 4375).
Établissement de foires et marchés (n° 693, 2859, 2941, 3211, 3928) ; foires du Lendit (n° 768, 769, 869, 1193, 1332) ; foires de Champagne (n° 975).

Cote :

K//18-K//164

Publication :

Archives nationales (France)
1866-2022
Paris

Informations sur l'acquisition :

Archives prises en charge à la Révolution ; quelques entrées par voie extratodinaire (achats).

Conditions d'accès :

Communicables selon les articles L.213-1 à 213-8 du Code du patrimoine, sous réserve des restrictions imposées par l’état matériel des documents.

Conditions d'utilisation :

Reproduction et réutilisation selon le règlement des salles de consultation en vigueur aux Archives nationales.

Description physique :

Importance matérielle :
164 articles ; plus de 4.000 pièces.

Localisation physique :

Paris

Organisme responsable de l'accès intellectuel :

Archives nationales de France

Mises à jour :

avril 2022
  • Retraitement et republication de l’inventaire dans l’ordre numérique des cotes
  • juillet 2022
  • Vérification des cotes K 87 à 100/B sur la base de l'inventaire de Dom Joubert par Mathilde Denglos, sous la direction de Sébastien Nadiras
  • Identifiant de l'inventaire d'archives :

    FRAN_IR_032111

    Archives nationales

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