Page d'histoire : Début de "l'Etat Bourguignon" 6 septembre 1363

Portrait de Philippe le Bon
Huile sur bois, copie d'après l'original perdu de Rogier van der Weyden, XVe siècle Dijon, Musée des Beaux-Arts (dépôt avec échange : Saint-Étienne, Musée d'Art et d'Industrie)
C'est avec Philippe le Bon que l’État bourguignon atteignit son apogée
 

A la fin de son règne, le roi Jean II le Bon (1350-1364) se trouvait dans une situation critique. Vaincu et capturé lors de la bataille de Poitiers (1356), contraint de conclure avec son  adversaire, Édouard III d’Angleterre, le traité de Calais, par lequel il lui abandonnait de vastes territoires (1360), il devait restaurer son autorité et remettre de l’ordre dans un pays bouleversé. Dans ce contexte, il recourut à d’importantes délégations de pouvoirs pour renforcer l’encadrement des populations : il créa des lieutenances et des gouvernements à l’échelle régionale et constitua aussi des apanages au profit de ses fils puînés, l’aîné Charles, dauphin et duc de Normandie étant destiné à lui succéder. C’est ainsi qu’en 1360, Louis, deuxième fils du roi, reçut le duché d’Anjou, et Jean, son troisième fils, reçut le duché de Berry. Philippe (1342-1404), le quatrième, s’était vu concéder le petit duché de Touraine, mais ce dernier-né, dont on dit qu’il avait gagné le surnom de « Hardi » en combattant sur le champ de bataille de Poitiers, allait être appelé à une plus haute destinée.

En novembre 1361, en effet, à la suite de la mort de Philippe de Rouvres, dernier duc de Bourgogne issu des Capétiens, qui ne laissait pas d’héritiers directs, Jean le Bon recueillit le duché de Bourgogne par droit du plus proche héritier. Cependant cette situation ne devait être que transitoire. À l’été 1363, il décida d’octroyer le titre de duc de Bourgogne à son plus jeune fils, Philippe, ce qu’il fit par lettres patentes datées du 6 septembre 1363.

L’acte d’inféodation du duché resta toutefois secret, Jean le Bon attendant sans doute le moment favorable pour rendre publique une décision susceptible de provoquer les réactions hostiles de son cousin et ennemi juré, Charles II, roi de Navarre, qui avait lui-même des droits sur la Bourgogne. Or, lorsque le roi de France mourut, le 8 avril 1364, la donation n’avait toujours pas été publiée. Ce fut donc à Charles V, fils aîné et successeur de Jean II, d’officialiser et de confirmer l’acte rendu au bénéfice de son frère cadet, ce qu’il fit par lettres patentes données le 2 juin 1364.

La donation du duché de Bourgogne à Philippe le Hardi fut le point de départ de la construction d’un grand ensemble territorial et d’un État princier. L’étape suivante fut, en 1369, le mariage de Philippe avec Marguerite de Male, héritière des comtés de Flandre, d’Artois et de Bourgogne (la Franche-Comté). Par la suite, leurs successeurs, les ducs Jean sans Peur (1404-1419), Philippe le Bon (1419-1467) et Charles le Téméraire (1467-1477) bâtirent une puissance qui devint à un moment de son histoire un péril pour la royauté dont elle était pourtant issue. Il est toutefois juste de reconnaître que cette évolution n’était guère prévisible en 1363. Les historiens qui ont fait grief à Jean le Bon d’une décision politique dont les conséquences furent jugées néfastes, lui ont fait un bien mauvais procès.

 

Bertrand Schnerb
professeur à l’université Charles-de-Gaulle – Lille 3

 

 

Source: Commemorations Collection 2013

Liens