Page d'histoire : Fondation de l'Alliance israélite universelle Paris, 17 mai 1860

Jeunes Marocaines dansant à Mogador (futur Essaouira), le 16 juin 1935 pour le 75e anniversaire de l’Alliance
Bibliothèque de l’Alliance Israélite Universelle

1860-2010, 150 ans d’une institution créée à Paris par dix-sept Français israélites parmi lesquels l’homme d’affaires Charles Netter, le poète Eugène Manuel, l’avocat Narcisse Leven, le rabbin Aristide Astruc et l’homme politique Adolphe Crémieux. Influencés par le mouvement des Lumières et les idéaux de la Révolution française qui a émancipé les juifs, leur objectif est de « lutter contre la haine et les préjugés » et de « faire enfin que la culture supplante l’ignorance de quelques fanatiques, pour le bien de tous ».

Aux yeux des dirigeants de l’Alliance, l’accès à la culture est une condition nécessaire à l’émancipation des juifs. Des écoles, vecteurs de la culture et de la langue françaises, sont fondées tout autour de la Méditerranée et dans les Balkans à partir de 1862. Du Maroc à la Turquie, de la Palestine à la Bulgarie, des générations de jeunes garçons, et pour la première fois de jeunes filles, acquièrent un savoir qui leur permet de sortir de leur condition de dominés en terre d’islam. Rivales ou complémentaires des écoles des missions françaises, catholiques ou laïques, inspiratrices de l’Alliance française, les écoles de l’Alliance israélite universelle s’étendent sous l’impulsion d’un corps de missionnaires formés à l’École normale israélite orientale, que le philosophe Emmanuel Levinas dirige après 1945. Les instituteurs s’emploient également à endiguer la misère et à lutter contre l’antisémitisme.

Après la rupture de la Deuxième Guerre mondiale, il s’agit de reconstruire, ce à quoi s’attelle René Cassin, nommé président de l’Alliance par le général de Gaulle en 1943. La décolonisation et le conflit israélo-arabe forcent l’Alliance à fermer de nombreuses écoles au Moyen-Orient et en Afrique du Nord mais celle-ci maintient une forte présence dans des pays comme le Maroc, l’Iran et Israël.

Marquée par la personnalité de son président, prix Nobel de la Paix, elle œuvre en faveur des droits de l’homme tout en recentrant une partie de ses activités sur la France. L’Alliance contribue à la diffusion de la culture juive à travers ses publications, dont les revues Paix et Droit ou Les Nouveaux Cahiers et aujourd’hui Les Cahiers du judaïsme. Le Collège des études juives initie depuis 1989 le public cultivé, juif ou non, aux études sur les textes fondateurs de la tradition juive. La bibliothèque offre, au cœur d’un réseau international, la plus grande ressource européenne en matière de documentation juive, gardienne d’un trésor qui resitue le patrimoine juif au sein du patrimoine national. L’Alliance dirige directement en France trois écoles juives regroupant 1 500 élèves.

Aujourd’hui, cent cinquante ans après sa création, des écoles sont aussi présentes en Israël, au Maroc, au Canada et de nouveaux établissements voient le jour en France et aux États-Unis, attirés par les leçons de tolérance véhiculées par l’Alliance. En effet, partout l’Alliance œuvre en faveur d’un vivre ensemble entre religieux et non religieux, juifs et non juifs, en développant la francophonie et l’étude des textes hébraïques respectant ainsi la pensée de ses fondateurs.

Simone Veil
de l’Académie française
ancien Ministre d’État

Source: Commemorations Collection 2010

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