Page d'histoire : François-Joseph Talma Paris, 15 janvier 1763 - Paris, 19 octobre 1826

Talma dans le rôle de Néron - Huile sur toile d'Eugène Delacroix, 1853
Paris, Bibliothèque-Musée de la Comédie-Française
© Collections Comédie-Française . P. Lorette
 

Premier acteur de son temps, François-Joseph Talma le fut sur scène autant que dans sa vie personnelle et publique, dans la manière dont il se fit l'écho des bouleversements politiques et historiques qui marquèrent son époque. Il délaissa rapidement la carrière de dentiste pour recevoir les enseignements de l'École royale dramatique en 1786. Il débuta au Théâtre-Français l'année suivante, mais suivant la coutume, fut cantonné aux seconds rôles dans ses premières années d'exercice.

La Révolution changea son destin en lui offrant un premier rôle à sa mesure, celui de Charles IX dans la tragédie patriotique éponyme de Marie-Joseph Chénier. Le théâtre fut alors la caisse de résonance des événements politiques, aussi vu comme un puissant instrument de communication et d'éducation du peuple. Talma se fit le corps et la voix de l'actualité ainsi mise en abîme. En avril 1791, il démissionna avec fracas pour s'installer rue de Richelieu avec quelques camarades, dans la salle actuelle de la Comédie-Française, afin d'interpréter un répertoire en phase avec les nouvelles idées et la nouvelle esthétique prônée par son ami Jacques-Louis David : il poursuivit notamment sa réforme du costume, adoptant la toge à l'antique dans Brutus de Voltaire. C'est après Thermidor qu'il fit la connaissance du jeune Bonaparte, rencontré dans le salon de Mme Tallien.

Après avoir interprété les rôles sombres de rois cruels pendant cette période, il collabora avec des auteurs (Ducis, Lemercier, Arnault) qui écrivirent souvent à sa demande des rôles de fous, de visionnaires et de mélancoliques shakespeariens, flattant son goût préromantique. Ayant pendant longtemps évité l'ancien répertoire, il reprit enfin le rôle canonique d'Achille dans Iphigénie, incarnant désormais un nouveau classicisme encouragé par Bonaparte. Après la victoire de Marengo, Talma fut en quelque sorte son porte-parole à Paris ; il annonçait les succès d'Italie au public parisien venu acclamer le double de leur héros. Les deux hommes développèrent une amitié et une fascination réciproque. En 1808, lorsque Napoléon convoqua à Erfurt les princes d'Europe assujettis, il fit jouer son acteur fétiche devant ce parterre de rois.

Après la chute de l'Empire, Talma ne renia jamais son attachement à Bonaparte, se ralliant au parti libéral et incarnant parfois indirectement l'empereur déchu comme dans Sylla de Jouy.

Désormais, l'acteur cultiva son image de vedette, se partageant entre la Comédie-Française, où il créa des rôles tant shakespeariens que modernes, et ses lucratives tournées en province. Romantique avan l'heure, il mourut quelques mois avant la parution du manifeste de Cromwell de Hugo. L'archevêque de Paris échoua à le faire renoncer à des funérailles civiles. Son enterrement fut son ultime succès politique : une foule immense suivit le cortège de cet homme épris de liberté.

Agathe Sanjuan
conservatrice-archiviste à la Comédie-Française

Source: Commemorations Collection 2013

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