Page d'histoire : Auguste, empereur Rome, 23 septembre 63 av. J.-C. - Nole (Campanie, Italie), 19 septembre 14 ap. J.-C.

Portrait d'Auguste avec une couronne de feuilles de chêne - Fin du 1er siècle av. J.-C.
Paris, musée du Louvre
© RMN - Grand Palais (musée du Louvre) / Hervé Lewandowski

Premier empereur romain, Auguste a marqué durablement de son empreinte les provinces gauloises. Après l’assassinat de César aux ides de mars 44 (15 mars) av. J.-C. il les reçut en effet en partage, en novembre 43, lors de la conclusion du triumvirat pour restaurer la République avec Marc Antoine, collègue au consulat du défunt dictateur, et Lépide, son maître de cavalerie. Quant à Octave, à qui le surnom d’Auguste ne fut décerné qu’en janvier 27, il était le petit-neveu de César, qui l’avait adopté par testament. Sa principale préoccupation consista alors à récompenser les vétérans de l’armée victorieuse des deux principaux assassins de César, Brutus et Cassius, à la bataille de Philippes en octobre 42. Or, depuis la fin du IIe siècle, les vétérans avaient pris l’habitude des gratifications en terre et en argent. Les terres manquant en Italie, le triumvir, à l’exemple de César, établit des colonies à leur intention dans la province de Gaule Transalpine, qui prit plus tard le nom de Narbonnaise du nom de sa capitale, fondée en 118 av. J.-C. De nouvelles colonies furent ainsi installées à Béziers et à Orange, sans doute en 36-35. Cette dernière est particulièrement connue grâce à son théâtre, à son arc de triomphe, et au cadastre gravé sur bronze indiquant les modalités de répartition des terres entre colons et autochtones.

Après la rupture avec Marc Antoine et la victoire navale remportée le 2 septembre 31 av. J.-C. à Actium par Octave et son ami Agrippa sur son collègue allié à la reine Cléopâtre VII d’Égypte, de nouvelles colonies de vétérans furent fondées, notamment à Nîmes et à Fréjus, où mouilla un temps la flotte victorieuse. Octave contribua ainsi à diffuser le modèle romain en Occident. En janvier 27 av. J.-C., il reçut, en plus de l’Égypte, le gouvernement des provinces d’Espagne, de Gaule et de Syrie en vertu d’un imperium, pouvoir de commandement civil et militaire décerné pour dix ans. L’héritier de César s’inscrivait ainsi dans la lignée des titulaires de commandement extraordinaire de la République tardive : Pompée, Crassus et César lui-même. Les provinces confiées à Octave abritaient les garnisons les plus importantes. Cependant, cantonnées aux frontières, loin de Rome, ces troupes ne paraissaient pas pouvoir perturber le fonctionnement normal des institutions. Leur principale mission consistait, au contraire, à achever la pacification des régions récemment conquises par Rome, et à repousser les frontières jusqu’aux limites du monde connu. Cette tâche présentait également l’avantage de pouvoir justifier le renouvellement du commandement extraordinaire d’Octave. Il reçut surtout le surnom d’« Auguste », qui lui conférait une autorité supérieure. Son titre de premier des sénateurs, princeps, valut au nouveau régime le nom de Principat dans l’historiographie moderne.

En dehors de l’annexion de l’Égypte, Auguste ne modifia guère l’organisation des provinces orientales, fixée par Marc Antoine. En revanche, sa politique militaire fut beaucoup plus ambitieuse en Occident. Après la pacification du nord-ouest de la péninsule ibérique, le prince entreprit de contrôler les peuples alpins, dont la soumission demeure symbolisée par le trophée qui surplombe La Turbie. Ces opérations militaires représentaient la première étape de la conquête de la vallée du Danube et de la Germanie, qui allait être la grande affaire du principat. Dans ce contexte, il prêta une attention particulière à la Gaule, qu’il divisa en trois provinces, en plus de la Narbonnaise : l’Aquitaine, la Lyonnaise et la Belgique, ces deux dernières servant de base arrière aux campagnes outre-Rhin. Lyon devint alors la capitale fédérale des Trois Gaules. Au cœur d’un réseau routier conçu par Agrippa, la cité accueillit également un atelier monétaire afin de faciliter le versement des soldes aux troupes. Mais c’est bien sûr Rome qui demeura le terrain privilégié de l’évergétisme d’Auguste, qui aurait prétendu avoir trouvé une ville de briques qu’il laissa de marbre. Des poètes, comme Horace et Virgile, trouvèrent en Mécène, proche conseiller du prince, un protecteur attentif et bienveillant.

Depuis le passage d’une comète pendant les jeux offerts en l’honneur de César, à l’été 44, Octave se prétendait le fils d’un personnage divin. Dès le début du principat, des provinciaux décernèrent des honneurs divins à Auguste, qui tint toujours néanmoins à être associé à la déesse Rome. Le Sénat aurait en effet regardé avec suspicion toute manifestation trop ostentatoire de dévotion. Le prince diffusa également le culte de son génie, qui correspondait à une entité divine personnifiant toutes ses qualités. Il s’agissait de la transposition d’un culte domestique dans la sphère publique. On y ajouta le numen Augusti, puissance divine d’Auguste, attesté sur un autel dédié à Narbonne en 11 ap. J.-C. Ce culte impérial fut en effet organisé à l’échelon municipal et provincial : un autel fédéral pour les Trois Gaules fut ainsi établi au confluent du Rhône et de la Saône.

La fin du principat d’Auguste fut assombrie par la dégradation de la situation militaire sur le Rhin et le Danube, à la suite de la révolte de la Pannonie et de la défaite, en 9 ap. J.-C., de Varus, gouverneur de Germanie. Ce désastre révélait que les peuples vivant entre le Rhin, l’Elbe et le Danube n’étaient pas prêts à recevoir une organisation administrative similaire à celle des Trois Gaules. Le beau-fils du prince, Tibère, et le neveu de ce dernier, Germanicus, œuvrèrent au redressement. Mais cinq ans plus tard, Auguste, sur son lit de mort, recommanda à son successeur Tibère de ne plus chercher à étendre l’Empire, faisant ainsi du Rhin sa frontière.

 

Pierre Cosme
professeur d’histoire ancienne à l’université de Rouen

Source: Commemorations Collection 2014

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