Page d'histoire : Claude Chappe Brûlon (Sarthe), 25 décembre 1763 - Paris, 23 janvier 1805

Le télégraphe optique de Chappe - Ancienne église et la tour du télégraphe à Montmartre
Aquarelle, XIXe siècle - © Bibliothèque nationale de France
 

Claude Chappe invente en 1794 un télégraphe optique qui permet de communiquer sur une longue dis- tance des signaux codés que chaque guetteur observe à la longue vue et répète lors de sa transmission au sémaphore suivant. Malgré ses inconvénients (aucune communication n’est évidemment possible la nuit ou par mauvais temps), le réseau Chappe, riche de ses 1 853 kilomètres en 1805, atteint en France 5 000 kilomètres et relie une trentaine de villes en 1845.

 

L’invention du télégraphe aérien par Claude Chappe au plus fort de la Révolution française est pleine d’enseignements sur ce qu’est un processus d’innovation et sur les rapports privilégiés qu’entretiennent le changement technique, la guerre et la politique. L’idée d’utiliser des relais de signaux pour transmettre une information est attestée depuis l’Antiquité. Ce qui est neuf, c’est que son efficacité aura été testée en grandeur réelle, grâce au soutien des autorités révolutionnaires, qui, elles, ont un besoin urgent d’un système de communication fiable. Or Claude Chappe et ses frères ne sont pas seulement de bons techniciens : ils sont aussi dotés d’un sens politique qui leur permet de mettre leur télégraphe directement au service de la Révolution.

À la veille de la Révolution, Claude Chappe a ouvert un cabinet de physique à Paris. Il publie en 1796 dans le Journal de Physique les résultats de ses travaux sur l’électricité. Les événements le forcent à s’adapter au contexte politique nouveau. Or celui-ci est favorable aux inventeurs. La République est dirigée par des hommes jeunes qui ne reculent pas devant les innovations les plus hardies. Claude Chappe peut bénéficier du soutien de son frère Ignace, membre de l’Assemblée législative. Ce dernier va l’aider à perfectionner le télégraphe et sera nommé, conjointement avec lui, administrateur des lignes télégraphiques en 1793. Maintenu dans son poste jusqu’en 1823, Ignace publie l’année suivante une Histoire de la télégraphie qui est une défense et illustration de l’œuvre de Claude.

Claude Chappe va se montrer habile négociateur dans les relations avec les autorités révolutionnaires. Il a organisé un premier essai le 2 mars 1791 dans la Sarthe et présenté une « pétition » le 22 mars 1792 en faveur de son dispositif, mais c’est l’année 1793 qui s’avère décisive pour le télégraphe. L’ennemi est aux frontières, la patrie en danger, le pouvoir aux mains du Comité de Salut public. Le 1er avril 1793, le conventionnel Romme demande que soit financée une expérimentation en grandeur réelle du télégraphe. Les frères Chappe mettent alors en place une ligne expérimentale entre Ménilmontant et Saint-Martin-du-Tertre avec un relais à Écouen. Après de nombreux ajustements, la ligne se montre capable de fonctionner en présence de représentants de la Convention et, en juillet, Lakanal présente à ses collègues un rapport qui insiste sur l’intérêt militaire du système. Ordre est alors donné de construire en direction de Lille une ligne qui est opérationnelle en juillet 1794.

Les années qui suivent voient à la fois le triomphe des frères Chappe et le début d’un combat incessant de leur part pour ne pas se faire supplanter par des « inventeurs » concurrents. Claude Chappe passe sa vie sur les routes : il faut trouver des points adéquats pour installer des relais, recruter des collaborateurs fiables, payer les fournisseurs et les agents du télégraphe. C’est là une activité incessante, épuisante, dont témoigne l’importante correspondance qu’il entretient avec ses frères. Sont ainsi mises en service successivement les lignes vers Strasbourg et Brest, puis vers l’Italie.

Un réseau en étoile se crée dont le cœur est l’hôtel de Villeroy, situé rue de Grenelle à Paris. Le corps de Claude Chappe y est découvert le 23 janvier 1805, au fonds d’un puits. Il semble s’être donné la mort pour des raisons sur lesquelles ses biographes ne s’accordent pas. Une statue lui sera élevée en 1893 en haut du boulevard Saint-Michel. Seules des cartes postales anciennes en témoignent puisqu’elle a été fondue pendant la Seconde Guerre mondiale.

Catherine Bertho Lavenir
professeur d’histoire culturelle et des médias
université Sorbonne nouvelle Paris 3

Voir Célébrations nationales 1993, p. 91 et 2011

Source: Commemorations Collection 2013

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