Inventaire d'archives : Retirada : collection de documents.

Contenu :

Souvent considérée comme le prélude à la Seconde Guerre mondiale, la guerre civile espagnole débutée en 1936, entre dans sa phase finale avec la prise de Barcelone par les forces franquistes le 26 janvier 1939. Les bombardements aériens des villes et de la population en fuite sur les routes catalanes, et la répression qui suit la promulgation de la loi sur les responsabilités politiques par Franco le 9 février, contraignent à l’exode les républicains espagnols et leur famille, dans la panique et le dénuement. Originaires de différentes provinces d’Espagne, ils convergent vers la France, perçue alors comme le pays de la Révolution et de la République. Ils sont civils, militants politiques, membres des Brigades internationales, soldats … Ainsi, de l’ouverture de la frontière le 28 janvier pour les civils, puis le 5 février pour les militaires, jusqu’à sa fermeture le 13 du même mois, près d’un demi-million de réfugiés traverse les Pyrénées. C’est la Retirada.
Le corpus de documents présenté ici trouve son origine dans ce temps de l’exode. Il illustre partiellement ces parcours de vie individuels et collectifs au travers de documents personnels et familiaux préservés par les réfugiés et de documents témoins de leur vie en France et en Espagne, de l’avant à l’après-guerre. Ce sont des échanges épistolaires, des photos isolées ou des albums de famille étoffés, des documents politiques et administratifs, des articles de presse, des dessins et des écrits (pièces de théâtre, poésies …). Des documents très personnels nous ont également été confiés. Ces ego-documents (1), aux modalités et finalités variées, nous livrent émotions, sentiments, idées et perceptions de ces hommes et de ces femmes. Le journal intime tenu scrupuleusement par un jeune homme issu d’une famille bourgeoise de Barcelone en est un exemple, de même que les cahiers journaux tenus dans les camps. Ces fonds contiennent parfois des objets, tels les galons, insignes, médailles et pièces de tissus, indissociables des papiers et photographies qui les accompagnent.
Ces archives, menacées de perte et de destruction en temps de guerre civile et d’exode, malgré leur vulnérabilité et leur fragilité, ont été sauvées par leurs détenteurs ou retrouvées par hasard. Grâce à elles, nous pouvons entrevoir des bribes de ce drame humain, dans les multiples aspects de la vie de ces exilés. A leur arrivée en France, ces étrangers qualifiés d’ « indésirables » sont soumis à identification, contrôle (à l'aide du carnet individuel pour le contrôle des déplacements par exemple), exclusion et répression. En effet, les autorités françaises, débordées par l’afflux massif largement sous-estimé de ces réfugiés, et par peur pour la sécurité intérieure du pays, mettent en place des dispositifs d’encadrement policier et militaire coercitifs. Les familles sont séparées. Les hommes, vivier de main d’œuvre pour remplacer ceux partis au front, sont internés dans des camps aux conditions de vie indignes.
Devenir prestataire dans l’agriculture ou dans l’industrie permet de quitter le camp. Des sauf-conduits sont alors nécessaires pour se rendre en qualité de travailleur agricole chez son employeur. On peut voir ces hommes sur des photographies aux côtés de leurs camarades durant les travaux agricoles. Ils sont également soumis à ce travail forcé au sein des Compagnies, puis des Groupements de travailleurs étrangers (CTE et GTE) dans les mines du Tarn, les chantiers de carbonisation du bois du Centre, dans les Alpes, en Normandie .... Les informations contenues dans les documents administratifs (attestations, certificats de travail, demande de renouvellement de carte d’identité de travailleur étranger) attestent de cet aspect de leur vie en France.
Certains de ces hommes s’engagent dans la Légion étrangère, autre moyen d'échapper au camp. Subsistent alors des cartes de combattant, citations militaires, livrets de pension, brevets de retraite. Ils sont parfois faits prisonniers.
Par ailleurs, des documents éclairent de manière singulière leur détermination à poursuivre un idéal politique au travers de l’engagement dans des partis de différentes tendances de gauche (marxistes, anarchistes, socialistes, communistes ou républicains modérés) et dans l’action combattante pendant la guerre civile. Détermination qui se traduit souvent par l’entrée en résistance en France, afin de poursuivre le combat mené en Espagne. Cartes de combattant volontaire de la résistance, cartes d’adhérent d’amicale d’anciens FFI et résistants espagnols, ordres de mission, messages confidentiels nous rappellent ces engagements dans nombre de ces fonds.
Après la guerre, certains d’entre eux choisissent de demeurer en France. Ils demandent alors, parfois, le statut de réfugié sous protection de l’OFPRA ou la naturalisation. D’autres demeurent en Algérie, rejointe en 1939, à Oran, par exemple. Pour ceux qui restent sur le sol français après-guerre, les fonds collectés ici donnent à voir des aspects de la solidarité au sein de la communauté espagnole installée notamment dans le Sud-Ouest de la France. Ils participent à l’intense vie culturelle et associative issue de cet exil, tout en maintenant des liens avec le pays d’origine. Enfin, certains regagnent l’Espagne.
De ces archives multiformes, ressortent l'intimité de ces réfugiés (peur, espoir, faim …), leurs idées et leurs engagements individuels et collectifs, en contrepoint des sources administratives d’archives publiques.
Les fils et filles de réfugiés, leurs petits-enfants sont eux aussi porteurs de cette mémoire, réélaborée. Ils nous confient ici leurs écrits (récits, nouvelles, roman, poèmes …) et nous racontent avec émotion souvent, ce qu’ils savent de ce passé. Ce contexte est soigneusement retranscrit dans la présentation de chaque fonds.
Enfin, des témoignages collectés plus ou moins tardivement, dans le cadre de commémorations, notamment depuis la fin des années 1990, lorsqu’émerge le thème de la guerre d’Espagne et de ses suites dans le discours commémoratif national, ou encore à l’occasion de travaux scolaires, viennent compléter cette collection.
Le courage, la volonté et la conscience politique réunissent ici ces hommes et ces femmes au travers du vécu de la Retirada.
(1) Alted Vigil, A. (2022). Les ego-documents comme sources pour l’histoire. Leur utilisation pour comprendre l’exil de 1939. Matériaux pour l’histoire de notre temps, 143-144, 45-51. https://doi.org/10.3917/mate.143.0045

Informations sur l'acquisition :

Don
2017 et 2019
Historique de conservation :
Les fonds réunis dans cette collection résultent d’une campagne de collecte de documents relatifs à l’exil républicain espagnol, menée par les Archives départementales de la Haute-Garonne en 2019, pour le 80e anniversaire de la Retirada.
Cette campagne a porté sur les souvenirs de l’exil espagnol et a abouti au don ou au prêt pour numérisation de 20 fonds composés d’ensembles plus ou moins étoffés. Après avoir été inventoriés, 15 fonds ont été numérisés et restitués le cas échéant à leur propriétaire. C’est le résultat de ce travail qui vous est présenté ici.
Il n’est pas toujours aisé de connaître l’histoire de la conservation de ces fonds. Ils proviennent en effet de protagonistes, témoins, descendants ou sympathisants de cette histoire. S'ils sont demeurés le plus souvent précieusement au sein de la famille, ils ont parfois été retrouvés inopinément à l'occasion d’un déménagement par exemple.
Ces documents sont la plupart du temps dans un bon état de conservation. Dans certains cas, les photographies ayant subi des altérations physiques ou chimiques ont été retirées des albums et conditionnées dans des contenants neutres, afin de les préserver durablement.
D’autres fonds relatifs à cette période historique, conservés ou numérisés par les Archives départementales antérieurement ou postérieurement à la période de collecte initiale, ont été ajoutés à cet ensemble

Description :

Critères de sélection :
Les documents donnés aux AD31 ont été conservés intégralement.

Ressources complémentaires :

FRAD031_retirada

Références bibliographiques :

Ouvrages donnés aux Archives départementales de la Haute-Garonne dans le cadre de la collecte Retirada :
BH in 8° 8303 Exilés[Texte imprimé]. Le passé te rattrape toujours... / José Colina Quirce. - Morlaix : Maison du peuple, 2019. - 1 vol. (205 p.) : ill. noir et bl. ; 23 cm.
La couv. porte aussi la mention "Témoignage".
BH in 8° 5668 Camino de Cuevas del Almanzora... à Cazères-sur-Garonne [Texte imprimé] : Le chemin de la mémoire / Annie Galy. - par l'auteur (Mag-Editions), 2005. - 128 p. : couv. ill. ; 21 cm.
BH in 8° 8304 Amélia [Texte imprimé]. Une vie, deux guerres (Espagne-France 1936-1952) / Manuel Santos, Pascale Malevergne. - Perpignan : Mare nostrum, 2013. - 1 vol. (78 p.) : ill. noir et bl. ; 21 cm.
Bandeau de couv. "De Badalona à Toulouse. Les deux guerres d'une femme entre exil et camps"

Identifiant de l'inventaire d'archives :

FRAD031_retirada

Où consulter le document :

Archives départementales de la Haute-Garonne

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