Page d'histoire : Agricol Perdiguier Avignon, 13 frimaire an XIV (4 décembre 1805) - Paris, 26 mars 1875

Agricol Perdiguier dit Avignonnais la vertu
1er compagnon menuisier du devoir de liberté
peinture à l'huile de Louis Berten dit Parisien
la branche de compas
château de Compiègne
châteaux de Versailles et de Trianon
© RMN/Photographe anonyme

Morières, où il est né, érigée en commune au XXe siècle, était en 1805 une banlieue rurale d’Avignon. C’est donc à bon droit qu’en compagnonnage il était surnommé « Avignonnais la Vertu », Avignonnais pour la ville natale, et Vertu pour son message.

Perdiguier restera en effet dans l’histoire non seulement comme le plus notoire des compagnons (il était menuisier du Devoir de Liberté) mais comme celui qui a le plus agi pour en moderniser l’institution. Perdiguier pensait avec raison que le compagnonnage devait garder son utile pratique de perfectionnement professionnel et d’entraide sur le Tour de France, mais qu’en abandonnant ses haines ésotériques et sa brutalité primitive, il gagnerait en efficacité sociale et en humanité.

Humanité, car il était républicain. Il faisait partie de cette minorité de provençaux restés « patriotes » et qui eurent un peu à souffrir de la Terreur blanche. Agricol fit son tour de France de 1823 à 1829 puis, renonçant à s’établir dans son midi inhospitalier, il se fixa pour le reste de ses jours à Paris, faubourg Saint-Antoine.

Il « prêcha » par l’exemple, par la parole, par l’écrit (Le livre du Compagnonnage, 1839, réédité dès 1841) car il était doué, grand amateur de théâtre et de chansons, en composant parfois lui-même. Perdiguier, compagnon, et républicain, pourrait aussi bien recevoir une troisième définition : ce fut un membre typique de la première génération de travailleurs manuels accédant à la culture écrite, le temps des « ouvriers poètes ».

C’est par là, par l’édition militante parisienne, qu’il attire l’attention de l’intelligentsia. La première propagandiste de l’Avignonnais fut la parisienne et berrichonne George Sand, qui dès 1842 faisait de lui le personnage central d’un roman, Le Compagnon du Tour de France, et faisait connaître par là aux lettrés et aux politiques qu’il y avait dans la vie et le folklore populaire de quoi inspirer le respect. La nouvelle était encourageante, dans cette atmosphère de romantisme et de démocratisme mêlés qui annonçait et qui allait accompagner 1848.

Tout s’ensuit donc, et la carrière (si peu carriériste !) est connue. Avec 1848 et le suffrage universel masculin, il est élu représentant du peuple en 1848 dans le Vaucluse et dans la Seine ; il siège à gauche et est réélu en 1849 dans la Seine seulement. Il s’oppose au coup d’État du 2 décembre 1851, est expulsé, traverse quatre ans d’exil en Belgique et en Suisse, puis rentre à Paris, toujours travaillant de ses mains et militant discrètement. En 1870, la République le retrouve et le fait adjoint au maire du Xe. Modéré et légaliste, il ne prend pas part à la Commune, s'excluant ainsi du panthéon "ouvrier" majoritaire.

Il meurt à Paris, sans notoriété particulière. Le XXe siècle lui sera plus favorable

Maurice Agulhon

professeur honoraire au Collège de France
membre du Haut comité des célébrations nationales

Source: Commemorations Collection 2005

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