Page d'histoire : Meurtre d’Antoine Fualdès et éclatement de « l’Affaire » 19-20 mars 1817

Scène de la mort de Fualdès, dessin de Théodore Géricault, 1817-1818, Lille, palais des Beaux-Arts.

Égorgé et saigné à blanc dans la nuit du 19 au 20 mars 1817 à Rodez, Antoine Bernardin Fualdès, ancien procureur impérial à la cour criminelle de Rodez, notable local « très aimé et très estimé », a donné son nom à l’une des très rares affaires criminelles passées à la postérité sous le nom de la victime.

Le vacarme de l’égorgement, perpétré dans une maison mal famée, la bien nommée maison Bancal, aurait été couvert par des joueurs d’orgue. Les coupables, bientôt arrêtés, seraient allés en procession jeter le cadavre dans les eaux de l’Aveyron. À deux individus « qui tiennent un rang distingué dans la société » – un agent de change, homme considéré et influent, et le propre beau-frère et filleul de la victime, tous deux ses débiteurs – se mêlent de petites gens : les propriétaires du bouge, un contrebandier, un locataire, un portefaix, une blanchisseuse.

Le vol de valeurs ne paraissant pas être un mobile suffisant, c’est le passé politique de la victime qui l’emporte au sein du bruissement de rumeurs que suscite l’assassinat. Le souvenir tout frais de la Terreur blanche alimente la thèse de la vengeance des ultra-royalistes contre les serviteurs de l’Empire. Pourtant on s’accorde à penser que les passions politiques ont toujours été modérées dans la région, Fualdès ayant été un accusateur public impartial pendant la Révolution puis un procureur criminel pondéré sous l’Empire. La thèse de l’assassinat crapuleux prévaut finalement lors des deux procès successifs.

Le verdict du premier procès à la fin de l’été 1817 étant cassé pour vice de forme, un second procès, délocalisé à Albi en mars 1818, confirme la sentence capitale des trois principaux accusés. Ils sont exécutés le 3 juin 1818, sans mettre un terme aux rumeurs qui affirment que les notables royalistes de la région ont pesé pour obtenir ces condamnations et protéger les commanditaires d’une vengeance politique.

Cette énigme provinciale braque les projecteurs de l’attention publique sur l’Aveyron et ses mœurs. Tandis que fleurissent les complaintes sur les malheurs de Fualdès, les envoyés spéciaux des quotidiens parisiens sont dépêchés sur place et peignent un sombre portrait de la capitale de l’Aveyron. C’est à Balzac, à Hugo et à Flaubert que l’affaire doit de passer à la postérité, rappelée à chaque grand procès que connaît le siècle : Fualdès est en effet cité, cent ans plus tard, par Le Mercure de France lors du procès Landru.

Anne-Claude Ambroise-Rendu
professeure d’histoire à l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines

Source: Commemorations Collection 2017

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