Page d'histoire : Gaston Maspero Paris, 24 juin 1846 - Paris, 30 juin 1916

Portrait de Gaston Maspero, photographie d’Eugène Pirou,
[album de portraits des membres de l’Institut de France entre 1884 et 1886 : Académie des
inscriptions et belles-lettres], Paris,
bibliothèque de l’Institut de France.
© Photo RMN – Grand Palais
(Institut de France) / Gérard Blot

Pour avoir, en sa qualité de Français récent, refusé de prendre parti à propos de l’affaire Dreyfus, Maspero fut classé par Charles Maurras dans « Les modèles du bon métèque ». Gloire de l’égyptologie française, Gaston Maspero n’est en effet pas né français, mais « italien », entre guillemets, car en 1846 la nation Italie n’existe pas encore. Il est né, tout de même, à Paris, de mère milanaise et de père « non dénommé ».

Après une morose enfance parisienne entre les murs d’un pensionnat, il fait un passage éclair à l’École normale supérieure d’où, avec toute la promotion 1865, il est exclu pour soutien public à Sainte-Beuve en lutte contre la censure, mais où, presque seul, il ne veut pas retourner au prix d’une rétractation : ses premiers pas d’intellectuel ont certes du panache, mais manquent peut-être un peu de réalisme. Après quelques mois d’exil en Uruguay, c’est le retour à Paris et à la norme. La norme… c’est vite dit : premier répétiteur, à vingt-trois ans, du cours d’égyptologie de l’École pratique des hautes études, premier étudiant à soutenir une thèse sur un sujet purement égyptologique, enseignant au Collège de France à vingt-sept ans, membre de l’Institut à trente-sept, ajoutons dans les intervalles un engagement dans les combats de 1870 qui lui vaut d’être naturalisé français, un premier mariage avec une citoyenne anglaise, deux enfants, un veuvage, et un remariage.

Et puis, il y a l’Égypte : chargé de diriger une mission archéologique française créée au Caire en 1880, il y assume en fait très vite la succession d’Auguste Mariette à la tête du Service des antiquités de l’Égypte. Le voilà fonctionnaire égyptien pour cinq ans, savant de cabinet se muant brusquement en administrateur, directeur de travaux publics, responsable d’éditions, « DRH », et tutti quanti. Il se tire si bien de la chose qu’en 1899, après treize ans de sage vie académique à Paris, il est de nouveau réclamé au Caire, et dirige une nouvelle fois le Service des antiquités jusqu’à sa retraite en 1914, sans jamais négliger sa production scientifique, aussi colossale qu’on est en droit de l’attendre d’un monument égyptien.

« Mais comment fait-il ? », se demandent ses collègues avec admiration. Doué d’une puissance de travail hors du commun, d’esprit d’analyse et de synthèse, de sens pédagogique à des degrés rares, il est dans les rapports humains d’une rondeur et d’une souplesse diversement appréciées, mais parfaitement adaptées à ses fonctions. Selon son dernier petit-fils François Maspero, mort en avril 2015, « toute sa carrière est celle d’un méritocrate exemplaire » (Les Abeilles et la Guêpe, Paris, Seuil, 2002, p. 82). Délicate ironie bien de famille…

Élisabeth David
chargée d’études documentaires
département des Antiquités égyptiennes du musée du Louvre

Source: Commemorations Collection 2016

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