Page d'histoire : Sortie du film de Georges Lautner, les Tontons flingueurs 1963

Les Tontons flingueurs est réalisé par Georges Lautner d’après un roman d’Albert Simonin, Grisbi or not grisbi, et dialogué par Michel Audiard, incontestablement celui par qui le film est devenu « culte ». La photographie est de Roger Fellous et la musique de Michel Magne.

Audiard, c’est l’esprit frondeur parisien allié au bon sens paysan. Il a une conviction : « les dialoguistes qui n’écrivent pas pour les acteurs sont des imbéciles… Un dialoguiste qui n’exige pas de connaître les interprètes des cinq principaux rôles est un monsieur qui ne connaît pas son métier ». Lino Ventura, Bernard Blier, Francis Blanche, Jean Lefebvre, Robert Dalban sont des instruments de musique pour lesquels il écrit une partition.
 L’argument est mince : Fernand Naudin (Lino Ventura) truand reconverti dans l’automobile promet sur son lit de mort à son ami Le Mexicain de gérer ses affaires illicites pour le compte de sa fille qui ignorera tout jusqu’à la mort du père. Naudin doit lutter avec l’aide de Me Follace (Francis Blanche), contre la bande à Théo qui met ses mauvais coups sur le dos des frères Volfoni, Paul (Jean Lefebvre) et Raoul (Bernard Blier), remarquables de stupidité.

Le récit vagabonde et passe des doléances d’une mère-maquerelle : « c’est pas que la clientèle boude, c’est qu’elle a l’esprit ailleurs ” à des considérations sociales : « quand tu parlais augmentation ou vacances (Louis) sortait son flingue avant que t’aies fini », philosophiques : « les cons ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît », économiques : (mon père, vice-précident du FMI) « ne comprend rien au passé, rien à la France, rien à l’Europe, rien à rien, mais il comprendrait l’incompréhensible dès qu’il s’agit d’argent » et culmine dans la scène de la beuverie : « J’ai connu une Polonaise qui en prenait au petit déjeuner… c’est plutôt une boisson d’homme ».

Le succès persistant du film s’explique ainsi : il perpétue une France et un Paris disparus pour les anciens et les fait revivre pour les plus jeunes. Tourné entre la fin de la guerre d’Algérie et Mai 1968, il témoigne d’une société apaisée, sans chômage, sans guerre. On peut voir, dans le personnage de Naudin et le physique de Ventura, une nostalgie de l’autorité à l’ancienne. Naudin n’explique pas, il cogne, comme plus tard, Annie Girardot « ne cause plus mais elle flingue ».

Les répliques des Tontons et d’autres titres d’Audiard font partie du patrimoine. On les cite en société. Il n’est pas impossible qu’elles fassent l’objet de thèses. Les éditions en DVD avec bonus se multiplient.

La victoire posthume d’Audiard, notamment grâce aux Tontons, c’est la défaite de ceux qui ont snobé le cinéma populaire, comme François Truffaut, critique, qui écrivait que les dialogues d’Audiard « dépassent en vulgarité ce qu’on peut écrire de plus bas dans le genre ».

Un demi-siècle plus tard, tout s’est remis naturellement en place.

 

Alain Paucard
écrivain

Source: Commemorations Collection 2013

Personnes :

Paucard, Alain

Thèmes :

Cinéma

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