Page d'histoire : Fondation de l'ordre des frères Prêcheurs 1215

Le Couronnement de la Vierge, détail du retable figurant l’apparition des apôtres
Pierre et Paul à saint Dominique, tempera sur bois de Fra Angelico,
vers 1434-1435, Paris, musée du Louvre. Il s’agit ici de l’une des sept scènes
développées sur la prédelle et relatant la vie du fondateur de l’ordre.
© RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Gérard Blot / Hervé Lewandowski

Au printemps 1215, Dominique de Caleruega installe la petite communauté d’hommes qui s’est formée autour de lui dans une maison proche du château narbonnais, non loin de la porte sud de la ville de Toulouse. Depuis plus de dix ans, ce chanoine castillan sillonne le Languedoc, d’abord accompagné de son évêque puis seul. Il accepte les interpellations des hérétiques que l’on appelle aujourd’hui « cathares » ; il oppose des arguments à leurs raisons et manifeste son désir de prêcher l’Évangile de Jésus-Christ de manière pacifique. En 1206-1207, des femmes ont entendu son appel et se sont groupées à Prouille, au pied de la colline de Fanjeaux, entre Carcassonne et Castelnaudary, pour mener une vie de type monastique. Malgré la croisade des Albigeois et la guerre civile qui s’ensuit, Dominique poursuit sa route, jetant les bases d’une nouvelle famille religieuse. À la même époque, François d’Assise, fils du riche marchand Bernardone, épouse dame Pauvreté sur les collines d’Ombrie.

 

En 2015, les Dominicains français et ceux qui leur sont proches font mémoire de la fondation des Prêcheurs. Ces manifestations constituent le prologue des célébrations internationales du huitième centenaire de la naissance de l’ordre. Confirmé dans sa mission par le pape Honorius III, l’ordre, né de saint Dominique dans le midi de la France, a rayonné dans le monde entier. Les figures d’Albert le Grand et de Thomas d’Aquin, celles de Fra Angelico et de Fra Bartolomeo, de Francesco de Vitoria et de Barthélemy de Las Casas, d’Henri-Dominique Lacordaire et de Marie-Joseph Lagrange, de Joseph Lebret et d’Yves Congar bénéficient d’une reconnaissance internationale. Aujourd’hui encore, 3 000 moniales, 6 000 frères, 25 000 religieuses apostoliques et 150 000 fidèles laïcs poursuivent, au coeur de l’Église, l’oeuvre entreprise par Dominique.

 

La France tient depuis huit siècles un rôle essentiel dans la mission de l’ordre des Prêcheurs. L’université médiévale du royaume français a bénéficié dès le XIIIe siècle de l’enseignement de dominicains. Thomas d’Aquin, entre autres, enseveli aujourd’hui à Toulouse, a illustré les chaires parisiennes. C’est à partir du territoire national que sont partis au XIXe et au XXe siècle les fondateurs de l’École biblique et archéologique française à Jérusalem ou de l’Institut dominicain d’études orientales du Caire. Ils ont bénéficié, dans leurs missions, du soutien des institutions publiques françaises. C’est par la prédication radiodiffusée, télévisée et la fondation des Éditions du Cerf que les Dominicains français ont également acquis un rayonnement dans le monde de la culture. Les rencontres de frères et de soeurs dominicains du XXe siècle avec Le Corbusier, Henri Matisse, Georges Braque, Albert Camus, Georges Bernanos, Andrée Diesnis ou Carlos Pradal ont permis un renouveau de l’art sacré et suscité des oeuvres importantes. L’amitié de Jacques Maritain, de Simone Weil et d’Étienne Gilson pour des dominicains a témoigné de la nécessité de jeter des ponts entre foi et raison.

 

Les cérémonies françaises du huitième centenaire de l’ordre des Prêcheurs permettent de ressaisir son histoire en France. Ce travail est accompli en lien avec des institutions universitaires. Il doit conduire à souligner les apports réalisés par les Dominicains, mais doit aussi faire la lumière sur des épisodes troubles, comme celui de l’Inquisition.

 

Les expositions organisées en 2015 à Paris, à Colmar et à Toulouse veulent inviter à élargir nos regards :
-  en nous attachant aux chrétiens d’Orient ;
- en découvrant les principes qui ont permis la pérennité des institutions dominicaines depuis huit siècles ;
- en admirant les fruits littéraires, esthétiques et spirituels de la mystique née sur les bords du Rhin au XIVe siècle ;
- en revisitant des lieux emblématiques de la présence dominicaine en France (Saint-Maximin dans le Var, la chapelle décorée par Matisse à Vence, les Jacobins de Toulouse…).

 

Les publications en cours (Recueil critique des sources médiévales de l’Ordre, Dictionnaire en ligne des dominicains du XIXe et du XXe siècle, etc.) montrent l’enrichissement réciproque de la société française et des chrétiens qui ont suivi la voie ouverte par Dominique.

 

Institué pour annoncer l’Évangile par tout l’univers, l’ordre des Prêcheurs a une histoire commune avec la France depuis le XIIIe siècle. Acclimaté à notre époque par le père Lacordaire, il continue d’offrir sa contribution au bien commun national.

 

Frère Augustin Laffay, OP
historien de l’Ordre du couvent de Toulouse

Source: Commemorations Collection 2015

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