Article : L'héraldique
Conçus à l'origine (sans doute à partir du XIIe siècle), pour identifier les combattants pendant la bataille, les motifs portés sur les écus sont rapidement devenus les emblèmes d'individus ou de familles ; ils prennent le nom d'armoiries ou armes.
Lors des tournois, ces armes permettent aux Hérauts d'armes d'identifier et d'annoncer le nom des adversaires. Elles sont compilées dans un catalogue illustré appelé armorial.
Il devient vite nécessaire de savoir décrire les armoiries de façon précise : c'est la science de l'héraldique. Elle veille au respect des règles de création des blasons et en assure la description à l'aide d'un vocabulaire spécifique.
Aujourd'hui encore, des communes, des régions et des particuliers créent leurs blasons.
S'initier à l'héraldique
L'héraldique est une science complexe. Voici une sélection de quelques notions pour en découvrir les bases.
Forme du blason
Le blason français représente un écu, c'est-à-dire un bouclier. La partie inférieure, légèrement effilée vers le bas, se nomme la « pointe » ; la partie supérieure, la plus large, est appelée le « chef », c'est-à-dire la tête.
Les blasons des femmes et des « filles » (célibataires) sont souvent en forme de losange.
Gauche et droite
Le langage des blasons utilise « dextre » pour désigner la droite et « senestre » pour désigner la gauche.
Pour le chevalier qui porte l'écu, la gauche est bien à gauche. Mais, pour celui qui le regarde et se trouve en face de lui, c'est l'inverse : le côté gauche de l'écu est à sa droite.
Dans une description de blason, on se place du point de vue du spectateur : « senestre » signifie donc « du côté droit » !
Partitions de base
Le blason peut se diviser, comme si il avait reçu un coup d'épée. Ces divisions, les plus fréquentes et les plus simples, sont appelées les partitions de base.
- coup donné dans le sens vertical : le blason est dit « parti »
- coup donné dans le sens horizontal : le blason est dit « coupé »
- coup donné de droite à gauche : le blason est dit « taillé »
- coup donné de gauche à droite : le blason est dit « tranché »
Brisures
Pour désigner la branche cadette ou la branche bâtarde d'une famille, on modifie le blason d'origine.
Par exemple, au Moyen-Âge, les ducs de Bourbon sont apparentés aux rois de France mais ils n'appartiennent pas à la famille régnante : une bande de gueules (rouge) apposée en travers du blason de France, permet de les identifier.
Les couleurs
L'héraldique utilise principalement six couleurs, rassemblées en trois groupes : les émaux, les métaux et les fourrures.
Les émaux
- rouge, dit « gueules » en terme héraldique
- bleu, dit « azur » en terme héraldique
- vert, dit « sinople » en terme héraldique
- noir, dit « sable » en terme héraldique
Les métaux
- jaune, dit « or » en terme héraldique
- blanc, dit « argent » en terme héraldique
Les fourrures
- Hermine : ce terme désigne la fourrure hivernale de l'hermine.
- Vair : ce terme désigne des clochettes.
D'autres couleurs sont également utilisées :
- carnation (couleur de la chair) ;
- pourpre ;
- orangé ;
- tanné (brun-orangé comme du cuir).
Règle de contrariété des couleurs
- Émaux : les émaux ne peuvent pas être directement superposés ou juxtaposés entre eux. Il convient d'alterner un émail et métal.
- Métaux : les métaux ne peuvent pas être directement superposés ou juxtaposés entre eux. Il convient d'alterner un émail et métal.
- Les fourrures échappent à cette règle.
Notons que les exceptions à cette régle sont assez fréquentes : dans ce cas, les armes fautives sont tolérées, mais sont appelées armes à enquerre.
Meubles
Pour personnaliser son blason, on utilise des figures appelées meubles, qui en effet « meublent » l'espace. Elles recouvrent les domaines les plus variés, parmi lesquels :
Animaux
Objets de la vie courante
Navires
Armes parlantes et jeux de mots
Certains blasons jouent sur les mots entre leur patronyme et le meuble représenté : l'image à elle-seule suffit à comprendre le nom de famille, elle est « parlante ».
D'autres blasons sont des rébus.
Les meubles et les couleurs sont chargés d'une signification symbolique : courage, loyauté, fidélité, etc. En les combinant, le créateur du blason exprime son caractère, ses qualités et ses valeurs.
Le langage héraldique
Afin de décrire le blason, on utilise un vocabulaire très spécifique et très précis ; il constitue une sorte de langage codé, parsemé de faux-amis !
Quelques exemples :
- "Essorant" ne signifie pas "essorer", faire sortir l'eau d'un linge, mais "prendre son essor", c'est-à-dire, s'envoler comme un oiseau.
- "Plain", c'est vide ! Ce terme désigne un blason monochrome.
- Lion ou léopard ? De profil et debout, c'est un lion ; Si il nous regarde et se tient sur ses pattes, c'est un léopard.
Les armoriaux
Les Hérauts d'armes doivent savoir identifier les adversaires lors des tournois, rapidement et sans commettre d'erreur : les blasons, légendés de l'identité de leur détenteur, sont compilés dans un catalogue illustré appelé armorial. Les armoriaux deviennent rapidement des objets artistiques luxueux.
Certains armoriaux présentent également les blasons imaginaires de héros légendaires, tels les "neufs Preux" (Alexandre le Grand, Charlemagne, Jules César, etc.) et les "neufs Preuses" (Penthésilée, sainte Hélène, etc.).
L'armorial Le Breton
L'Armorial dit "Le Breton" tire son nom du propriétaire l'ayant fait relier à ses armes, Hector Le Breton, sieur de la Doinneterie, héraut d'armes de France au titre de Montjoie (1615-1642). Il a ensuite appartenu à la collection du comte Henri Chandon de Briailles et est parfois qualifié d'armorial "Montjoie-Chandon".
Conservé aux Archives nationales à Paris sous la cote AE/I/25/6, il est consultable sur la base ARCHIM
Le Grand armorial équestre de la Toison d'or (1430-1461)
De la création de l'ordre de la Toison d'or est issue le Grand armorial équestre de la Toison d'Or, conservé par la Bibliothèque de l'Arsenal, sous la cote manuscrit BNF Arsenal 4790.
Peint à la gouache sur papier aux environs des années 1435-1440, il recense environ 950 armories de familles ou d'individus provenant de toute l'Europe et 79 portraits équestres.
L'armorial général de France de Charles d'Hozier (1696-1700)
En novembre 1696, Louis XIV enjoint de dresser un armorial pour tout le royaume de France et nomme Charles d'Hozier, garde général de l'Armorial général de France.
L'enregistrement des armoiries assure l'exclusivité de la propriété.
Regroupés par province d'Ancien Régime, les blasons sont scindés en deux collections : les volumes des blasons peints (125 807 blasons) et les volumes contenant le texte de leur description héraldique.
Les volumes des blasons sont conservés à la Bibliothèque nationale de France et sont consultables sur Gallica.
Ressources aux Archives départementales
La richesse et la popularité des blasons et de l'héraldique ont conduit les services d'archives départementales à développer les activités destinées à plusieurs publics, tels que les communes, les chercheurs et les scolaires.
Voici quelques exemples, non exhaustifs.
Les blasons des communes
Les services d'archives départementales conseillent les communes qui désirent créer leur blason ; beaucoup mettent à disposition des bases de données permettant de connaître et identifier les blasons des communes de leur département.
- Archives de l'Aude : Armorial des communes du département de l’Aude
- Archives de la Haute-Vienne : projet d'armoiries municipales
- Archives de la Loire : base de données des blasons des communes de la Loire créées par la Commission nationale d'héraldique
- Archives du Loiret : Le Conseil départemental d’héraldique urbaine du Loiret (CDHU) a été créé en 1995 sous l’égide du Conseil général et rattaché aux Archives départementales, qui en assurent le fonctionnement administratif et technique.
- Archives du Pas-de-Calais : armoiries de communes
Les armoriaux et nobiliaires
Les services d'archives départementales conservent des armoriaux ou des nobiliaires, sources indispensables à l'histoire locale.
Archives de l'Aube
Le service offre une base de donnée de 1000 images d'armoiries issues de « La Recherche de la noblesse de Champagne », publiée en 1673 par Louis-François de Caumartin, intendant de Champagne. Les éditions utilisées sont conservées aux Archives départementales de l’Aube et à la Bibliothèque municipale de Troyes.
Archives de la Côte-d'Or
Sous la cote 2 F 360 est conservé l'Armorial de la confrérie Saint-Georges de la noblesse de Bourgogne après 1582. Cet armorial rétrospectif de la noblesse comtoise compile les armoiries des membres de la confrérie depuis sa création au début du XVe siècle (quand comté et duché étaient réunis). Le dessin à l’encre des armoiries, très raffiné et d’une facture typique de l’Empire, est rehaussé d’aquarelle. De 1572 à 1582, les armes des confrères sont accompagnées des armoiries de leurs quatre quartiers.
La dernière page représente la généalogie armoriée de la famille Merceret, depuis le XIVè siècle jusqu'à 1630 environ ; son blason est d’or à deux papegais adossés de sinople, becqués, colletés et membrés de gueules.
Archives du Finistère
Le fonds de l'ADREC (Association des amis du centre de documentation et de recherche celtique de Brest) contient l'Armorial de Bretagne, sous la cote 205 J 11 : il est composé de 10 cahiers non datés, emplis de notes manuscrites, présenté par famille, avec reproduction des armoiries.
Archives de la Gironde
Parmi les fonds d'archives privées, quelques pièces remarquables sont conservées : fonds Arlot de Saint-Saud, Fonds Roborel de Climens (4 J 523). Parmi les archives publiques, notons les titres de familles (2 E).
Archives du Maine et Loire
Armorial de l'Anjou, attribué à Joseph Denais, 1 J 4125.
Archives de la Marne
Armorial des familles nobles de Champagne, Potier de Courcy, J 5560.
Archives de la Nièvre
L'Histoire des sires d'Asnois, un précieux outil pour l'histoire du Nivernais et de son ancienne noblesse, comporte de nombreux écussons coloriés aux armoiries des personnages dénommés et de leurs alliances ; accessible en ligne, le formulaire de recherche dédié permet d'effectuer une recherche par famille.
Les ateliers pédagogiques
Les équipes pédagogiques organisent des ateliers de créations de blasons et d'initiation à l'héraldique et rédigent des brochures de vulgarisation.
- Archives des Alpes de Haute-Provence : le service éducatif propose un atelier pédagogique proposé dans le cadre scolaire et adaptable de la maternelle au lycée. Après un rappel historique permettant d'introduire l'origine des armoiries, les élèves apprennent les règles du blason et leur description, avant de réaliser eux-mêmes leur blason.
- Archives de la Corrèze : le service éducatif propose à travers le dossier "De gueules et d'or, dossier pédagogique, s.d, 11 p.", un atelier pédagogique, de démocratiser l'accès à cette véritable "science" et d'en donner quelques clés d'entrée et d'interprétation. Au travers d'une sélection de sceaux reproduits sous forme de moulages ou de photographies, les élèves bénéficient d'une initiation à la sigillographie, avant de réaliser leur sceau.
- Archives de Dordogne : l'atelier « à chacun son blason » permet de découvrir les notions d'armoiries et d'héraldique et de créer ses propres armoiries en respectant les règles fondamentales du blason. Cette approche d'un élément important de la société médiévale permet en outre d'étudier, à partir d'exemples illustrés, comment son usage s'est perpétué jusqu'à nos jours.
- Archives de la Gironde : pour intéresser les scolaires à la science des armoiries, les Archives de la Gironde proposent aux enseignants des cycle 3 et 4, une mallette pédagogique composée d'outils référents et ludiques. Les cahiers « professeur » et « élève » constituent la partie cours, accompagnée d'une mini exposition, de jeux (quiz, jeu de société « Devine mes armoiries ») et d'un atelier de dessin.
- Archives du Nord : depuis 2011, le service éducatif est sollicité par l’Ecole de la 2ème Chance (e2c) - Grand Lille pour animer un atelier d’héraldique.
- Archives du Pas-de-Calais : le service éducatif propose une malette virtuelle à destination des enseignants et des élèves et organise un atelier, De sinople et d’or. A travers un quizz qui valide le cours d’héraldique, les élèves peuvent ainsi découvrir l’héraldique de façon ludique. Le cahier du professeur sous format pdf reprend les mêmes notions d’héraldique et peut servir de support à l’enseignant.
- Archives du Tarn : parmi les dossiers pédagogiques accessibles en ligne figure le manuel suivant : L'héraldique, 2016, 67 p.
- Archives de Lyon : le service propose un atelier pour le cycle 2, dont une version animée est disponible à distance afin que les enseignants puissent le prendre en main en toute autonomie.
Publications et expositions
Les services d'archives valorisent leurs collections au travers de publications et d'expositions virtuelles :
- Archives départementales de l'Yonne : En quête d'identité : l'art du blason dans le patrimoine icaunais.
- Archives de l'Allier : Héraldique, art et histoire.
Bibliographie
- Claire Boudreau, L’héritage symbolique des hérauts d’armes : dictionnaire encyclopédique de l’enseignement du blason ancien (XIV-XVIe siècle), Paris, Le Léopard d’or, 2006, 1592 p.
- Michel Pastoureau, Traité d'héraldique, Picard, 1979, 368 p.
- Commission nationale d'héraldique, Vade-mecum, 2014, 10 pages.
Pour aller plus loin
Commission nationale d'héraldique