Page d'histoire : Léon Foucault mesure la vitesse de la lumière mai à septembre 1862

Le pendule de Foucault. Paris, Panthéon
Patrick Cadet © Centre des monuments nationaux, Paris

On a cru longtemps que la lumière se propageait instantanément. Cependant, Jean-Dominique Cassini et Olaus Roemer ont montré en 1676 que sa vitesse était finie, mais extrêmement grande. Ce n’est qu’en 1849 qu’Hippolyte Fizeau a pu la mesurer directement par sa méthode de la roue dentée, quoique de façon peu précise.

À cette époque, Urbain Le Verrier (1), après sa découverte de Neptune, échafaudait une théorie complète du mouvement des planètes du système solaire. En 1861, elle était assez avancée pour qu’il puisse en déduire une valeur de la distance moyenne de la Terre au Soleil, soit 147 millions de kilomètres. Cette valeur était inférieure à celle qui était alors admise, 153,5 millions de km ; Le Verrier désirait vérifier son résultat en utilisant une autre méthode pour obtenir cette distance. Pour cela, il fallait mesurer avec précision la vitesse de la lumière et utiliser la constante de l’aberration, une quantité astronomique assez bien déterminée qui est égale au rapport de la vitesse de la Terre sur son orbite à la vitesse de la lumière : on en déduirait la vitesse orbitale de la Terre, d’où la longueur de son orbite parcourue en un an, et enfin le rayon moyen de celle-ci.

Le Verrier, qui dirigeait l’Observatoire de Paris, demanda donc à Léon Foucault (1819-1868) de mesurer la vitesse de la lumière avec la plus grande précision possible. Foucault, déjà célèbre par son expérience du pendule, avait été embauché à l’Observatoire en tant que « physicien ». C’était l’expérimentateur le plus habile de son époque, et il était aidé par un remarquable constructeur d’instruments, Gustave Froment. Il se mit donc au travail, utilisant pour la mesure la technique du miroir tournant, due à l’Anglais Charles Wheatstone, technique qu’il avait lui-même déjà perfectionnée. Le principe en est simple : on fait tomber un rayon lumineux sur un miroir tournant, puis on lui fait faire un trajet assez long à l’aide d’autres miroirs jusqu’à ce qu’il revienne sur ce miroir rotatif. Pendant ce trajet, le miroir a eu le temps de tourner légèrement, et on peut savoir de quel angle en observant la direction du faisceau sortant. Connaissant la vitesse de rotation du miroir, on peut alors connaître le temps qu’a mis la lumière à parcourir le trajet et en déduire sa vitesse.

Le miroir tournant de Foucault, conservé à l’Observatoire de Paris, est une merveille de mécanique. Il était entraîné à 400 tours/seconde par une turbine dont l’air comprimé était fourni par une soufflerie très stable construite par le facteur d’orgues Aristide Cavaillé-Coll (2). L’expérience, menée sur un trajet de 40 m, a conduit à une vitesse de la lumière de 298 000 km/seconde, qui diffère peu de la valeur actuelle. On ne peut qu’être admiratif de la qualité de ce résultat. La distance moyenne de la Terre au Soleil fut alors portée à 148,5 millions de km, une valeur proche de celle estimée par Le Verrier, qui fut fort satisfait.

La mesure de Foucault est restée insurpassée jusqu’à ce qu’Albert Michelson la reprenne à la fin du XIXe siècle avec des moyens considérables. Actuellement, la vitesse de la lumière est connue avec une très grande précision : fixée arbitrairement à 299 792,458 km/seconde, elle sert depuis 1983 à définir le mètre.

James Lequeux
astronome à l’Observatoire de Paris

1. Cf. Célébrations nationales 2011
2. Cf. site multimédia Aristide Cavaillé-Coll, facteur d'orgues

Source: Commemorations Collection 2012

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