La décennie suivant le traité de Francfort (1871) et la fin du Second empire est marquée par l'affermissement de l'idée républicaine en France et le retour progressif de ce pays sur la scène internationale. En particulier, les années 1878-1891 sont une période de tensions coloniales où la France, soucieuse de faire oublier la défaite de la guerre de 1870 se heurte régulièrement à l'Angleterre, sans aller toutefois jusqu'à la guerre ouverte. On observe concomitamment la montée en puissance allemande sous l'égide du chancelier Bismarck.

 

A l'intérieur du pays, l'année 1879 commence avec la démission du Président de la République Patrice de Mac-Mahon, le 30 janvier, après deux années de crise parlementaire. Jules Grévy lui succède jusqu'à sa démission le 2 décembre 1887 après le scandale des décorations. Sadi Carnot est élu à sa suite. Cette période de reconstruction de la République se réalise tout d'abord à l'intérieur avec les révisions constitutionnelles et l'affirmation des libertés républicaines avec divers recours aux décisions symboliques (La Marseillaise devient hymne national, le 14 juillet fête nationale en commémoration de la fête de la Fédération du 14 juillet 1790).

En termes de politique extérieure, la France cherche à se réinsérer dans le concert européen avec deux figures particulièrement marquantes : Jules Ferry, ministre des Affaires étrangères de 1883 à 1885, et Georges Boulanger, ministre de la Guerre de 1886 à 1887. Le premier d'entre eux cherche à construire un empire colonial qui puisse rehausser la France au niveau des grandes puissances de l'époque, et en particulier de l'Angleterre. Le second se concentre essentiellement sur l'idée de revanche qui permettrait de faire rentrer l'Alsace et la Moselle dans le giron français.

Cependant cette période n'est pas exempte de crises, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur. En effet on assiste à une forte montée de l'antiparlementarisme qui trouve ses racines dans différentes incidents qui ont perturbé la vie politique française, comme le scandale des décorations qui força le président Grévy à démissionner, et la crise boulangiste de 1887-1889. A l'extérieur, si la France construit son empire colonial avec un dynamisme certain (protectorat sur la Tunisie en 1881, sur l'Annam en 1883 et le Tonkin en 1884), la chute du gouvernement Ferry en 1885 entraîne une forte instabilité gouvernementale puisque sept gouvernements se succèdent entre 1885 et 1889. Enfin, l'affaire Schnaebelé en 1887 exacerbe les tensions entre la France et l'Allemagne. Par ailleurs, si, dans le dernier quart du XIXe siècle, l'empire colonial français s'étend sans entraves européennes en Asie, son influence en Afrique est fortement concurrencée par celle de l'Angleterre, et tout particulièrement en Égypte durant la période du fonds étudié. Le Royaume-Uni profitant de l'affaiblissement de la France qui suit la défaite de 1870 prend une importante participation financière dans le canal de Suez en 1875, et impose son protectorat à l'Égypte en 1882. L'éviction de la France de toute la vallée du Nil s'achève avec l'incident de Fachoda en 1898. Durant cette période l'Europe poursuit sa construction autour des deux grands que sont le Royaume-Uni et la jeune Allemagne. Le Congrès de Berlin de 1878 fixe les modalités d'un nouveau reflux de l'empire ottoman tandis que l'Autriche-Hongrie et la Russie sont rivales pour la domination des Balkans. Cette rivalité, dans laquelle les autres puissances s'immiscent, aboutit à la construction de la Triple Alliance en 1882, réunissant l'empire allemand, l'empire austro-hongrois et le royaume d'Italie. C'est cette coalition qui pousse la France à se rapprocher progressivement de la Russie, jusqu'à la conclusion en 1892 d'une alliance financière, militaire et politique qui met fin au long isolement français longtemps entretenu aussi bien par l'Allemagne que le Royaume-Uni.

 

Le fonds des rapports de police, essentiellement constitué de rapports, de coupures de presse et de correspondances, rend compte des différents enjeux et rivalités politiques européennes entre 1878 et 1891. Il donne une assez riche esquisse de la perception de la France et de ses ambitions extérieures par ses voisins, tout en fournissant de nombreuses informations sur la politique intérieure des pays concernés. On note la quasi absence des États-Unis de ce fonds, qui n'y sont mentionnés qu'une seule fois.