Page d'histoire : R. P. Jean-Baptiste Labat, dit "le Père Labat" Paris, 5 septembre 1663 - Paris, 6 janvier 1738

Portrait en médaillon du Père Labat, missionnaire, entouré d'une scène exotique caribéenne - Estampe de Boius (peintre, dessinateur) et Matheys (graveur) , XVIIIe siècle - © Bibliothèque nationale de France

Entré à 19 ans au couvent des Dominicains de la rue Saint-Honoré à Paris, Jean-Baptiste Labat y prononce ses vœux le 11 avril 1685 et y poursuit ses études avant d’enseigner la philosophie et les mathématiques à Nancy. Revenu à Paris, il obtient l’autorisation de passer aux îles, et part pour La Rochelle le 5 août 1693. Le 28 novembre, il commence près de douze années de pérégrinations en service commandé.

À peine embarqué, ce terrien révèle son adaptabilité. Le 28 janvier 1694, en vue de La Martinique, avec ses 20 canons, La Loire tient tête au Chester, qui en portait 54. Sans paniquer, étape dans l’évolution qui le fait passer de l’intellectuel à l’homme d’action, le Père Labat se porte au secours des blessés. La Martinique se présente à lui « comme une montagne affreuse, entrecoupée de précipices ». Heureusement, il apprécie la verdure. À peine le navire a-t-il mouillé, que des esclaves montent à bord. Leurs vêtements sommaires et « les marques de coups de fouet » excitent sa compassion. Il « s’y fait ». Dommage

Hyperactif à cause de ses multiples compétences (architecte, technicien, homme de guerre, gestionnaire, pasteur), il parcourt les Antilles de Saint-Domingue à la Grenade. Il est élu supérieur de la mission et nommé vice-préfet à La Martinique. Cabaleur impénitent, il embarque en 1705 pour la France, à l’insu du gouverneur général Machault, afin de dénoncer ses démêlés avec les religieux placés sous sa responsabilité. En 1708, il apprend, à La Rochelle, que Pontchartrain s’oppose à son retour aux îles. Revenu à Paris en 1709, et exilé à Toul, il se rebelle, et part pour l’Italie. Rentré en grâce en 1716, il regagne le couvent de la rue Saint- Honoré où, de 1727 à son décès, il exerce les fonctions d’agent du Maître général de l’Ordre.

De 1716 à 1722, date de la publication du Nouveau voyage aux isles de l’Amérique, le Père Labat donne une forme littéraire à ses notes de voyage. Voyageur de cabinet, il ajoute en 1728 : Les nouvelles relations de l’Afrique occidentale. En 1730 : Les voyages du chevalier des Marchais en Guinée, îles voisines et Cayenne, faits en 1725, 1726 et 1727, et Les voyages du P. Labat en Espagne et en Italie ; en 1732, La relation historique de l’Ethiopie occidentale, traduite de l’italien, du P. Cavazzi ; en 1735, Les mémoires du chevalier d’Arvieux. En 1742, quatre ans après son décès, saluée par la Gazette de France, son œuvre maîtresse, le Nouveau voyage aux isles, est rééditée, revue, complétée, et augmentée d’un volume.

Narrateur extraordinaire, pour donner plus de vie, il s’empare de faits réels, s’introduit dans le récit. Dans un but apologétique, il invente par exemple l’interdiction de danser la calenda, danse lascive, qu’il évoque dans ses moindres détails. Il a si bien décrit les moulins qu’ils sont devenus « du type Père Labat ». Au Baillif (Guadeloupe), la tour du Père Labat date de 1703. À La Martinique, la maison conventuelle du Fonds Saint-Jacques perpétue son souvenir, et le grand escalier souterrain du fort Saint-Louis porte son nom parce qu’il en a gravi les marches en 1694.

Léo Elisabeth
agrégé de l’université
président de la Société d’Histoire de la Martinique

Source: Commemorations Collection 2013

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