Page d'histoire : Pierre Lombard Lombardie, vers 1100 - Paris, 1160

Initiale ornée de la première page du manuscrit du Commentaire des Sentences de 1157
© Médiathèque de l’agglomération troyenne

Né vers 1100 en Lombardie, mort en 1160 à Paris dont il était le tout récent évêque, Pierre Lombard y était arrivé en 1136, recommandé par Bernard de Clairvaux, après des études à Bologne puis à Reims. La capitale des Capétiens était un centre très actif d’études philosophiques et théologiques : Abélard n’y était plus mais sa doctrine y persistait ; un peu plus tard, on y entendrait Gilbert de Poitiers, Richard de Saint-Victor. Vers 1142, Pierre y enseigne ; chanoine de Notre-Dame vers 1145, en 1148 il participe, à Reims, à un concile en tant que magister scolaris. Il gravit les degrés ecclésiastiques, et est élu évêque de Paris en 1159.

Mais, dans l’histoire du christianisme en Occident, le Lombard est mieux qu’un dignitaire local, fût-ce à Paris. À cette époque la philosophie, en Occident, en est encore à se chercher, tandis que la spéculation religieuse n’y est plus seulement affaire de génie mais aussi de méthode et d’enseignement. Le recours aux grands auteurs – Augustin, Jérôme, Grégoire le Grand… – a pris une forme systématique, quant aux recueils de textes et à leur usage dans la recherche et l’enseignement, depuis qu’à Laon, un peu avant 1115, maître Anselme avait eu parmi ses auditeurs le génial et insupportable Pierre Abélard. Celui-ci aura fait grand usage des œuvres des Pères dans les trois états successifs de sa Théologie (1120-1140) et dans son Sic et non. Le fait de recueillir et grouper des extraits d’auteurs anciens remontait à l’époque carolingienne ; mais, joint à un progrès vif des travaux de logique et de philosophie, il constitue un vrai progrès dans la constitution d’une théologie systématique : citons, lors même que Pierre est à Paris, le De sacramentis christianae fidei de Hugues de Saint-Victor.

Le Lombard a commenté les Psaumes, les Épîtres de saint Paul ; mais surtout il a composé le Livre des sentences, rassemblant, selon un ordre méthodique de « questions », quantité de sentences, de décisions émises par des auteurs vénérés. À partir de 1215, elles furent au programme de tous les étudiants en théologie ; les plus grands théologiens en composèrent des commentaires. Pierre n’est pas un simple collecteur de textes, il les gère selon ses propres décisions ; considéré comme le Maître des Sentences, original de cette façon particulière. Il a traversé ainsi le Moyen Âge, et Luther même a repris sa thèse selon laquelle l’Esprit saint est l’amour par lequel le Père et le Fils s’entraiment, et nous ; et qu’il est l’amour par lequel nous aimons Dieu et le prochain.

 

Jean Jolivet
directeur d’études honoraire à l’École pratique des hautes études

Source: Commemorations Collection 2010

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