Ce fonds présente certaines particularités par rapport à l'ensemble des Cartons Verts. Il se distingue en effet d'une part du point de vue des dates des articles, d'autre part par son sujet. Si la majeure partie des Cartons Verts est consacrée à la Première Guerre Mondiale et à la presse des pays impliqués, de près ou de loin, dans le conflit, il n'en est pour ainsi dire pas question pour les colonies, fonds consacré pour l'essentiel aux articles parus dans la presse française durant les années 1920-1936. Mis à part les trois cartons signalés (F delta 884/25, F delta 884/26 et F delta 884/27) qui se distinguent de l'ensemble du fonds par leur teneur politique et diplomatique, l'ensemble des dossiers se donne visiblement pour tâche de regrouper tous les articles parus dans la presse française. Ils rendaient compte des activités et potentialités de l'empire colonial français. L'on trouvera cependant, de façon partielle et exceptionnelle, quelques articles relatifs au rôle des colonies lors de la « Grande Guerre ».

Ces articles soulignent surtout le rôle de l'Algérie et de l'Armée d'Orient, occultant la participation de bien d'autres colonies dans ce conflit. L'on pourra consulter à ce sujet le dossier 15.01 (cf. F delta 884/15) ainsi que le dossier 17.09 (cf. F delta 884/17), qui regroupent quelques articles sur le rôle des Algériens dans la Guerre. Le carton F delta 884/25 est quant à lui consacré entièrement aux questions militaires, et d'une façon générale à l'année 1917, ce qui est assez singulier compte tenu de l'ensemble des articles, portant sur une période nettement postérieure. Mais ces articles demeurent rares et ne constituent pas l'objet du fonds, qui contient 33 cartons et quelques 197 dossiers. Le fonds est organisé de façon assez logique, et suit un ordre géographique, en fonction des différents territoires qui composaient alors l'empire colonial français. L'on trouve tout d'abord en guise de présentation cinq cartons consacrés aux colonies dans leur ensemble. Les articles sont regroupés en fonction de thèmes, qui seront repris ensuite de façon détaillée pour chaque colonie, d'une façon plus ou moins systématique. L'on peut en citer quelques-uns, qui donneront une idée du contenu des dossiers : les ressources et richesses coloniales, notamment agricoles et minières le commerce et l'économie, l'industrie, l'administration coloniale, les transports et communications, les finances, les Grands Travaux, les problèmes politiques, le statut des indigènes, l’œuvre sanitaire de la France, les questions sociales. A la suite de cette présentation, deux cartons sont consacrés à l'Afrique Occidentale Française, tandis que les deux cartons suivant détaillent les activités des différents pays composants l'A.O.F : Côte d'Ivoire, Dahomey, Guinée, Haute-Volta, Sénégal, Mauritanie, Soudan et Niger. L'on retrouve une organisation similaire pour l'A.E.F, si ce n'est que dans le carton consacré aux généralités sur l'Afrique Equatoriale Française vient se glisser un dossier sur l'Oubangui-Chari, le Gabon et le Congo.

Ainsi, les informations générales sont mêlées aux informations particulières. A la suite de cette présentation, deux cartons sont consacrés à L'Afrique Occidentale Française, tandis que les deux cartons suivant détaillent les activités des différents pays composants l'A.O.F : Côte d'Ivoire, Dahomey, Guinée, Haute-Volta, Sénégal, Mauritanie, Soudan et Niger. L'on retrouve une organisation similaire pour l'A.E.F, si ce n'est que dans le carton consacré aux généralités sur l'Afrique Equatoriale Française vient se glisser un dossier sur l'Oubangui-Chari, le Gabon et le Congo. Ainsi, les informations générales sont mêlées aux informations particulières. Les deux cartons suivants en revanche s'intéressent aux deux pays d'Afrique noire alors placés sous mandat français, le Togo et le Cameroun. De nombreux articles sont consacrés aux problèmes posés par ce mode d'administration, et rendent compte de l'état d'esprit quant au mode de gouvernement à adopter dans les colonies africaines. Deux autres cartons sont ensuite consacrés à Madagascar, ce qui représente une masse assez importante de documents. Le carton suivant est consacré à l'Afrique du Nord d'une façon générale, tandis que quatre cartons regroupent des articles divers et nombreux sur l'Algérie, la colonie qui suscite de loin le plus d'attention de la part de la métropole. L'on trouve ensuite deux cartons consacrés à la Tunisie, un carton consacré au Sahara, avec abondance d'articles sur la question du Transsaharien, puis deux cartons, de contenu très politiques, reviennent à la Syrie et au Liban. L'on trouvera à la fin du fonds trois cartons, F delta 884/31, F delta 884/32 et F delta 884/33, consacrés au Maroc, et qui à l'origine trouvaient leur place avec les cartons portant sur le Maghreb. Ayant été retrouvés après les autres, ils ont donc été placés à l'extrême fin du classement. Le carton F delta 884/25 tranche, comme nous l'avons signalé plus haut, par sa singularité, puisqu'il est entièrement consacré à l'année 1917. Il se compose de quatre dossiers.

Le premier porte sur l'organisation de L'Armée d'Orient et son rôle lors de la Première Guerre Mondiale. Le second, qui est un document partiel, la première partie ayant apparemment disparu, est consacré au rôle de la Grèce ( et en particulier de Salonique) dans le conflit. Le troisième dossier est un document diplomatique, envoyé par Ernest Outrey, député de Cochinchine, au Président de la Commission des Affaires extérieures et Coloniales; il est consacré à la colonie britannique de Hongkong. Le dernier dossier est un mémoire de 454 pages dactylographiées, rédigé par Octave Depont, Inspecteur général des Communes mixtes et Directeur intérimaire des Territoires du sud en Algérie. Il a pour sujet la révolte et les troubles insurrectionnels dans les Aurès en 1916. Suivent enfin cinq cartons consacrés à l'Asie. Les cartons F delta 884/26 et F delta 884/27, de la même veine que le carton F delta 884/25, contiennent des documents dactylographiés à teneur essentiellement politique. Le carton F delta 884/26 est constitué de deux documents de Ernest Outrey, portant respectivement sur le Siam, puis sur « Singapour, le Yunnan et le Japon ». Le carton F delta 884/27 contient un dossier regroupant de nombreux documents diplomatiques sur la situation des ouvriers chinois venus travailler en France pendant la Première Guerre Mondiale, un dossier sur les républicains chinois, et deux rapports consacrés aux mouvements révolutionnaires au Tonkin et aux insurrections annamites. Le carton F delta 884/28 détaille suivant le plan habituel les activités des différentes zones géographiques composant l'Indochine : Cochinchine, Laos, Cambodge, Tonkin, Annam, Inde française, Siam, Yunnan, tandis que les deux derniers cartons développent cette fois d'une manière générale les différentes activités de l'Indochine. Ce qui semble avoir intéressé au premier chef le Bureau d'Études de la Presse Étrangère, c'est de sélectionner les articles décrivant les ressources minières et agricoles des colonies.

L'on trouve en effet un nombre considérable d'articles consacrés aux produits coloniaux, et à l'exploitation des ressources coloniales. L'industrialisation, ou encore la mise en valeur et l'aménagement du territoire semblent être des préoccupations secondaires, au regard du moins des articles sélectionnés par les membres du B.E.P.E, sauf cependant lorsqu'ils concernaient l'économie et l'agriculture, dans le cas par exemple de la mise en place d'infrastructures pour le transport des marchandises, ou de l'irrigation des terres pour les régions sahéliennes et tropicales sèches. Ainsi le projet du Transsaharien, qui a fait couler beaucoup d'encre et auquel beaucoup se sont intéressés avec passion, n'est demeuré qu'un projet. Sa réalisation, qui demandait beaucoup de moyens et de travaux, eût pourtant apporté un élan considérable aux échanges intercontinentaux en Afrique. Mais le débat qui eut lieu autour de la construction du chemin de fer devant relier l'Algérie à l'Afrique centrale ( les destinations précises ne furent jamais arrêtées) est en fait très significatif de la teneur « psychologique » des articles réunis par le B.E.P.E, témoignant tantôt d'un enthousiasme sans bornes pour la préférence coloniale, tantôt d'un scepticisme ironique quant aux efforts déployés par la France au sein de son empire. La question du budget et de la santé financière des colonies est en effet un aspect non négligeable de ces articles, et témoigne de cette polémique sous-jacente. Le thème de l'influence française est également longuement débattu au travers de la presse et démontre de façon significative la volonté d'unifier par une acculturation décisive, l'ensemble de l'empire sous la bannière métropolitaine. Les aspects sociaux posés par un tel projet sont au demeurant assez peu soulignés par les auteurs de ces articles, qui dans leur ensemble servent la propagande coloniale française. L'idée des droits des populations colonisées et de la définition de leur statut juridique et administratif, si elle semble se faire jour, ne requière que fort peu d'attention de la part des journalistes.

La « mission civilisatrice » de la France est rappelée en revanche à diverses reprises, et se manifeste dans son effort pour juguler les problèmes de santé et d'alphabétisation. « L’œuvre de la France » au sein de ses colonies est en effet un thème fréquemment abordé, qui souligne bien l'entreprise d'auto-justification menée par la métropole auprès de la population française. Plus politiques en revanche, les articles consacrés à l'Algérie et à l'Indochine. Une certaine sensibilisation aux « droits des indigènes » semble répondre à des attentes manifestes de la part des autochtones ( dans le cas notamment de la naturalisation), ou à certaines agitations politiques, qui ne laissaient pas indifférents les administrateurs. Ces préoccupations nous semblent cependant mineures au regard de l'ensemble de ces articles, extraits de journaux essentiellement commerciaux et économiques. Figurent parmi les périodiques les plus couramment étudiés par le B.E.P.E : la Journée Industrielle, la Dépêche coloniale et maritime, les Annales coloniales, Politika, l'Agence française et coloniale, l'Exportateur français, la Semaine coloniale, la République coloniale, ou le Moniteur de l'exportation. La simple énumération de ces journaux suffira à éclairer le chercheur sur les renseignements qu'il sera à même de trouver dans ce fonds riche et très éclairant sur la politique coloniale de la France durant les années 1920-1930.