Page d'histoire : Paul Reynaud Barcelonnette (Alpes-de-Haute-Provence), 15 octobre 1878 - Paris, 21 septembre 1966

Discussion entre Henri Frenay, Paul Reynaud et François de Menthon [de gauche à droite],
photographie non attribuée, 7 janvier 1953,
Strasbourg, Parlement européen.
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Ils examinent ensemble à Strasbourg un projet

Le souvenir de Paul Reynaud dans la mémoire collective demeure inexorablement attaché à la défaite de 1940 et à la chute de la IIIe République. C’est en réalité quelque peu réducteur au regard de la carrière politique qui fut la sienne et de sa participation aux débats sur le maintien de la puissance française pendant plus d’un demi-siècle. Né à Barcelonnette, Paul Reynaud passe sa jeunesse à Paris où il devient un avocat remarqué, après avoir été lauréat de la Conférence du stage, concours d’éloquence vivier de futures élites politiques. Conseiller général des Basses-Alpes dès 1914, il devient député en 1919 au sein de la Chambre bleu horizon, aux côtés d’autres nouveaux élus comme Édouard Daladier ou Léon Blum. Brillant orateur, il est très vite remarqué par ses interventions sur le règlement de la Première Guerre mondiale. Soutenant très tôt les thèses du colonel de Gaulle en faveur d’une armée offensive, partisan isolé de la déva luation en 1934, opposant éclairé au Front populaire, il se fait également de nombreux ennemis, en particulier à l’extrême droite. Sa lucidité vis-à-vis de la montée des périls fait de lui, avec Georges Mandel, le principal soutien d’une politique de fermeté envers l’Allemagne nazie. Son rôle comme ministre des Finances du gouvernement Daladier dans la préparation à la guerre après les accords de Munich s’avère déterminant. Son accession à la présidence du Conseil en mars 1940 apparaît toutefois beaucoup trop tardive pour que puisse être envisagé le moindre retournement. Son indécision le 16 juin 1940 a très certainement favorisé aussi son remplacement par le maréchal Pétain à la tête du gouvernement en pleine débâcle.

Interné en septembre 1940 par le régime de Vichy, il ne sera libéré que le 8 mai 1945 par l’armée américaine sur son lieu de détention en Autriche. Élu député du Nord en 1946, Paul Reynaud intervient dans tous les grands débats législatifs. Européen convaincu, il participe à la création du Conseil de l’Europe et aux premiers pas de la construction européenne. Partisan déterminé du régime parlementaire, il s’oppose en 1962 à la réforme constitutionnelle voulue par le général de Gaulle ; ce qui lui vaudra de perdre définitivement son siège parlementaire.

Homme politique peu connu du grand public, Paul Reynaud appartient pourtant au personnel politique qui, de l’entre-deux-guerres jusqu’aux Trente Glorieuses, participa à tous les grands débats qui ont engagé l’avenir du pays. Il fut également avant guerre le découvreur de jeunes talents comme Michel Debré, Maurice Couve de Murville ou bien encore Alfred Sauvy.

 

Thibault Tellier
professeur d’histoire contemporaine
Institut d’études politiques de Rennes

Source: Commemorations Collection 2016

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