Inventaire d'archives : Education nationale ; Direction des lycées et des collèges ; Sous-direction de l'orientation, de l'insertion des élèves et de la...

Titre :

Education nationale ; Direction des lycées et des collèges ; Sous-direction de l'orientation, de l'insertion des élèves et de la formation des adultes ; Bureau réglementation, affaires générales, formation des adultes, apprentissage (1925-1997)

Contenu :

1. Petit historique de l'enseignement technique et de son financement
C'est en 1919, avec la loi Astier que commence l'aventure de l'enseignement technique et professionnel du XX siècle. Pour Paul Astier, "L'enseignement technique, industriel ou commercial a pour objet, sans préjudice d'un complément d'enseignement général, l'étude théorique et pratique des sciences et des arts ou métiers en vue de l'industrie ou du commerce". Mais ce sera surtout avec la loi de financement du 13 juillet 1925 dite taxe d'apprentissage, que l'enseignement technique sera doté de réelles potentialités.
Paul Astier : député, rapporteur de la commission parlementaire du commerce et de l'industrie.
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Cependant Antoine Prost nous explique dans son livre que "un remaniement ministériel avait provoqué, le 20 janvier 1920, une transformation capitale, en créant un sous-secrétariat d'État à l'enseignement technique, rattaché à l'Instruction publique. C'était une petite révolution, car la loi Astier plaçait explicitement cet enseignement sous l'autorité du ministère du Commerce. Certes, le technique conserve une autonomie réelle, mais elle recule peu à peu : son budget cesse d'être voté séparément en 1930, et l'on peut prêter à Jean Zay le projet de le démanteler indirectement (cf. )", p. 314. C'est donc à partir de 1920 et avec l'attribution d'un sous-secrétaire d'État de l'instruction publique chargé de l'enseignement technique que l'enseignement technique subira la lente et irrémédiable attraction de l'enseignement général. l'enseignement en France 1800-1967infra
Edmond Labbé sera le premier directeur de l'enseignement technique, il nous a laissé un témoignage important à travers les réflexions qu'il a engagées sur la genèse du financement et sur le rôle de l'apprentissage. Mais comme l'analyse Prost, "il [Edmond Labbé] se faisait de la culture l'idée d'une accumulation de connaissances de tous ordres, un fatras encyclopé-dique : il aboutissait ainsi à une pédagogie ridicule, où le cours professionnel devait fournir l'occasion de bribes de grammaire, d'histoire ou de morale, artificiellement rattachées au moindre prétexte". Il faudra attendre le successeur de Edmond Labbé, Hippolyte Luc pour trouver un désir de fonder la culture technique sur la maîtrise d'une méthode intellectuelle.
Mais revenons sur la taxe d'apprentissage, elle repose sur un principe simple : elle vise toute personne ou société exerçant une profession industrielle ou commerciale ou se livrant à l'exploitation minière ou concessionnaire d'un service public. Toute personne ou société ainsi définie est assujettie à une taxe dite taxe d'apprentissage dont le produit inscrit au budget et l'État contribue aussi bien aux dépenses nécessaires de l'apprentissage qu'à celles de laboratoires scientifiques c'est-à-dire que cette taxe est destinée à financer pour partie la formation et pour partie la recherche.
Le taux de la taxe d'apprentissage est fixé chaque année dans la loi de finances. Il prend pour base le montant total des appointements, salaires ainsi que les redistributions quelconques payées pendant l'année précédente par le chef d'entreprise.
Quant au versement, il existe deux façons de s'acquitter de la taxe d'apprentissage, soit en la versant directement au Trésor public (exemple la loi 71-576-16), soit en sollicitant une mesure d'exonération (exemple le décret 72-283).
En effet, une société peut solliciter une mesure d'exonération si elle prend des dispositions en vue de favoriser directement ou indirectement l'enseignement technique. Ainsi, il est compté :
- les frais de cours,
- les salaires des techniciens qui sont chargés de la formation et de la direction des apprentis,
- les salaires payés aux apprentis,
- les frais des oeuvres complémentaires.
Donc, ce sera surtout à partir des mesures d'exonérations que se développera l'enseignement en alternance.
Or, il est important de savoir qu'il existe traditionnellement une asymétrie de la redistribution de la taxe d'apprentissage. Par exemple, en 1996, 20% de la taxe d'apprentissage étaient versés aux centres de formation d'apprentis (enseignement technique élémentaire) tandis que 80% étaient versés à l'enseignement supérieur et secondaire !
2. Enseignement technique et professionnel
L'enseignement technique est traditionnellement divisé en trois niveaux de compétence, un niveau élémentaire, un niveau moyen et un niveau supérieur (les ingénieurs). Il est singulier de remarquer qu'il n'existe pas de véritable filière continue entre le niveau élémentaire et le niveau supérieur. Enfin, il existe une formation spécifique de l'élite technicienne.
L'enseignement professionnel est une façon originale de dispenser l'enseignement technique. Cet enseignement est appelé enseignement par alternance. L'alternance est donc le caractère pédagogique d'une formation professionnelle. Elle repose sur le principe d'une formation alternée entre une période d'acquisition de connaissances et de savoir-faire en entreprise et une période d'acquisition de connaissances dans un centre de formation. Les durées des apprentissages en entreprise et en centre de formation sont respectivement courtes pour permettre plusieurs allers et retours sur une année scolaire.
Pour Paul Astier l'enseignement technique, industriel ou commercial n'est pas à un d'enseignement général, mais que sous entend-il ? Sous entend il que l'enseignement technique ne dispense pas d'un peu d'enseignement général (enseignement dont l'objet d'étude est alors différent ; on peut se poser alors la question de la consistance intellectuelle d'une telle formation car la méthodologie est-elle utilisable par les apprentis si elle ne repose pas sur une culture technique ?) ou bien, voit-il dans l'enseignement général le complément théorique de l'enseignement technique ? préjudiciablecomplément
Ensuite, si aujourd'hui l'enseignement professionnel est globalement plébiscité, l'impression d'un enseignement "schizophrénique" est souvent dénoncée par les apprentis.
On voit que l'existence de l'enseignement technique et a fortiori professionnel demande que soient posées les questions du rapport entre théorie et pratique, du rapport entre enseignement technique et enseignement général. L'expression ou le déni de ces liens et de ces antagonismes par l'administration ou les politiques sont bien sûr un point intéressant du problème.
3. Les centres de formation pour apprentis (CFA)
Il est intéressant de noter que l'endroit où sont dispensés les enseignements théoriques pour apprentis, enseignement conjoint à la période de formation en entreprise, n'est pas le lycée technique mais le Centre de Formation pour Apprentis dit CFA.
Les centres de formation pour apprentis ont été créés pour permettre la formation "théorique" des apprentis inscrits à une formation en alternance, ainsi ils reçoivent alternativement les apprentis entre deux périodes de travail en entreprise.
Il existe donc une différence idéologique entre la formation par alternance et la formation technique classique ; différence matérialisée par une différence de locaux, le centre n'a assurément pas la fonction sociale du lycée.
4. Les réformes des années 1980-1990
L'essentiel des réformes ont pour dessein soit la réorganisation de la taxe d'apprentissage, c'est-à-dire de réformer le volet financier de l'apprentissage, soit la réorganisation de l'enseignement par alternance, c'est-à-dire de réformer le volet pédagogique de l'apprentissage. Mais, si les réformes visent la taxe d'apprentissage, il n'en demeure pas moins qu'elles modifient incidemment l'enseignement.
Comme toujours, la série des réformes met à jour l'inconsistance au long terme de la politique en matière d'enseignement par alternance. Cette dernière ne faisant que régler les problèmes qui se posent et jamais ne les anticipe.
En effet, si l'on prend pour exemple les réformes des années 1980-1990 ; on voit tout d'abord se succéder une série de réformes (1971 avec la réforme sur le financement, 1978 avec la création des cotisations complémentaires, 1979 avec la création du fonds de compensation) alourdissant considérablement la démarche d'exonération, sous prétexte de préciser la filière à financer et de répartir les différentes charges de financement entre plusieurs acteurs. Cette complexification des procédures d'exonération devient vite aux yeux des entreprises insurmontable. Ainsi, cette première vague de réformes a de fait désengagé les entreprises de la formation d'apprentis, ceux-ci préférant payer plutôt que de passer du temps à justifier d'une exonération devenue peu intéressante.
Devant cette situation, les pouvoirs publics se retrouvent devant un paradoxe : paradoxe qui veut que la formation en alternance, professionnelle, n'intéresse plus les professionnels, maillon pourtant incontournable de la formation.
C'est avec le projet de réforme de défiscalisation de 1987 que les pouvoirs publics pensent "arranger" le problème. Ils cherchent par ces réformes à favoriser les mesures d'exonération, donc à percevoir directement moins d'argent mais à augmenter la prise en charge des apprentis par les entreprises. Si cette dernière réforme a pour effet de favoriser la prise en charge d'apprentis, elle a pour effet mécanique d'augmenter le nombre d'apprentis (ceux-ci se retrouvent être 250 000 en 1994-1995 aussi nombreux qu'en 1968 avant les réformes alors qu'ils n'étaient plus que 150 000 en 1976 ; voir tableau en annexe).
Or, si le nombre d'apprentis augmente le nombre de demande d'encadrement en centre de formation augmente d'autant (car chaque apprenti demande une place dans un CFA). Mais l'argent perçu pour le fonctionnement des centres de formation d'apprentis n'augmente pas aussi vite puisque comme nous l'avons dit les entreprises demandent des mesures d'exonération. En effet, la taxe d'apprentissage n'apporte pas l'argent nécessaire aux fonctionnements des centres de formation d'apprentis, tout simplement parce que le problème de fond, c'est-à-dire le problème originel n'a même pas été posé. Il concerne la curieuse répartition de la taxe d'apprentissage, répartition qui préconise une redistribution de la taxe d'apprentissage avec un taux de 20 % pour les CFA et de 80 % pour l'enseignement secondaire et supérieur. Sans jouer sur les mots on peut parler d'acte manqué des réformes de cette période, car elles manquent leurs objectifs explicites, l'enseignement professionnel et incidemment favorise un autre type d'enseignement, l'enseignement secondaire et supérieur. On voit ici émerger une suspecte division idéologique, passablement nocive à l'enseignement technique.
En effet il faudra attendre les années 1990 (1996) pour que soit énoncé explicitement ce problème de répartition et que soit proposé un enseignement supérieur professionnel (voir à ce sujet la commission Xavier Greff, 1991). A coup sûr voilà que les prérogatives de l'enseignement général et l'enseignement de l'élite sont ébranlées.
5. De l'antagonisme entre l'enseignement général et l'enseignement technique.
L'histoire de l'enseignement technique est pour une part l'histoire d'un double antagonisme que l'on observe entre l'enseignement général et l'enseignement technique et entre la formation de niveau élémentaire et la formation d'une élite. En effet, si le niveau "supérieur" de l'enseignement technique n'a pas été délaissé par l'État, il reste étrangement coupé de l'enseignement des niveaux techniques élémentaires ou moyens. La formation de l'élite technique, les ingénieurs, passe par la voie de l'enseignement général et à aucun moment il n'existe de technique ou pire encore, professionnelle. filière
De plus l'enseignement supérieur reste indexé sur l'enseignement théorique. La formation d'ingénieur n'est pas une formation professionnelle proprement dite, mais technique et intellectuelle.
Les enseignements généraux et leurs professeurs, voient d'un mauvais oeil leur échapper le monopole de l'accession aux études supérieures par l'instauration d'un baccalauréat professionnel, voir le monopole lui-même de la formation de niveau supérieur. En effet la mise en place du baccalauréat technique et surtout du baccalauréat professionnel modifie idéologiquement de l'accession aux études supérieures.
Il faut être conscient que cette hiérarchie très nette entraîne un recrutement sociologique inégal.
Cependant, les années 1980 verront l'instauration d'un baccalauréat professionnel, voir à ce sujet le suivi de l'expérimentation par la commission Garagnon en 1988, c'est-à-dire la possibilité d'accéder aux études supérieures par la voie de l'apprentissage. D'autre part un projet de préparation du diplôme d'ingénieur par la voie de l'apprentissage sera proposé (délégation Xavier de Greff 1991) puis repoussé.
6. Mise en oeuvre de l'enseignement en alternance : organisation et sanction
Si l'élaboration des contenus de l'alternance est affaire de politique, la mise en oeuvre n'est pas simplement un problème de gestion administrative, mais affaire de raison et d'idéologie, en un mot de morale.
En effet les problèmes d'organisation et de sanction de l'alternance ne sont pas seulement des problèmes de gestion administrative, comme on pourrait le penser aux premières lectures des dossiers sur la durée des contrats (2 ou 3 semaines) ou sur l'âge des apprentis (code du travail) ou encore de leurs rémunérations (en fonction de l'âge) ou encore des problèmes de relation entre cours dispensés dans les CFA et pratique en entreprise, car tous ces problèmes pour être tranchés font appel à une théorie de l'action.
Ainsi, l'organisation et la sanction de l'apprentissage est toujours un outil de propagande au service de l'économie en place. Il n'est donc pas surprenant que les sujets traitent d'une façon particulière les problèmes des rapports de production comme par exemple l'enseignement ménager (formation féminine), le plafond d'emploi simultané (du chômage dans une branche) des accords cadre entre le secrétaire d'état à l'enseignement technique et de grandes entreprises.
7. L'amitié des instituteurs, le modèle allemand et les lobbys patronaux.
L'enseignement par alternance se révèle être un moyen efficace pour lutter contre le chômage. A partir de 1984, la gauche essaie de lui donner un nouveau souffle, mais cet élan est bridé par les liens qu'elle entretient avec le monde enseignant, notamment avec les instituteurs. En effet, ceux-ci comme nous l'avons dit sont réticents face à une formation qui leur échappe.
En 1991 Lionel Jospin devient ministre de l'Éducation nationale et Édith Cresson devient Premier ministre ; elle relance la réforme du système de formation par alternance en prenant pour modèle le système allemand de formation professionnelle. En effet, ces derniers n'ont pas le même préjugé sur l'enseignement technique et professionnel, leur gauche est d'une tradition syndicale liée au milieu technique professionnel. Ainsi, le bélier utilisé par Édith Cresson sera les réunions de septembre 1991 avec la puissante Union des industries métallurgiques et minières ; au cours de ces réunions elle présentera ces projets.
Or, un écueil d'une autre nature menacera la réforme de 1996, réforme devant permettre aux CFA de faire face à l'afflux toujours croissant d'apprentis : les lobbys patronaux.
En février 1996 le gouvernement propose d'augmenter la taxe d'apprentissage pour financer les CFA, ceci en amoindrissant les aides destinées à la prise en charge des apprentis données aux entreprises. Cela dit en passant il s'agit de l'éternel mouvement de reflux de réforme qui n'aborde toujours pas le problème de l'inégale répartition de la taxe d'apprentissage entre les CFA et le niveau moyen et supérieur.
Les patrons, quant à eux, sont réticents à l'augmentation de la taxe d'apprentissage et ils font pression pour bénéficier d'une compensation à la diminution des aides, prétextant qu'ayant constitué leurs propres filières d'apprentissage de niveau supérieur, notamment dans les secteurs industriels (voir à ce sujet les projets de l'union des industries métallurgique et minières), ils ont besoin de l'argent des aides. En effet, les formations de niveau supérieur sont coûteuses. Le gouvernement répondant à la pression des patrons par l'intermédiaire de Michel Berson fait des propositions dans leur sens en proposant un relèvement des niveaux de formation par la voie de l'apprentissage.
À côté de cela, les petites entreprises, peu influentes, craignent de perdre une partie des aides. La chambre des métiers, emboîtant le pas des petites entreprises pour préserver une juste répartition, propose la création d'un conseil national de l'apprentissage pour garder un système de péréquation nationale.
Enfin, les chambres de commerce et d'industrie qui drainent la moitié de la taxe d'apprentissage et qui forme le gros des niveaux professionnels élémentaires sont logiquement réticentes à la proposition gouvernementale de favoriser le financement de niveau professionnel supérieur voyant là un abandon de la formation des couches élémentaires de l'industrie.
Sommaire
Apprentissage industriel, commercial et. Artisanal. Art 1-4 : Historique, financement, perception et utilisation de la taxe d’apprentissage, 1925-1996. Art 5-28 : Préparation de diplômes par la voie de l’apprentissage : Textes fondamentaux et commissions, organisation et sanction de l’apprentissage, situation par Académie et par section, formateurs et maîtres d’apprentissage, inspecteurs généraux et service académique de l’inspection et de l’apprentissage, formation et entreprise, programme Petra, 1972-1997.

Cote :

20020354/1-20020354/28

Publication :

Archives Nationales
2002

Informations sur le producteur :

Bureau de la réglementation et des affaires générales de la formation des adultes et de l'apprentissage (direction des lycées et collèges)

Localisation physique :

Pierrefitte

Identifiant de l'inventaire d'archives :

FRAN_IR_019388

Archives nationales

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