Page d'histoire : Des Bretons, des Bretagne(s) en guerre ?

 

"Caserne du 3e dépôt et le Navire-Amiral Libre", Lorient, carte postale

Le 29 décembre 1935 a lieu à l’Hôtel national des Invalides une cérémonie qui réunit de nombreux Bretons de Paris. Comme il se doit, la journée débute par une messe en la chapelle Saint-Louis. L’office est donné par l’abbé Coasmat, directeur de l’Association bretonne, une société savante aux positions assez conservatrices. Le sermon est prononcé par l’abbé Guérin, ancien aumônier du 70e régiment d’infanterie de Vitré. Vient ensuite l’acmé de la journée, l’inauguration d’une plaque dans la galerie supérieure de la cour d’honneur des Invalides. Ornée d’un bas-relief, qui n’est pas sans évoquer les Seiz Breur [1], dû au sculpteur breton et ancien combattant Louis-Henri Nicot, celle-ci présente deux profils, l’un de poilu, l’autre de fusilier-marin, figures héroïques censées symboliser les 240 000 morts bretons de la Première Guerre mondiale [2].

Cette plaque est bien connue et les polémiques que suscite la mention de 240 000 morts Bretons [3] ne comportent aujourd’hui plus aucun mystère pour l’historiographie. Si la Bretagne compte parmi les régions françaises qui payent le plus lourd tribut à la Première Guerre mondiale, le terrible bilan fait état suivant les sources – données préfectorales et rapport Marin, extrapolation des fiches des morts pour la France sur Mémoire des hommes ou encore décompte des monuments aux morts [4] – d'environ 130 000 morts, ce qui est déjà considérable, et non 240 000 comme proclamé.

Cependant, ces deux profils de poilus et de fusiliers-marins peinent à dire la diversité des Bretons qui, dès les premiers jours de la campagne, se révèlent bien peu monolithiques face à ce conflit. Cette dimension ne fait que se confirmer avec l’enlisement dans les tranchées et permet d’ailleurs de souligner une dimension singulière de la Bretagne qui, par bien des égards, apparaît comme un front à part entière de la Grande Guerre. En d’autres termes, tout se passe comme si le débat autour du nombre de mort avait complètement conduit à occulter la réflexion sur la, ou plus précisément les, Bretagne(s) pendant le conflit.

La Bretagne en 1914

Dès les toutes premières heures de la guerre, la Bretagne se révèle difficile à cerner, englobée dans une multitude de réalités distinctes. Or, il importe de les identifier précisément puisque celles-ci déterminent directement le sort des individus lors de la mobilisation générale et des premières semaines du conflit.

Du régionalisme militaire

L’historiographie a depuis longtemps identifié plusieurs Bretagne. Il en est ainsi d’Armor et d’Argoat, Bretagne maritime et rurale, ou encore des Bretagne bleue et blanche, aux choix électoraux différents. De même, la province est traversée par une frontière linguistique séparant bretonnants et gallésans. Certes, en 1914, celle-ci tend à s’estomper sous l’influence des lois scolaires de la Troisième république mais la situation est telle qu’au début du siècle l’inspecteur d’académie des Côtes-du-Nord, un département sis de part et d’autre de cette frontière, note que « pour nos petits Bretons, l’enseignement du français doit être conduit avec la même rigueur de méthode que s’il s’agissait d’une langue étrangère » [5].

Cette hétérogénéité se retrouve également au point de vue des régions militaires créées lors de la réforme militaire de 1873 [6]. En effet, à la suite de cette réorganisation née du désastre de 1870, la Bretagne militaire est scindée en deux entités qui ont toutes deux la particularité d’allègrement déborder les marches historiques de la province. Basée à Rennes, la 10e région militaire englobe les départements d’Ille-et-Vilaine et des Côtes-du-Nord mais également la Manche, située en Normandie. De même, la 11e région de Nantes s’étend sur le Finistère, le Morbihan, la Loire-Inférieure… et la Vendée.

Comme partout en France ces régions militaires reposent sur le binôme bureau de recrutement / régiment d’infanterie [7] et, en Bretagne comme ailleurs, l’approvisionnement des rangs s’effectue sur des bases locales [8]. A titre d’exemple, les statistiques concernant le 47e régiment d’infanterie de Saint-Malo démontrent que plus de 90% des tués à l’ennemi de cette unité morts pour la France en 1914 sont nés et/ou dépendent d’un bureau de recrutement de la 10e région militaire. Il n’y a dès lors pas de difficulté particulière à ce que ce régiment soit considéré comme breton [9]. Cependant le 47e RI dépend de la 20e division qui, basée à Saint-Servan, est-elle aussi régulièrement qualifiée de bretonne. Or celle-ci regroupe également les 2e régiment d’infanterie de Granville, 50e de Cherbourg et 136e de Saint-Lô, soit autant de garnisons normandes. Semblable réflexion peut d’ailleurs être formulée à l’endroit de la 21e division d’infanterie qui regroupe certes les 64e et 65e RI casernés respectivement à Ancenis / Saint-Nazaire et Nantes mais également le 93e de la Roche-sur-Yon et le 137e de Fontenay-le-Comte, autant d’unités casernant en Vendée.

La Bretagne en mouvement

Or ces différentes régions militaires sont le siège de deux corps d’armée aux parcours militaire distincts, même si tous deux débutent leur campagne en Belgique. Autrement dit, dès les toutes premières heures de 1914, les unités bretonnes opèrent sur des théâtres d’opérations différents.

Parc d'artillerie de Coetquidan, Morbihan 

À Charleroi, le 10e corps est notamment confronté à la Garde allemande. Cette unité d’élite est d’ailleurs souvent mise en avant par les mémorialistes afin d’insister sur l’héroïsme des combattants bretons [10]. Néanmoins, sans être pour autant déshonorant, les archives montrent que le passage de la guerre anticipé à la guerre vécue est, pour les unités aux ordres du général Defforges, plus difficile que ne le suggère la vulgate forgée dans l’immédiat après-guerre. Les liaisons sont particulièrement défectueuses et la troupe parait désarçonnée par la remarquable utilisation du terrain par les unités allemandes [11]. À l’échelle du 47e régiment d’infanterie de Saint-Malo, la bataille de Charleroi peut ainsi être résumée comme l’assaut sans soutien d’artillerie de troupes fauchées par des mitrailleuses ennemies cachées dans des bois [12]. Le baptême du feu du 11e corps a pour sa part lieu à Maissin, lors d’une bataille qui, tout comme Charleroi, relève les carences de l’Armée française dans son anticipation du feu moderne, tel qu’il avait déjà pu s’exprimer lors de la guerre de Boers ou pendant le conflit russo-japonais de 1905 [13]. Pour les 10e et 11e corps les pertes sont immenses. Pour ne citer que l’exemple de la 20e division, l’état-major relève au soir du 22 août 1914 la perte de plus de 2 000 hommes [14]. À dire vrai, la situation bretonne n’a rien de spécifique puisque cette journée est généralement considérée comme la plus meurtrière de toute l’histoire de l’Armée française.

Après une semaine d’une retraite effectuée à une allure infernale et sous une chaleur « tropicale » – pour reprendre l’expression de Charles Lanrezac, chef de la Ve armée et natif de Point-à-Pitre [15]– vient pour le 10e corps l’heure de la bataille de Guise, tout aussi meurtrière, voire parfois même plus, que Charleroi. Mais à la différence du baptême du feu qui se solde par une défaite sans appel, cette bataille est un coup d’arrêt momentané dans la folle marche des Allemands sur Paris, pause qui pour de nombreux observateurs permet aux troupes françaises de se réorganiser afin de prendre part à la bataille de la Marne [16].

Les Bretons y prennent d’ailleurs une part importante, notamment dans ce secteur des marais de Saint-Gond qui inspire tant Charles Le Goffic. Galvanisé par sa verve héroïco-patriotique, l’académicien lannionais écrit même que la Marne est « le tombeau du prestige de la force allemande et de sa prétendue invincibilité » [17]. En réalité, un siècle après les faits, cette bataille apparait comme un tournant uchronique. En effet, si les Allemands l’avaient remportée, alors assurément la face de la guerre eût été modifiée. Mais tel ne fut pas le cas et pour les Bretons, la Marne est avant tout le moment d’une modification à 180° du cap suivi. Pour de nombreux combattants, si ce mois de septembre 1914 est important, c’est qu’il est synonyme de retour des velléités offensives, tellement prisées par les représentations mentales de l’époque. C’est d’ailleurs ce qu’explique bien Georges Veaux, médecin au 41e régiment d’infanterie de Rennes, lorsqu’il écrit :

« Tant mieux ! On a fini de foutre le camp ! On commençait à en avoir marre de montrer notre dos aux Boches ! » [18]

Si le champ de bataille en Champagne laisse présager en cette région une certaine propension à la stabilisation du front en septembre 1914, l’époque est encore au mouvement et, pour contrer l’offensive allemande, les généraux Defforges et Eydoux, commandant les 10e et 11e CA, reçoivent l’ordre de se porter vers un autre théâtre d’opération, plus au nord. C’est l’heure de la Course à la mer qui s’achève pour le 10e corps dans le Pas-de-Calais, autour d’Arras, et pour le 11e dans la Somme, dans les environs d’Amiens [19]. Parallèles, les destins des unités bretonnes des 10e et 11e corps n’en sont donc pas moins distincts. Mais, sous l’effet conjugué de l’épuisement des hommes – plutôt devrions-nous écrire des survivants tant les pertes sont immenses depuis le début de la campagne – et de la crise des munitions, le mouvement s’essouffle peu à peu et la Course à la mer s’enlise [20].

De la réserve et des territoriaux

Cette évolution de la campagne impacte grandement les soldats de la réserve et encore plus les territoriaux. En théorie, suivant les préceptes en vigueur au moment de la mobilisation générale, ceux-ci sont moins exposés que les troupes de l’Armée d’active, censément mieux préparées au combat. Placés en réserve du 10e corps d’armée, les 241e et 270e régiments d’infanterie de Rennes et Vitré ne sont par exemple que peu utilisés pendant les deux premiers mois de la campagne et restent la plupart du temps en périphérie du théâtre d’opérations, en position de soutien d’infanterie ou d’artillerie [21]. Mais les pertes générées par les premiers combats et l’impérieuse nécessité de regarnir les rangs rendent rapidement cette dichotomie caduque. Ainsi, à la fin du mois d’août 1914, c’est une division de réserve, la 51e, composée de régiments du Nord, qui renforce le 10e corps d’armée [22]. De même, certains régiments bretons de réserve sont impliqués, dès les premières semaines du conflit, dans de très violentes batailles, à l’instar du 262e RI de Lorient qui, dans le secteur de Sailly-Saillisel (entre Arras et Péronne), perd entre 600 et 700 hommes en deux journées de combat, les 27 et 28 août, sur un effectif de départ de 2173 [23].

Caserne du 48e régiment de Guingamp

C’est probablement pour les régiments de l’infanterie territoriale que cette évolution est la plus sensible. Composées d’effectifs plus âgés, c’est-à-dire de personnes nées la plupart du temps avant 1880, ces unités connaissent en août 1914 un destin radicalement différent de celui des troupes de l’active. Nombreux sont en effet ces régiments casernés en Bretagne à être affectés dans un premier temps à la défense des côtes, en prévision d’une éventuelle descente ennemie, comme cela pouvait se produire à l’époque moderne [24]. Pour ne citer que quelques exemples, les 73e RIT de Guingamp, 74e RIT de Vitré et 76e RIT de Saint-Brieuc sont envoyés dans le Cotentin tandis que les Brestois du 87e RIT sont à Ouessant et Crozon [25]. Pour l’essentiel, ces soldats sont affectés à divers exercices et séances de tirs en vue de ré-entrainer la troupe. On sait également que beaucoup sont employés aux moissons ou à divers travaux de terrassements [26]. Au final, ce n’est qu’en octobre 1914, au moment de la Course à la mer, que ces unités territoriales connaissent un destin similaire à celui des troupes de l’active. La confrontation à la réalité de la guerre peut alors se révéler particulièrement violente pour ces hommes qui, ayant effectué leur service militaire au tournant du siècle, envisagent le combat suivant des représentations largement périmées. C’est ce que révèle par exemple l’examen du carnet du Briochin Paul Cocho, mobilisé au 74e RIT :

« Comme cette guerre est étrange ! Qui aurait cru qu’elle aurait consisté à se tenir tapis, au fond des trous, guettant l’ennemi en première ligne, allongés au fond de la tranchée et attendant les événements en deuxième ou troisième ! » [27]

Après seulement quelques semaines de guerre, on hésite donc à écrire le sort des Bretons au singulier tant les théâtres d’opérations sur lesquels ils combattent sont variés. Pourtant, et ce de manière assez paradoxale, la réalité de la guerre du XXe siècle, la confrontation au feu moderne, semble pour beaucoup la source d’un même étonnement, comme le rappelle le Nantais Vincent Bénaitreau dans une lettre qu’il adresse à sa mère en décembre 1914 :

« Je n’aurais jamais cru la guerre comme cela, on ne s’en fait pas une idée. Parfois en regardant des gravures d’antan, on voit le drapeau flotter en l’air, eh bien je ne l’ai vu qu’une seule fois, et encore, c’était à une revue de décoration. » [28]

Les Bretons sur tous les fronts

Groupe de mobilisés bretons 

L’unicité de la Bretagne et du sort des Bretons pendant la Première Guerre mondiale semble d’autant plus hypothétique que la situation qui prévaut dans les premières semaines du conflit ne fait que se confirmer à partir du « long 1915 » [29] et de l’enlisement dans les tranchées. En effet, ce ne sont pas moins de 592 916 Bretons qui sont mobilisés, soit 7,38 % des appelés français [30].

On se doute dès lors que, pas plus qu’à l’été 1914, ceux-ci ne combattent pas tous dans les mêmes tranchées, en même temps. En conséquence, les expériences bretonnes au front sont multiples et variées.

De Verdun à la Somme

Ainsi, rares sont les batailles où l’on ne trouve pas de Bretons. Pour ne citer que quelques exemples, le 62e régiment d’infanterie (Lorient) est en avril 1916 dans le secteur de Verdun, entre Froide Terre et la Côte du Poivre. Le journal des marches et des opérations de l’unité dit bien la violence terrible des bombardements subis :

« À partir de 4 heures, l’ennemi arrose tout le terrain, et particulièrement le nouveau secteur occupé par le 3e bataillon, d’obus de 77, 105, 150 et 210. Toutes les communications, téléphoniques et autres, sont impossibles. […] Le bombardement augmenta d’intensité toute la matinée. La pluie tombe à partir de midi. Vers 13 heures, le sous-lieutenant Sergenton de la 11e compagnie […] arrive, couvert de boue, au PC du colonel, et lui annonce que les Allemands se sont emparés de la 1e ligne de tout le secteur occupé par deux compagnies du 118e (à droite du 3e bataillon), trois compagnies du 3e bataillon du 62e (9e, 10e, et 11e), un bataillon entier du 19e (à gauche de notre bataillon). Le sous-lieutenant, après un corps-à-corps avec l’ennemi, avait pu lui échapper au péril de sa vie, ainsi que le lieutenant Leduc, commandant la 11e compagnie, le lieutenant Kergaravat, chef de section de cette compagnie, et quelques hommes. »  [31]

Le 47e régiment d’infanterie (Saint-Malo) participe pour sa part à la bataille de la Somme et combat dans le secteur de Chaulnes. Les conditions y sont tout aussi dantesques comme le montre le rédacteur du journal des marches et des opérations de l’unité dans sa relation d’un assaut survenu le 13 octobre 1916. La neutralité de ce document, son détachement tout administratif, ne fait au final que souligner la violence hors-du-commun de ces combats :

« Vers 5h35, les Allemands s’avancent vers la barricade du boyau d’Amberg et projettent du liquide enflammé sur les défenseurs qui sont contraints de se replier légèrement. Une contre-attaque immédiate à la grenade nous ramène à la barricade et repousse l’ennemi qui, pris d’enfilade dans le boyau d’Amberg par le tir d’un fusil mitrailleur, sort du boyau et se déploie en tirailleurs au Nord et au Sud. A ce moment, l’intervention d’une mitrailleuse du bataillon Nord cause des pertes sérieuses à l’ennemi et l’oblige à rentrer dans ses lignes. » [32]

Sur ces champs de bataille se forgent quelques destins emblématiques qui, eux aussi, disent bien la diversité des Bretons au front. Ainsi c’est en Argonne qu’un jeune soldat originaire de Montreuil-sur-Ille (Ille-et-Vilaine) est laissé pour mort en septembre 1914 sur le champ de bataille, le visage déchiqueté par un éclat d’obus. Finalement évacué puis soigné à Bordeaux et au Val de Grâce, Albert Jugon devient l’une de ces trop fameuses « Gueules Cassées » et participe à la création de l’Union des blessés de la face et de la tête [33]. Autre figure emblématique, celle de Corentin Carré, jeune garçon originaire du Faouët (Morbihan), engagé volontaire à l’âge de 15 ans qui, devenu adjudant dans l’infanterie, passe dans l’aviation. C’est d’ailleurs à bord de son appareil qu’il trouve la mort, dans la Meuse, en mars 1918 [34]. Très jeunes ou parfois assez âgés, – mentionnons pour mémoire le cas de l’ancien préfet du Finistère, Henri Collignon, engagé volontaire à 57 ans et mort pour la France à Vauquois en mars 1915 [35] – les Bretons ne s’illustrent pas que dans l’infanterie. Originaire de Plérin, dans les Côtes-du-Nord, Marcel Brindejonc des Moulinais est l’un des grands pionniers de l’aviation française et devient pendant le conflit un As, avant de tomber aux commandes de son appareil en août 1916. On pourrait également citer les Nantais Michel Coiffard, Pierre Cazenove de Pradines et Alfred Heurtaux, le Brestois Henry Hay de Slade, son acolyte finistérien Jean Berthelot, le Morbihannais Joseph Lahoulle ou encore le Briochin Marcel Coadou qui, à eux tous, cumulent plus de 110 victoires homologuées [36].

Il est donc très difficile de synthétiser en quelques lignes l’implication des Bretons sur les champs de bataille de la Première Guerre mondiale. Au final, ce sont peut-être les « petites phrases », ces punchlines qui frappent les esprits, qui traduisent le mieux la diversité de la diaspora bretonne dans les tranchées de la Grande Guerre. Ainsi du Premier ministre britannique Lloyd George qui apostrophe le Nantais Aristide Briand en lui disant « Vos Bretons se sont bien battus à Verdun ». Dans un autre style, beaucoup moins consensuel et d’ailleurs probablement apocryphe, le général Nivelle se serait exclamé à propos de sa désastreuse offensive sur le Chemin des Dames : « ce que j’en ai consommé de Bretons ! ». Mais s’il est une famille qui incarne bien cette multiplicité des Bretons au front pendant la Première Guerre mondiale, ce sont les Ruellan de Saint-Malo : dix frères dont huit sont morts pour la France. Julius décède de ses blessures à Souain, André tombe dans le secteur de la Main de Massiges, Bernard est tué lors d’un coup de main dans le secteur de Frévent, dans le Pas-de-Calais, Louis perd la vie pendant la bataille de la Somme, la même année qu’Henry, fauché pendant celle de Verdun, Jean termine ses jours sur le mont Kemmel à la fin du mois de mai 1918… Au final, la famille Ruellan avec ses huit frères morts pour la France est certainement l’une des plus éprouvées de France [37]. Ce faisant, tous donnent un étonnant aperçu de la géographie des Bretons au front pendant le conflit.

Les Bretons et les gaz

Parmi les victimes de l’attaque aux gaz du 22 avril 1915, il n’y a en définitive rien de surprenant à trouver de nombreux Bretons puisque, précisément, ceux-ci sont disséminés sur tous les fronts tenus par l’Armée française. Amenée à l’automne 1914 du Havre en Flandres par bateaux, la 87e division territoriale combat en effet pendant des mois le long de l’Yser. Elle est composée d’une brigade bretonne, la 173e qui comprend le 74e RIT de Saint-Brieuc et le 73e RIT de Guingamp, et d’une autre mixte, adjonction du 76e Rit de Vitré et de deux unités normandes, les 79e et 80e RIT de Granville et Saint-Lô. La première bataille de l’Yser – 19 octobre-22 novembre 1914 – aboutit à la constitution d’un saillant autour d’Ypres [38].

Le 22 avril 1915, la 87e DT subit la première attaque aux gaz du conflit, étape décisive dans l’évolution de la mort de masse [39]. À l’époque, le secteur est considéré comme plutôt calme et les territoriaux bretons occupent des lignes avec des troupes britanniques ainsi que des tirailleurs algériens. Élie Préauchat, originaire de Saint-Launeuc, dans les Côtes-du-Nord, donne une description très intéressante de ce théâtre d’opérations :

« Nous ne tirons jamais sur leur relève que nous apercevons très bien […]. Toute la nuit, nous sommes tous debout, nous nous efforçons de causer et de marcher dans les tranchées et de baragouiner, chacun dans sa langue […]. Toute la journée, nous nous amusons à nous envoyer des bouts de pain. Moi aussi, je leur envoie une demi-boule. Aussitôt, ils me le renvoient avec un bout de papier sur lequel est inscrit : « Merci Français, votre pain est très bon mais, pour que nous le mangions, il nous faut du jambon ». Au même moment, ils m’envoient un morceau de leur pain, noir comme du charbon, avec un morceau de lard tout cru le couvrant en entier et des photographies de prisonniers français, des romans humoristiques : le Cri-Cri, le Pèle- Mêle. Sur le dos des photos est inscrit ce qui suit : il est absurde que dans votre pays l’on dise que vos prisonniers sont mal traités. Ce sont de bons soldats, ayant fait leur devoir et nous les traitons comme tels. Venez avec nous, vous aurez la vie sauve et vous serez bien accueillis. »  [40]

Cette situation, qui n’est pas sans rappeler le Live and let live system mis en évidence par l’historien britannique Tony Ashworth [41], rappelle que d’un secteur à l’autre, suivant les périodes, les conditions rencontrées par les combattants peuvent varier grandement. Certaines portions de front peuvent être « pépères », d’autres non, ajoutant ainsi à la diversité des expériences de guerre bretonnes. Mais dans ce secteur des Flandres, le calme ne dure pas. Le journal des marches et opérations de la 87e division territoriale dit d’ailleurs bien la surprise qu’est cette attaque d’un genre nouveau :

« A 16h30, une attaque allemande se déclenche sur le front du secteur B, s’étendant même sur la droite de ce secteur, du côté de la 45e DI. Des gaz asphyxiants semblant provenir de récipients placés dans les tranchées allemandes se dirigent sur nos tranchées, poussés par le vent. Ces gaz, chlore et vapeurs nitreuses, provoquent rapidement un commencement d’asphyxie chez les occupants des tranchées dont les uns ont encore la force de revenir en arrière tandis que les autres succombent à leur porte-même ou tombent sur le chemin du retour. » [42]

Au soir du 22 avril 1915, le bilan est véritablement effroyable : 47 tués, 133 blessés et plus de 2350 disparus dont 30 officiers [43]. Médecin aide-major au II/79e RIT, Raoul Nel confie dans un texte publié en 1922 être complètement désarçonné par cette attaque aussi surprenante que brutale :

« À combien d’émotions nouvelles allons-nous encore être ne proie ? Quand prendra fin cette scène d’enfer ? Il nous pourtant que la mesure de l’angoisse ne peut guère être dépassée. Bien que des heures se soient écoulées, dans le vide de notre pensée, nous ne saurions en dire le nombre. » [44]

Si cette attaque aux gaz est une première, elle n’est néanmoins pas un cas unique et vient complexifier encore un peu plus l’éventail des différentes expériences bretonnes de la Première Guerre mondiale. Pour ne prendre qu’un autre exemple, le sous-lieutenant du 247e RI Fred Aubert raconte dans ses carnets publiés à titre posthume – il est tué au front en 1940 – les terribles effets des gaz asphyxiants employés lors de la seconde bataille de la Marne [45].

Les « fantassins de la mer »

Ces armes chimiques sont souvent évoquées au moment d’aborder la totalisation de cette Première Guerre mondiale qui invente la mort industrielle. L’envoi au front d’hommes totalement, ou presque, dépourvus de formation militaire en est également un bon exemple. L’une des conséquences les plus perverses de la crise des munitions est en effet d’accorder au potentiel humain une place sur le champ de bataille qui est sans rapport avec la réalité de l’équation tactique proposée par la guerre de tranchées. C’est notamment ce qui pousse M. Goya à qualifier les « grignotages » de Joffre d’expériences « à coup d’hommes » [46].

À l’automne 1914, la poussée allemande en direction de la Manche et du Pas-de-Calais [47], ainsi que la crise des munitions, placent le commandement français dans une situation difficile. Aussi est-ce pourquoi les troupes de l’amiral Ronarc’h sont envoyées en urgence dans les Flandres belges. Cultivant de nombreux liens avec la Bretagne, cette brigade de fusiliers-marins étoffe encore un peu plus l’éventail des expériences combattantes bretonnes pendant la Première Guerre mondiale.

En effet, nombre de ces soldats sont originaires de la péninsule armoricaine, région dans laquelle les fusiliers-marins s’inscrivent territorialement [48]. Pour ne prendre qu’un seul exemple, le Conseil général du Morbihan demande que soit achetés un millier d’exemplaires de la brochure patriotique retraçant l’épopée des hommes de Ronarc’h au motif que « la relation des hauts faits de ces héros méritait d’être répandue parmi la jeunesse de nos écoles, qui pourra puiser dans Le cimetière de Dixmude une forte leçon des choses » [49]. Aussi n’est-ce sans doute pas un hasard si c’est un député du Finistère – Georges Le Bail – qui propose en 1917 une Histoire documentaire et anecdotique des fusiliers marins de Dixmude [50].

Ces fusiliers marins ne peuvent être dissociés du souvenir de Pierre Alexis Ronarc’h, qui les commande en 1914. Né à Quimper, il est, lorsque le conflit éclate, un brillant officier de marine doté d’une solide expérience coloniale et d’une réelle connaissance du combat à terre. La guerre n’entrave nullement ses perspectives de carrière puisque lui est confié, en 1916, le commandement supérieur de la marine de la Zone des Armées du Nord [51]. Mais c’est bien le « héros de Dixmude » qui est inhumé aux Invalides le 6 avril 1940, à la suite de « funérailles dignes du grand Breton qu’il fut » [52]. Cette cérémonie est d’ailleurs, compte tenu de la situation politique de l’époque, d’un grand intérêt. On y mesure ainsi la force de l’hommage qui est rendu à Ronarc’h lorsque, dans son éloge funèbre, l’amiral Darlan explique que « Dixmude annonçait Verdun et Verdun annonçait la victoire » [53].

Il est vrai que les combats menés par cette brigade sont particulièrement âpres. L’ordre reçu le 15 octobre 1914 par les fusiliers marins leur impose ainsi de « tenir à outrance » le secteur Est de Dixmude et « de ne se replier sous aucun prétexte » [54], ce qui, une fois démêlées les subtilités de la langue militaire, annonce des moments d’une rare violence. C’est d’ailleurs ce que suggère cette lettre d’un matelot de Plougastel-Daoulas :

« Le jour que nous sommes arrivés à Gand, nous avons manqué d'être portés en triomphe par les Belges. Ce sont des gens tranquilles et qui ont tous bon coeur, généreux. Ils nous distribuaient des chaussettes, cravates, cache-nez, caleçons, du pain, confitures, des cigares. Et à la première bataille donc, quand nous avons fait 80 prisonniers, ils étaient fous de joie. Je croyais que le tonnerre faisait peur, mais maintenant je vois que le tonnerre ne me ferait pas plus peur que Titine jouer avec les boules comparé au canon. J'ai vu un trou de 13 mètres de diamètre sur 4 mètres de profondeur fait par un obus allemand. Un malheureux cuirassier a eu la tête et les jambes jetées à 150 mètres par un projectile. Ce que je trouve triste c'est d'enterrer les morts sans cérémonie ni prière, rien, comme un chien au milieu des bois, des prairies, pour être la proie des renards et loups. » [55]

Du point de vue des représentations, cette lettre est d’un grand intérêt. Publiée par Georges Le Bail en 1917, nul ne peut en affirmer l’authenticité. Mais, cependant, cette archive dit bien le prestige de ces fantassins de la mer, parés de toutes les vertus combattantes possibles. En effet, au même titre que les marais de Saint-Gond, les fusiliers marins figurent au panégyrique érigé par Charles Le Goffic des glorieux faits d’armes bretons pendant la Grande Guerre [56]. Cependant, à l’instar de ce que propose J-C. Fichou [57], il convient d’examiner l’envers de cette légende. C’est ainsi que l’analyse des registres de l’inscription maritime montre que seulement moins d’un tiers de ces fusiliers sont brevetés, le reste des hommes n’ayant aucune expérience du feu à faire valoir avant d’être engagé en Belgique.

Pour autant, il est indéniable que ces fusiliers marins témoignent de la diversité des situations rencontrées pendant la Première Guerre mondiale par les combattants originaires de la péninsule armoricaine. Les unités bretonnes, au niveau d’instruction extrêmement variable, sont en effet sur tous les fronts, de même que les Bretons qui, du fait de l’abandon du recrutement régional, se retrouvent disséminés dans des unités casernées sur tout le territoire. Originaire de Langon (Ille-et-Vilaine), Ambroise Harel est affecté au 117e RI, du Mans, et combat à Souain, Verdun ou encore aux Eparges [58]. Issu d’une famille de Dol-de-Bretagne, Louis Maufrais est envoyé à sa grande surprise – il confesse s’attendre à être versé dans une unité de la 10e région militaire – au 94e régiment d’infanterie de Bar-le-Duc [59]. On pourrait ainsi multiplier les exemples qui confirment tous que les Bretons au front ne constituent pas une réalité monolithique et qu’au contraire, les combattants originaires de cette province sont assignés à toutes les unités sans distinction.

La Bretagne : un front ?

Les marins en sont une bonne illustration puisque tous ne sont pas affectés à la dimension maritime du conflit, à l’instar des célèbres « pompons rouges de Dixmude ». Pour autant, la Royale parait être une bonne entrée pour dire la complexité de la réalité bretonne pendant la Première Guerre mondiale. En effet plus de 50 000 individus originaires de cette région servent sous ses couleurs, soit plus du tiers des français qui y sont mobilisés (60). Un certain nombre d’entre eux combattent dans les Dardanelles ce qui, là encore, constitue une expérience singulière. Autrement dit, tous les mobilisés bretons ne sont pas des poilus et ne combattent pas sur terre, ce que rappelle d’ailleurs régulièrement la statuaire des monuments aux morts bretons. Or la dimension maritime du conflit est d’autant plus importante pour notre propos qu’elle structure grandement une région dont on peut se demander si elle est entièrement « de l’arrière ».

Le front maritime

On se rappelle que dès les premières heures du conflit, la Bretagne vit dans la crainte d’un possible débarquement allemand. C’est d’ailleurs cette peur qui conduit à assigner de nombreuses unités territoriales à la garde des côtes. Ce faisant se dessine là l’importance géostratégique de la Bretagne en temps de guerre, caractéristique que confirmera d’ailleurs amplement le second conflit mondial. La presse se fait ainsi, de temps à autre, l’écho de projets plus ou moins farfelus à l’instar de l’illustré Sur le vif qui, dans son numéro du 16 octobre 1915, évoque un projet de raid allemand sur l’ile de Bréhat, dans les Côtes-du-Nord [61]. Mais, si le commandement comprend bien vite que la perspective d’un débarquement allemand est illusoire, la pointe armoricaine demeure au premier rang de la guerre maritime.

En 1914, au moment de la déclaration de guerre, la France et la Grande-Bretagne se partagent la défense des fronts terrestres et maritimes. Paris est chargé d’assurer la sécurité de la mer Méditerranée tandis que Londres déploie ses forces dans l’océan Atlantique et en Manche [62]. Le contrôle des mers est alors un enjeu stratégique d’importance car il permet de rompre les relations commerciales des pays ennemis et d’entraver très sérieusement leur ravitaillement. En réaction au « blocus » imposé par les alliés, l’Allemagne s’engage dans une « guerre sous-marine à outrance » afin d’asphyxier la France et la Grande-Bretagne. Ainsi, le 5 février 1915, l’amiral Von Pohl, chef de la flotte allemande de haute-mer, déclare les eaux entourant la Grande-Bretagne « zone de guerre ». Cette décision est loin d’être uniquement symbolique puisqu’elle suppose que tout navire rencontré dans cette zone devra être coulé, « même s’il n’est pas possible de mettre son équipage et ses passagers en sécurité » [63]. Sont donc concernés les paquebots et les cargos qui transportent personnes et marchandises, mais également les navires armés à la pêche qui assurent une grande partie de l’approvisionnement des pays en guerre.

Cet aspect, trop souvent négligé, de la Première Guerre mondiale a de lourdes conséquences en Bretagne, région en partie tournée vers la mer, qui se trouve, de fait, non plus à l’arrière mais sur un front. C’est toute l’activité navale bretonne qui s’en trouve bouleversée. Le cabotage transmanche, qui génère habituellement un trafic important, est ainsi fortement perturbé puisque les navires sont contraints de voguer vers leur destination en convois, escortés par des cuirassés exposés aux sous-marins allemands, les terribles U-Boot.

La pêche, qu’elle soit côtière ou hauturière, est également profondément perturbée par la guerre sous-marine. Goélettes et dundees sont désormais équipés de canons pour se défendre contre l’ennemi. Déjà dangereuse par nature, la pêche devient tellement risquée que certains marins sont assimilés aux poilus. Pour ne citer qu’un exemple, Ange-Marie Le Cornec, marin de Tréveneuc dans les Côtes-du-Nord, reçoit la carte du combattant en raison de son embarquement, pendant la Grande Guerre, à bord du Jeanne d’Arc II, bâtiment appartenant à la flottille de pêche de la Manche, classée unité combattante [64]. Précisons d’ailleurs que cette expérience singulière du conflit constitue pour l’heure un angle-mort historiographique qu’aucune étude n’est venu combler.

Devant l’efficacité redoutable des sous-marins allemands, les alliés tentent de contre-attaquer en multipliant, entre autres, les champs de mines. Mais, curieusement, la solution la plus efficace pour contrer la guerre sous-marine ne vient pas de la mer mais des airs. Ainsi, à partir de 1917, les hydravions de combat deviennent une des armes privilégiées pour assurer la protection des convois traversant la Manche. La Grande Guerre marque en effet la naissance de l’aéronautique navale, qui installe en Bretagne de nombreuses bases. Celles-ci, appelées alors Centres d’aviation maritime, s’implantent à Camaret, l’Aber-Wrac’h, Lorient ou encore au Croisic [65] et sont autant d’éléments empêchant de circonscrire la Bretagne à la seule notion de région « de l’arrière ».

La porte d’entrée du monde en guerre

Si de par sa situation géographique la Bretagne est située aux premières loges de la guerre qui se déroule sur la Manche et en Atlantique, les ports de la région revêtent une importance considérable du point de vue stratégique.

Dès la fin du mois d’août 1914, des milliers de soldats britanniques débarquent à Nantes pour rejoindre le front. Ces troupes ne sont pas sans passer inaperçues dans la ville puisqu’elles réquisitionnent une quarantaine de bâtiments parmi lesquels la Chambre de commerce, des écoles ou encore la prison. [66] Mais ce séjour n’est que de courte durée et, dès novembre 1914, une fois les fronts stabilisés, les Tommies quittent la cité des Ducs de Bretagne pour Le Havre.

Avec 1917 et l’entrée en guerre des Etats-Unis, ce sont les Sammies qui, à leur tour, débarquent en Bretagne. Ils sont ainsi plus de 200 000 à transiter par la région de Nantes qui, du coup, vit à l’heure américaine et découvre notamment les plaisirs du jazz. Le chef-lieu du département de Loire-Inférieure organise même de grandes festivités (prise d’armes mais aussi concert, théâtre, films et compétitions sportives) à l’occasion de la fête nationale américaine, le 4 juillet 1918 [67]. Dans le Finistère, la situation est telle que le préfet prend un arrêté imposant aux commerçants « l’affichage du prix des denrées de consommation courante en langues française et anglaise » [68]. Ce ne sont pas moins de 800 000 américains qui, en effet, passent par Brest pendant l’année 1918.

Mais plus que des hommes, ce sont des infrastructures qu’apporte l’oncle Sam. Ainsi, plus de 3 300 000 tonnes de matériel transitent par les ports de Basse-Loire. De même, afin de loger leurs troupes, les Américains construisent de gigantesques camps, notamment à Montoir-de-Bretagne, dans les environs de Saint-Nazaire, et à Pontanézen, près de Brest, gigantesques installations destinées à recevoir plus de 60 000 soldats chacune. D’autres camps, de taille plus modeste, existent comme à Saint-Brieuc ou Cesson-Sévigné, dans la banlieue de Rennes [69].

Cette situation n’est pas sans susciter la curiosité des opérateurs de la Section cinématographique et photographique de l’Armée – l’ancêtre de l’actuel ECPAD – qui détectent là l’occasion de réaliser des reportages comportant une certaine touche d’exotisme. Ces clichés et ces films constituent aujourd’hui une source de premier intérêt pour l’historiographie puisqu’ils permettent de montrer combien cette présence étrangère influe sur la région et ses habitants. On pense ainsi à ces clichés pris en septembre 1918 par Edmond Famichon et notamment à cette photographie montrant une Brestoise en coiffe conversant avec un soldat américain [70]. Ces archives témoignent bien de ce que la péninsule armoricaine devient, d’une certaine manière, une des portes d’entrée du monde. Et encore n’ont été évoquées ici que – trop brièvement d’ailleurs – les troupes britanniques et américaines, ce qui conduit à taire l’arrivée à Brest de troupes russes en 1916 et de divisions portugaises en 1917 [71].

Là encore, la péninsule armoricaine revêt une telle importance du point de vue de l’acheminement des troupes alliées qu’il est difficile de la reléguer entièrement au rang de région de l’arrière.

Une région façonnée par le conflit

La Bretagne devient ainsi façonnée par la guerre, tant le territoire est bouleversé par le conflit. Comme partout ailleurs dans les régions de l’arrière, la vie est beaucoup plus dure du fait des milliers d’absents, mobilisés, prisonniers, disparus et morts. Pour les populations civiles demeurées à l’arrière l’existence est très difficile, notamment du fait d’une hausse considérable du coût de la vie. Pour ne citer que l’exemple des Côtes-du-Nord, la farine que l’on achetait moins de 30 francs en 1912 en vaut 42 quatre ans plus tard tandis que le prix de la viande double et celui du charbon est multiplié par 2,5 [72]. Accapareurs et autres profiteurs de guerres [73] sont sur toutes les lèvres tant et si bien que s’engage une véritable guerre, sur le front domestique, pour lutter contre l’inflation. Rennes s’y distingue particulièrement au moyen d’une politique originale, volontariste, et que l’on pourrait qualifier, en empruntant les mots de Y. Lagadec, de « municipalisme » ou de « dirigisme municipal ». Impulsée par le Maire, Jean Janvier, celle-ci consiste en la création de multiples institutions telles que Comités de secours de guerre mais aussi boucheries, boulangeries, laiteries et potagers municipaux pour réguler le prix de ces denrées essentielles que sont le pain, la viande, les fruits et les légumes. En 1916, Jean Janvier crée même un parc à combustible municipal chargé d’accentuer la pression sur les cours du charbon et du bois. Les résultats ne tardent pas et c’est ainsi que Rennes, « ville supérieurement administrée » est considérée par Le Matin en février 1918 comme une cité « heureuse ». La situation est telle que la commune dirigée par Jean Janvier ne tarde pas à faire des émules, comme Vannes, Saint-Malo mais aussi Cherbourg ou encore Levallois-Perret où l’on s’inspire directement de l’exemple rennais [74].

Mais la guerre s’incarne également physiquement dans la région. On a déjà brièvement évoqué les camps que les Américains construisent mais ce sont aussi des centaines d’établissements scolaires et autres bâtiments administratifs qui, pendant le conflit, sont transformés en hôpitaux temporaires. Sur la côte, les luxueuses résidences des stations balnéaires sont également mises à profit de l’effort de guerre en accueillant de nombreux blessés et convalescents.

Enfin, l’occupation par l’Allemagne d’un certain nombre de départements français n’est pas sans répercussion sur la Bretagne. Ce sont ainsi des milliers de réfugiés qui, dès les premières journées du conflit, viennent s’installer dans la région pour fuir les « atrocités ». Comme souvent en de telles circonstances, la cohabitation se déroule de plus ou moins bonne grâce. Ainsi, cette habitante de Vannes (Morbihan) qui, ayant appris le 9 novembre 1914 que se trouvait à Saint-Brieuc parmi les réfugiés belges « une malheureuse femme avec un petit enfant de 18 mois auquel les bandits d’Allemands avaient coupé les deux mains » se propose spontanément de leur offrir le gîte et le couvert [75]. Mais la réalité n’est pas toujours aussi idyllique et le dépouillement des archives judiciaires montre par exemple que la présence de ces réfugiés n’est pas sans rapport avec la recrudescence de divorces observée dans l’immédiat après-guerre [76].

Les civils ne sont d’ailleurs pas les seuls à se réfugier en Bretagne. De nombreux régiments casernés dans les départements occupés par les Allemands se replient en cette région et y installent leur dépôt. Pour ne citer que quelques exemples, Saint-Brieuc accueille les 155e et 355e RI, Guingamp les 161 et 361e RI, Quimper les 151e et 351e RI, Morlaix les 72e et 272e RI, Coëtquidan les 94e et 294e RI… Au total, ce ne sont pas moins d’une quarantaine d’unités des 2e et 6e régions militaires (Amiens et Châlons-sur-Marne) qui installent pendant le conflit leur dépôt en Bretagne [77].

Les prisonniers allemands, camp de Coetquidan, Bretagne

Bien spécifique est également la question des prisonniers de guerre, détenus par milliers en Bretagne. La guerre sous-marine contribue aussi à modifier la région, tout du moins sur sa façade littorale. A Plouguiel, à la confluence du Jaudy et du Guindy, est par exemple créé, juste en face du port de commerce de Tréguier, un Centre d’aviation maritime. Parmi les hydraviateurs qui y officient, se distinguent Guillaume Kérambrun et Georges Guierre. Ce dernier, ami de Charles Nungesser, participe entre autres au développement du porte-avions. Après s’être particulièrement distingué dans le développement des vols de nuit, la base de Plouguiel est cédée, le 9 novembre 1918, à l’U.S. Navy, dans le but de protéger les convois américains. Le centre compte alors 266 hommes, dont 16 officiers, placés sous le commandement du lieutenant Augustus Baldwin  [78].

Le cas de cette petite bourgade du Trégor qui, du jour au lendemain voit s’installer des « hommes volants » puis, chose peut-être encore plus extraordinaire, des Américains, est particulièrement symbolique. Il dit bien combien la Première Guerre mondiale façonne la Bretagne puisque cette région, située en lisière du front maritime, devient par la force des choses une des portes d’entrée du monde.

L’idée d’une Bretagne dans la Première Guerre mondiale ne résiste pas longtemps à l’analyse tant le singulier d’une telle expression tait la diversité des situations des Bretons pendant le conflit. Si les Bretons sont sur tous les fronts, la Bretagne l’est aussi dans sa dimension maritime, en étant aux premières loges des terribles réalités de la guerre.

Pour autant, une telle diversité contraste avec l’uniformité des stéréotypes du Breton en guerre. Sans prétendre ici à l’exhaustivité, mentionnons une certaine propension à la religiosité ainsi qu’un penchant pour la boisson [79]. De même, force est d’admettre que la ténacité est une qualité souvent attribuée aux Bretons, contribuant ainsi à les ériger – de manière assez paradoxale si l’on considère leur intempérance – en figure du « bon » soldat [80]. C’est ainsi par exemple que L’Illustration consacre en octobre 1917 un long reportage au Kleber, navire qui résiste pendant plusieurs heures à l’attaque d’un U-Boot et parvient même à se réfugier à l’abri de Groix. Pour l’hebdomadaire parisien, l’équipage fait alors preuve d’un « entêtement de Breton et d’un amour-propre de Français » [81]. Autre exemple, pour l’historique du 270e régiment d’infanterie (Vitré), si les Bretons sont « un peu lourds [et] peuvent céder à d’autres quant au brio d’une attaque », ils sont néanmoins « inégalables dans la ténacité et l’entêtement qu’ils apportent à conserver une position » [82].

Un tel écart entre le simplisme des représentations et la complexité – au sens où l’entend Edgar Morin – de la réalité historique ne peut bien sûr qu’interroger à la veille du centenaire de la Première Guerre mondiale.

Erwan Le Gall, directeur du cabinet d'ingénierie mémorielle et culturelle En Envor

Source : site web de la Mission du Centenaire de la Première Guerre mondiale (avec son autorisation)

Voir aussi :
Le camp retranché de Paris
La bataille de Dixmude (Belgique, octobre-novembre 1914)
La campagne de Belgique (7 octobre - 10 novembre 1914)

Pour aller plus loin :
Ressources archivistiques sur Francearchives, "fusilier marin"
Publications des services d'archives autour des "fusilier marin"
Centenaire de la Première guerre en Ille-et-Vilaine

 

Références

[1] Les Seiz Breur, Sept frères en Bretons, forment un mouvement ayant une influence essentielle sur les arts brito-celtes du XXe siècle. On y compte des personnalités telles que Jeanne Malivel, Xavier de Langlais ou René-Yves Creston.

[2] Pour un compte rendu de cette journée : « A la mémoire des Bretons morts pour la France », L’Ouest-Eclair, n°14 298, 30 décembre 1935, p. 4.

[3] DUPOUY, Auguste, « Le sacrifice breton, une pieuse erreur qui devient officielle », La Dépêche de Brest, n°18]98, 31 décembre 1935, p. 1. C’est en réalité dès mai 1933 qu’Auguste Dupouy s’empare de ce cheval de bataille mémorielle, dans les colonnes de la Dépêche.

[4] GILLES, Henry, « La guerre 14-18 : les morts par département et par région », DENIS, Gwendal (dir.), Mémoire et trauma de la Grande Guerre, Catalogne, Corse, Euskadi, Occitanie, Rennes, Publications du CRBC / Rennes 2, 2010, p. 275-324. GUYVARC’H, Didier, « La mémoire bretonne de 1914-1918 », Bulletins et mémoires de la Société archéologique et historique d’Ille-et-Vilaine, Tome CXIV, 2010, p. 219-235, p. 219-235, accessible en ligne. Sur les difficultés à connaître le nombre exact de morts pour une région donnée, on renverra à l’incontournable PROST, Antoine, « Compter les vivants et les morts, l’évaluation des pertes françaises de 1914-1918 », Le Mouvement social, n°222, 2008, p. 41-60. 

[5] Arch. Dép. CdA : 1 T 17 : Rapport annuel sur la situation de l’enseignement primaire dans le département des Côtes-du-Nord, Imprimerie Francisque Guyon, Saint-Brieuc, 1901.

[6] Sur cette question CHANET, Jean-François, Vers l’Armée nouvelle, République conservatrice et réforme militaire, 1871-1879, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2006. 

[7] BOULANGER, Philippe, La France devant la conscription, géographie historique d’une institution républicaine, 1914-1922, Paris, Economica, 2001.

[8] Sur cette question, se référer aux travaux pionniers de MAURIN, Jules, Armée, guerre, société, soldats languedociens (1889-1919), Paris, Publications de la Sorbonne, 1982.

[9] Sur cette question on se permettra de renvoyer à LE GALL, Erwan, « Saint-Malo, la Bretagne, la France : des multiples inscriptions territoriales du 47e régiment d’infanterie », in BOURLET, Michaël, LAGADEC, Yann et LE GALL, Erwan, Petites patries dans la Grande Guerre, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013, p. 63-79.

[10] Pour ne citer qu’un exemple, ROINCE, Job de, Charleroi 1914, Rennes, Imprimeries Les Nouvelles, 1967. Pour une analyse détaillée de cet ouvrage : voir l'article.

[11] Sur Charleroi la synthèse la plus récente est BALDIN, Damien et SAINT-FUSCIEN, Emmanuel, Charleroi, 21-23 août 1914, Paris, Tallandier, 2012. Pour une analyse centrée sur le 10e corps on renverra à LARCHER, Commandant, « Le 10e corps à Charleroi », Revue militaire française, juillet 1930-juin 1931.

[12] Pour une analyse plus détaillée LE GALL, Erwan, Une entrée en guerre. Le 47e régiment d’infanterie de Saint-Malo au combat (août 1914 – juillet 1915), Talmont-Saint-Hilaire, éditions CODEX, 2014, 277 p.

[13] COSSON, Olivier, « Expériences de guerre et anticipations à la veille de la Grande Guerre », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 50-3, juillet-septembre 2003, p. 127-146.  Sur l’histoire du 11e corps pendant la Première Guerre mondiale on pourra se rapporter à GABORY, Emile, Les enfants du Pays nantais et le XIe corps d’armée, Paris, Perrin, 1923, travail à bien des égards unique en France mené par le responsable des Archives départementales de Loire-Inférieure.

[14] LARCHER, Commandant, « Le 10e corps à Charleroi (20 au 24 août 1914», Revue militaire française, mars 1931, p. 384. 

[15] LANREZAC, Charles, Le plan de campagne français et le premier mois de la guerre (2 août – 3 septembre 1914), Paris, Payot, 1920, p. 89. 

[16] Sur Guise on se permettra de renvoyer à LE GALL, Erwan, « Un non-lieu de mémoire de la Première Guerre mondiale : la bataille de Guise », En Envor Revue d’histoire contemporaine en Bretagne, n°1, hiver 2013. Voir l'article en ligne.

[17] LE GOFFIC, Charles, La victoire de la Marne, Les marais de Saint-Gond, Paris, Plon, 1916.

[18] VEAUX, Georges, « En suivant nos soldats de l’ouest », Ouest-Eclair, n°6301, 31 janvier 1917, p. 2.

[19] Sur cette phase du conflit on renverra au déjà ancien mais toujours essentiel RATINAUD, Jean, La course à la mer, De la Somme aux Flandres (14 septembre – 17 novembre 1914), Paris, Fayard, 1967. 

[20] Pour une étude de cas on renverra à PERCHET, chef de bataillon, « Le 41e RI sous Arras, Neuville-Vitasse et Agny (du 2 au 8 octobre 1914) », Revue historique de l’Armée, n°3 spécial, 1970, p. 79-86 et LE GALL, Erwan, Une entrée en guerre, op. cit.

[21] SHD-DAT : 26 N 725/9, JMO 241e RI, août-septembre 1914 et 26 N 733/11, JMO 270e régiment d’infanterie, août-septembre 1914.

[22] HARDY-HEMERY, Odette, Fusillé vivant, Paris, Gallimard, 2012, p. 76.

[23] SHD-DAT : 26 N 731/6, JMO 262e régiment d’infanterie, 1er septembre 1914.

[24] Pour une remarquable mise au point sur cette question on renverra à LAGADEC, Yann, PERREON, Stéphane, HOPKINS, David (avec la collaboration de), La bataille de Saint-Cast (Bretagne, 11 septembre 1758), entre histoire et mémoire, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2009.

[25] SHD-DAT : 26 N 789/12, JMO 73e RIT, août 1914 ; 26 N 790/1, JMO 74e RIT, août 1914 ; 26 N 790/12, JMO 76e RIT, août 1914, et 26 N 792/1, JMO 87e RIT, août 1914.

[26] SHD-DAT : 26 N 792/1, JMO 87e RIT, 5-15août 1914.

[27] COCHO, Paul, Mes carnets de guerre et de prisonnier, 1914-1919, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010, p. 43.

[28] GUALDE, Krystel, En GuerreS, 1914-1918 1939-1945, Nantes, Editions du château de Bretagne, 2013, p. 41.

[29] HORNE, John (Dir.), Vers la guerre totale, le tournant de 1914-1915, Paris, Tallandier, 2010, p. 79.

[30] Chiffres cités in GUYVARC’H, Didier, « La mémoire bretonne de 1914-1918 », art. cit., p. 220.

[31] SHD-DAT : 26 N 656/3, JMOI 62e RI, 17 avril 1916.

[32] SHD-DAT : 26 N 636/8, JMO 47e RI, 13 octobre 1916.

[33] Pourtant emblématique, la destinée d’Albert Jugon – qui assiste à la signature du traité de Versailles à la demande de Clemenceau, ne semble pas avoir intéressé outre mesure les historiens, sans doute faute d’archives. Pour quelques renseignements on renverra faute de mieux à la brochure publiée par l’Union des blessés de la face et de la tête : Les Gueules cassées, 1921-2011, Paris, Les Gueules cassées, 2011.

[34] Arch. Dép. Morbihan : 1 J 233, Carnet de Jean Corentin Carré.

[35] Arch. Mun. Rennes : 1 D 157, Séance du conseil municipal du 24 juillet 1923, p. 422.

[36] L’Ouest dans la Grande Guerre, Rennes, Ouest-France, 2008, p. 98-99.

[37] JEAN, Marc (Edition présentée par), Les dix frères Ruellan, héros et martyrs, 1914-1918, Saint-Malo, Editions Cristel, 2011.

[38] Pour une synthèse récente : BOURLET, Michaël, La Belgique dans la Grande Guerre, Paris, SOTECA, 2012, p. 76-82.

[39] Sur cette question on renverra à LEPICK, Olivier, La Grande Guerre chimique, 1914-1918, Paris, Presses universitaires de France, 1998.

[40] Cité in LAGADEC, Yann, « Deux expériences de la captivité de guerre : Paul Cocho et Elie Préauchat, territoriaux du 74e RIT de Saint-Brieuc (1914-1919) », Mémoires de la Société d’Emulation des Côtes d’Armor, 2012, p. 447-448.

[41] ASHWORTH, Tony, Trench Warfare 1914-1918, The Live and Let Live System, London, Pan Books, 2000.

[42] SHD-DAT : 26 N 412/1, JMO 87e DT.

[43] Ibid.

[44] NEL, Raoul (docteur), Boesinghe ou les combats de la 87e division territoriale sur l’Yser, 1914-1918, Rennes, Imprimerie bretonne 1922, p. 209.

[45] AUBERT, Fred, Avec ma section, 27 mai 1918 – 15 août 1918, Saint-Brieuc, Editions Cendrillon, sans date.

[46] GOYA, Michel, La Chair et l’acier, l’invention de la guerre moderne, 1914-1918, Paris, Tallandier, 2004, p. 219.

[47] VILLIERS, Patrick, « La lutte pour le contrôle de la mer en Manche-Est et Pas-de-Calais pendant la Grande Guerre », Guerres mondiales et conflits contemporains, n°247, p. 51-65.

[48] Sur cette notion, on se permettra de renvoyer à LE GALL, Erwan, « Saint-Malo, la Bretagne, la France … », art. cit.

[49] Rapports du Préfet et délibérations du Conseil général, 2e session ordinaire de 1917, Vannes, Imprimerie Galles, 1917, p. 79.

[50] LE BAIL, Georges, La brigade des Jean Le Gouin. Histoire documentaire et anecdotique des fusiliers-marins de Dixmude d’après des documents originaux et les récits des combattants, Paris, Perrin, 1917.

[51] BONIFACE, Xavier, « L’amiral Ronarc’h, (1865-1940) marin et soldat », in BORDE, Christian et PFISTER, Christian, Histoire navale, histoire maritime, mélanges offerts à Patrick Villiers, Paris, SPM, 2012, p. 65-74.

[52] « Les funérailles de l’amiral Ronarc’h », L’Ouest-Eclair, n°15 853, 7 avril 1940, p. 2.

[53] « Les obsèques de l’amiral Ronarc’h », Le Temps, 7 avril 1940, n°28694, p. 4.

[54] Copie d’un message téléphonique de la 4e division armée (état-major), Les Armées françaises dans la Grande Guerre, Tome Premier, Volume 4, Paris, Imprimerie nationale, 1922-1934, p. 610.

[55] LE BAIL, Georges, La brigade des Jean Le Gouin, op. cit., p. 230-231.

[56] LE GOFFIC, Charles, Dixmude, un chapitre de l’histoire des fusiliers marins, Paris, Plon, 1915.

[57] FICHOU, Jean-Christophe, « Les pompons rouges à Dixmude : l’envers d’une légende », Guerres mondiales et conflits contemporains, n°240, p. 5-21.

[58] HAREL, Ambroise, Mémoires d’un poilu breton, Rennes, Ouest-France, 2009.

[59] MAUFRAIS, Louis, J’étais médecin dans les tranchées, 2 août 1914 – 14 juillet 1919, Paris, Pocket, 2008, p. 51.

[60] Chiffres cités in GUYVARC’H, Didier, « La mémoire bretonne de 1914-1918 », art. cit., p. 220.

[61] « Un projet de allemand de descente en Bretagne », Sur le Vif , n°49, 16 octobre 1915, p. 12.

[62] Pour une synthèse bretonne sur la question se rapporter à LE ROY, Thierry, La Guerre sous-marine en Bretagne 1914-1918, Victoire de l’aéronavale, Bannalec, Auto-édition, 1990.

[63] MASSON, Philippe, La Guerre sous-marine, in AUDOIN-ROUZEAU, Stéphane et BECKER, Jean-Jacques (Dir.), Encyclopédie de la Grande Guerre 1914-1918, Bayard, Paris, 2004, p. 437-449.

[64] Arch. Dép. Côtes d’Armor : 1008 W 4, dossier n° 646.

[65] LE ROY, Thierry, La Guerre sous-marine en Bretagne…, op. cit.

[66] Arch. mun. Nantes : H4, troupes étrangères, réquisitions anglaises.

[67] GUALDE, Krystel, En GuerreS, op. cit., p. 68-81.

[68] Arch. dép. Finistère : 1 M 264/5.

[69] GUYVARC’H, Didier et LAGADEC, Yann, Les Bretons et la Grande Guerre, images et histoire, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013, p. 90-91.

[70] GOLOUBINOFF, Véronique et SBRAVA, David, « Images de la Bretagne et des soldats bretons dans la Grande Guerre. Le travail de la Section photographique et cinématographique de l’Armée (1915-1919) », in BOURLET, Michaël, LAGADEC, Yann et LE GALL, Erwan, op. cit., p. 107-110.

[71] GUYVARC’H, Didier et LAGADEC, Yann, Les Bretons et la Grande Guerre, op. cit., p. 93.

[72] Arch. dép. CdA : 1 N 149, Comparaison de prix d’achat de denrées 1912 et 1916.

[73] Sur ce point BOULOC, François, Les profiteurs de guerre 1914-1918, Paris, Complexe, 2008.

[74] LAGADEC, Yann, « Une ville supérieurement administrée, Janvier, le maire de la Guerre », Place publique Rennes, n°24, juillet août 2013, p. 73-78.

[75] Arch. mun. Saint-Brieuc : 2 J 38.

[76] Pour une synthèse récente, quoique non exclusivement centrée sur la Bretagne, se rapporter à FOUCHARD, Dominique, Le poids de la guerre. Les poilus et leur famille après 1918, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013, p. 127-135.

[77] GUYVARC’H, Didier et LAGADEC, Yann, Les Bretons et la Grande Guerre, op. cit., p. 27.

[78] LE VAOU, Yvon, Sur les ailes de nos souvenirs, Une enquête sur des Aviateurs au pays des marins, Plouguiel, littérature grise, 2006.

[79] Chacun connaît les propos de Marc Bloch sur les combattants Bretons, « hommes vieillis avant l’âge [qui] semblaient déprimés par la misère et l’alcool ». BLOCH, Marc, Ecrits de guerre, Paris, Armand Colin, 1997, p. 146.

[80] Pour quelques éléments de réflexion, LAGADEC, Yann, « L’approche régionale, quelle pertinence ? Le cas des combattants bretons de la Grande Guerre », in BOURLET, Michaël, LAGADEC, Yann et LE GALL, Erwan, op. cit., p. 43-57.

[81] Cité in LAGADEC, Yann et GUYVARC’H, Didier, p. 30.

[82] Anonyme, Historique du 270e régiment d’infanterie au cours de la campagne contre l’Allemagne (1914-1918), Rennes, Imprimerie Oberthür, 1920, p. 6.

 

 

Liens