Page d'histoire : Référendum sur l'élection du Président de la République au suffrage universel 6 novembre 1962

Association nationale pour le soutien de l’action du Général de Gaulle lors de la campagne du référendum du 28 octobre 1962 - Affiche de l’époque
© Fondation Charles de Gaulle

J’ai naturellement voté oui au référendum du 6 novembre 1962* sur l’élection du Président de la République au suffrage universel. Âgé de trente ans à l’époque, gaulliste de cœur sans être encore engagé dans le combat politique, tout me portait à ce choix.

J’étais surtout conscient de la nécessité, après la fin de la guerre d’Algérie, d’aller au bout de la logique des institutions de la Ve République et de donner au chef de l’État, grâce à l’élection directe par le peuple, l’assise la plus indiscutable pour lui permettre de remplir ses missions tant à l’intérieur que dans les relations internationales.

Mon expérience ultérieure – de candidat et d’élu – m’a confirmé que c’est bien là que réside le véritable socle de notre République : dans le dialogue direct entre chaque candidat et le peuple, et, pour l’élu, dans l’assurance d’une légitimité et d’un élan qui lui permettent d’agir au nom de la France et d’entraîner les Français.

C’est par là que notre démocratie s’est véritablement et définitivement modernisée en offrant à notre pays toute sa place parmi les nations où le rôle des exécutifs avait partout été réaffirmé au XXe siècle.

Depuis 1962 notre constitution a évolué pour intégrer des amendements sur le fonctionnement du Parlement, sur la décentralisation, sur des droits nouveaux aux citoyens, sur la place de l’Europe dans notre ordre juridique… J’ai moi-même proposé au référendum et fait adopter, en 2000, le passage du septennat au quinquennat.

Mais j’ai observé qu’au-delà de quelques cercles de juristes et de responsables politiques à l’audience limitée, la règle de l’élection du Président de la République au suffrage universel direct constitue un point fixe permanent et indiscuté, celui autour duquel tout s’ordonne.

Somme toute, si la constitution de la Ve République a pu s’adapter depuis 50 ans à l’évolution de la société française c’est bien parce qu’elle est ancrée d’abord dans cette règle.

Depuis 1962, et encore récemment avec l’adoption du quinquennat, la question s’est posée de l’évolution souhaitable ou non vers un régime présidentiel, c’est-à-dire vers une séparation stricte des pouvoirs, avec la suppression de la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée nationale et la disparition de son corollaire, le droit de dissolution.

Il est clair que l’acquis de l’élection du Président au suffrage universel rendrait possible cette réforme.

Mais je pense pour ma part que les Français sont attachés à la définition et à l’équilibre des pouvoirs exécutif et législatif tels que la constitution les détermine aujourd’hui : le Président arbitre, définit les grandes orientations politiques, conduit l’action internationale et il est chef des armées ; le Gouvernement, responsable devant l’Assemblée nationale, dirige les ministères et l’action quotidienne des administrations ; le Parlement légifère et contrôle.

Or dans un pays comme le nôtre, aussi fréquemment divisé par des querelles, où des oppositions idéologiques demeurent, un régime présidentiel à l’américaine n’offrirait pas toutes les possibilités de recherche des compromis nécessaires à l’union des Français et à l’action de l’État dans la durée.

Pragmatique, le général de Gaulle s’était bien gardé, en 1958 comme en 1962, de se référer à la classification systématique des régimes politiques telle qu’on l’enseigne dans les manuels de droit constitutionnel.

Ce choix, ratifié à plusieurs reprises par les Français, garde aujourd’hui, et pour longtemps à mes yeux, toute sa valeur et son actualité.

 

Jacques Chirac
ancien Président de la République

 

* Cf. Célébrations nationales 2008

 

Sites Internet :

Assemblée nationale : Général de Gaulle

- Discours prononcé place de la République à Paris, le 4 septembre 1958
- Message au Parlement, le 2 octobre 1962
- Allocution radiodiffusée et télévisée prononcée au Palais de l'Élysée, le 4 octobre 1962
- Allocution radiodiffusée et télévisée prononcée au palais de l'Élysée, le 18 octobre 1962
- Allocution radiodiffusée et télévisée prononcée au Palais de l'Élysée, le 26 octobre 1962

Assemblée nationale : Le Président de la République

Legifrance : Loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel

 

 

Source: Commemorations Collection 2012

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