Page d'histoire : Fondation de Lorient 1666

Plan of L’Orient, plan anglais de Lorient et des alentours,
par Jefferys T. graveur, s. d.,
Vannes, archives départementales du Morbihan (cote 1 Fi 32/2).
© Archives départementales du Morbihan

Le 31 août 1666, Denis Langlois, directeur de la Compagnie des Indes orientales, fait procéder par le sénéchal d’Hennebont, « au milieu d’un grand concours de notables et d’habitants du pays », au mesurage et à l’estimation du terrain choisi par ses pairs dans la paroisse de Ploemeur, sur la lande du Faouédic. Le havre de Blavet, sur la « coste du Midy » de Bretagne, refuge notoire du cabotage européen mais frontière médiévale, n’est guère développé. De 1590 à 1598, don Juan del Aquila l’intègre au chapelet de forteresses stratégiques qui garantissent la prépondérance planétaire de la monarchie ibérique universelle. De ce château venu d’Espagne, Louis XIII fait une citadelle et, en 1618, lui donne son nom : le Port-Louis. Charles de La Porte, duc de La Meilleraye, cousin de Richelieu, pilier de l’entourage du roi, d’Anne d’Autriche et de Mazarin, se lance en 1654, comme gouverneur de Nantes et du Port-Louis, dans les armements vers Madagascar. Son fils Armand Charles reprend le nom et l’immense fortune du cardinal. En 1661, Louis XIV prend le pouvoir et Colbert renouvelle l’association des Grands au système fisco-financier qui remplit les caisses de l’État. Le commerce d’Asie, par son prestige et par la maîtrise des flux internationaux de l’argent, devient un enjeu majeur de pouvoir et de prospérité. Ils se liguent en 1665 à Armand Charles, duc de Mazarin, lieutenant général de Bretagne, gouverneur de Quimperlé, Hennebont et Port-Louis, pour trouver son port à la compagnie. Si l’enquête de Colbert du Terron laisse les marins circonspects, Colbert de Croissy s’assure de l’exploitation des compétences et des ressources locales, avec l’aval des états de Bretagne. Exclue des ports du grand commerce, inquiets devant la révolution juridique et fi scale qui accompagne son monopole, la Compagnie des Indes transforme un territoire du vide en espace privilégié de la mondialisation. La déclaration de juin 1666  officialise son établissement au Port-Louis et au « Feaudik » pour la construction et le « rendez-vous général de ses vaisseaux ». Experts du domaine royal, les juges de la sénéchaussée en revendiquent les terres vaines et vagues, mais trouvent à qui parler en la personne du prince de Rohan-Guémené. La mise en chantier du navire le Soleil d’Orient donne son nom au lieu. Tout reste à faire : la paroisse en 1709, la communauté de ville en 1738, la commune en 1790. Le ménage à trois des villes du Blavet reproduit la répartition des tâches entre le maître et ses serviteurs : au Port-Louis, la puissance et la gloire du roi de guerre ; au Faouédic, les excellences technocratiques et industrielles du ministre ; à Hennebont, les fruits du terroir et de la justice. Régentée par une autorité unique, l’embouchure du Scorff devient la rade de Lorient.

 

René Estienne
archiviste paléographe
conservateur général du patrimoine
Service historique de la Défense

 

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Source: Commemorations Collection 2016

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