Page d'histoire : Bataille de la Marne 6-9 septembre 1914

Bataille de la Marne (6-13 septembre 1914). Combat de Varreddes.
Scène de reconstitution extraite du périodique En Plein Feu
© Musée de la Grande Guerre du Pays de Meaux

La bataille de la Marne est un événement décisif dans l’histoire de la Grande Guerre. Sous le commandement de Joffre, les troupes françaises, aidées des Britanniques, arrêtent la marche de l’armée allemande, qui avance vers Paris.

Selon le plan de guerre allemand, le plan Schlieffen, les troupes de l’Empire sont entrées en Belgique début août 1914 en violant la neutralité du pays, suscitant ainsi l’entrée en guerre de la Grande-Bretagne. Leur marche vers Paris ne peut être contenue par la mise à exécution du plan français (le plan XVII) dont les offensives en Lorraine et en Alsace échouent. À la fin août, les Allemands se rapprochent de la capitale, mais ils sont désormais loin de leurs bases et l’énorme logistique nécessaire au déplacement des armées n’est pas convenablement assurée. Par ailleurs, l’État-major prélève des troupes pour le front russe.

Contrairement au plan Schlieffen qui prévoyait l’enveloppement de l’aile gauche française, le général von Kluck, à la tête de la 1re armée, décide de passer Paris par le sud-est, sans vouloir ralentir pour protéger le flanc de l’armée Bülow qui avance à ses côtés. Il découvre ainsi son aile droite, ce qui va permettre aux Français, désormais en supériorité numérique (Britanniques inclus), sous l’impulsion de Gallieni qui commande la place de Paris, de porter l’attaque avec les armées constituées pour la défense de la capitale. De nombreuses pages seront noircies pour discuter qui, de Joffre ou de Gallieni, a le mieux vu les enjeux et la question demeure un point de passage obligé des récits. Les fameux taxis utilisés pour acheminer des troupes françaises n’ont pas eu le rôle décisif qu’on leur a prêté.

Von Kluck retourne donc ses troupes pour faire face à l’attaque de la VIe armée de Maunoury, mais il crée ainsi une brèche avec l’armée Bülow dans laquelle pénètre en particulier le corps expéditionnaire britannique. La coordination et les communications entre le chef d’état-major Moltke, von Kluck et Bülow sont mauvaises et les Allemands doivent battre en retraite devant la manœuvre et différentes opérations alliées. Les affrontements s’étendent sur un front de quelque 300 kilomètres, de la région de Meaux à Verdun.

La retraite allemande est cependant limitée et la ligne de front va se fixer progressivement. Contrairement à ses objectifs, l’Allemagne doit bien, dès lors, mener la guerre sur deux fronts.

Pour les soldats, la bataille se déroule après des semaines de marches très intenses et épuisantes, et de combats parfois âpres. Certains n’ont guère pris de repos depuis le début des opérations.

Si chacun prétend avoir « gagné » la bataille, car les enjeux de dénominations sont ici décisifs, très vite, du côté français, elle est désignée comme « un miracle » qui a sauvé la France du désastre, en particulier par l’Église (ainsi avec le Missel du miracle de la Marne et la Vierge de la Marne, le 8 septembre est la fête de la Nativité de la Vierge). En Allemagne, où Moltke est remplacé par Falkenhayn, les discussions sur les responsabilités sont vives, et elles le seront encore.

Le champ de bataille redevenu français, puisque les Allemands se sont repliés, des commémorations se mettent en place dès la guerre tandis que des monuments sont érigés. Joffre apparaît en sauveur et il use désormais d’une autorité sans partage, y compris face au gouvernement. « La Marne » reste, dans les mémoires officielles de la guerre, un moment particulièrement valorisé et mis en scène, tout comme Verdun (1916). Son récit est utilisé en abondance comme démonstratif d’un pays insouciant puni par l’invasion et sauvé par le sursaut des Français (voir Philippe Olivera, Paroles de paix en temps de guerre, 2006). Ce type d’interprétation et l’image du sursaut français se retrouvent largement dans l’espace public aux États-Unis, ce qui affermit un courant de sympathie pour la France. Mais la valorisation de la Marne permet aussi de masquer l’échec militaire du premier mois de guerre.

Contrairement à d’autres affrontements majeurs de la Grande Guerre, on attend toujours, pour la bataille de la Marne, un travail qui renouvelle les perspectives compte tenu des apports d’une nouvelle histoire bataille aux horizons élargis.                

 

Nicolas Offenstadt
maître de conférence habilité
université de Paris I – Panthéon-Sorbonne

Source: Commemorations Collection 2014

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