Page d'histoire : Louis Couperin Chaumes-en-Brie (Seine-et-Marne), vers 1626 – Paris, 29 août 1661

Orgue sur lequel jouèrent Louis puis François Couperin
Paris, église Saint-Gervais - Saint-Protais
© RMN (Château de Versailles) / Gérard Blot
 

À la fin du XVIIe siècle, on pouvait écrire que Louis Couperin « avait excellé par la composition, c’est-à-dire par ses doctes recherches. Et cette manière de jouer a esté estimée par les personnes sçavantes, à cause qu’elle est pleine d’accords et enrichie de belles dissonances, de dessein et d’imitation ». Mais ce musicien de la vie intérieure n’aura pas eu le souci de paraître en faisant éditer ses compositions, et sa vie comme son œuvre demeurent aujourd’hui entourées de mystère.

Natif du village familial de Chaumes-en-Brie, ce jeune clerc de notaire est remarqué, ainsi que ses deux frères, par un voisin qui n’est autre que l’illustre claveciniste et organiste du roi Jacques Champion de Chambonnières. Celui-ci les prend sous sa protection et les envoie à Paris, vers 1650. Très vite, on admire Louis pour ses talents de violoniste, de violiste et de claviériste. Une brillante carrière parisienne s’ouvre au jeune homme. Il entre alors à la Chambre du Roi comme dessus de viole, et se trouvera ainsi mêlé de près aux premières représentations en France de ballets et d’opéras italiens. A-t-il composé pour la Chambre, on l’ignore. Seules subsistent, en ce domaine, quelques fantaisies et « sinfonies » pour les hautbois ou les violes.

C’est en même temps qu’il accède à la tribune de l’orgue de Saint-Gervais (1653), premier de la dynastie qui allait s’y illustrer près de deux siècles durant, comme par apanage, jusque vers 1830 – dont le neveu de Louis, François « le Grand ». Célébré à la ville comme à la cour où il est « fort goûté », fréquentant l’aristocratie et la reine Christine de Suède à Meudon, il est l’ami des artistes et se lie avec le fameux Froberger, de Stuttgart, qui parcourt l’Europe et diffuse largement, jusqu’à Bruxelles et Londres, l’art de ses maîtres de Rome, de Vienne et de Dresde. En 1659, il fait partie des musiciens de l’escorte royale dans le long voyage de la cour à Saint-Jean-de-Luz où le jeune Louis XIV s’en va épouser Marie-Thérèse d’Autriche. Mais il s’éteint prématurément, à Paris, âgé de 35 ans.

L’œuvre de ce météore se résume pour l’essentiel à ses pages pour le clavier, quelque cent trente pièces destinées au clavecin et soixante-dix à l’orgue, celles-ci découvertes en 1958 seulement. Elles suffisent à brosser de lui le portrait d’un être secret, profond et subtil, souvent imprévisible. Si son écriture associe la plus grande liberté et la plus extrême rigueur, une densité cachée dans l’apparente économie des moyens, où la fermeté du discours rhétorique sous-tend la plus palpitante rêverie, c’est sans doute pour mieux cerner les intermittences du cœur et les égarements de la raison dans les labyrinthes de l’être. Au siècle des frères Le Nain et de Georges de La Tour, le musicien mélancolique s’y révèle un maître de l’éclairage intime et des clair-obscurs de l’âme.

 

Gilles Cantagrel
musicologue
correspondant de l’Institut
membre du Haut comité des Célébrations nationales

 

Voir recueil Célébrations nationales 2003

Source: Commemorations Collection 2011

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Musique

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