Article : Les dons et legs de documents d'archives

Projet d’armoiries des familles de Keroüartz et de Quélen,
fonds Keroüartz, don contre rescrit fiscal, 2014, 85 J

Définitions

Les dons, legs et donations constituent ce que l’on appelle des « libéralités », dispositions gratuites par lesquelles une personne majeure consent à une autre un avantage sans contrepartie.

Ces libéralités sont naturellement encadrées, afin de préserver la part patrimoniale des ayant-droits : elles ne peuvent donc dépasser la quotité disponible dont dispose l’auteur du don ou du legs. Elles peuvent être assorties de charges et conditions voulues par le donateur ou testateur (également appelé « gratifiant »), concernant l’usage du bien cédé, sa localisation, les modalités de conservation, etc.

Les donations entre vifs peuvent aussi bénéficier à des services publics d’archives (sous réserve d‘usufruit ou non). Ces libéralités peuvent être pratiquées sans contrepartie aucune de la part du bénéficiaire, soit s’inscrire dans une démarche de mécénat.

Ne peuvent faire l’objet de ce type de libéralité que des documents dont la propriété a été préalablement dûment établie et avérée – devant notaire dans le cas notamment des donations.

Donation entre vifs

Contrat passé obligatoirement devant notaire, par lequel un donateur cède immédiatement, gratuitement et de manière définitive un bien lui appartenant, à une personne consentante.

Transfert de propriété (donation et acceptation) effectué du vivant du donateur, sous réserve d’usufruit le cas échéant, il n’induit pas la cession des droits d’auteur potentiellement attachés au fonds cédé.

Pour la donation de biens à haute valeur historique ou artistique à l’État, il peut y avoir exonération des droits de mutation.
Irrévocabilité avec 3 exceptions : non-respect des conditions fixées initialement, ingratitude du donataire, survenue d’enfants.

Don manuel

Procédure de remise directe d’objets ou d’argent caractérisée par l’absence quasi-totale de formalisme (sans acte authentique) : seule la possession effective vaut titre. Afin de sécuriser néanmoins la réalité de ce don, il est préférable d’échanger lettre d’intention de don et lettre d’acceptation de don, suivies d’une lettre de remerciement actant l’entrée du don dans les collections publiques avec un numéro d’enregistrement, voire un récolement sommaire/inventaire. Irrévocable (sauf preuve d’irrecevabilité ou d’absence de don).

Il est aussi possible d’établir un écrit appelé « pacte joint » constatant la remise du bien et comportant des conditions (charges pour le donataire ou réserve d’usufruit) ou explicitant les droits patrimoniaux attachés éventuellement aux biens donnés.

Un don manuel consenti à un organisme d'intérêt général est totalement exonéré des droits de mutation, sauf si la donation est assortie de conditions.

Sur la part nette de tout héritier, donataire ou légataire servant au calcul des droits de succession, il est institué un abattement égal au montant des dons consentis à certains organismes d'intérêt général, à l'État, aux collectivités territoriales ou leurs établissements publics. L'abattement concerne toutes les successions, quelle que soit la nature des biens qui la compose (meubles ou immeubles).

Il convient de préciser que : pour les dons effectués au profit d'une association reconnue d'utilité publique, de l'État, des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics, seuls sont pris en compte les dons de sommes d'argent ; pour les dons effectués au profit d'une fondation reconnue d'utilité publique, l'héritier a la possibilité, soit de verser une somme d'argent, soit de réaliser une libéralité en nature (ex. : don d'une collection d'œuvres d'art, d'un immeuble de rapport, etc.)... Ces dons doivent être effectués à titre définitif et en pleine propriété dans les six mois qui suivent le décès. S'agissant de dons en nature, l'appréciation de la valeur du bien est laissée à la charge du donateur.

Legs

Il s’agit d’une disposition contenue dans un testament, par laquelle le testateur lègue à un légataire tout ou partie de ses biens à son décès.

Il y a trois types de legs :

  • universel : sur l’intégralité des biens
  • à titre universel : sur une quote-part des biens
  • à titre particulier : sur un ou plusieurs biens

qui peuvent figurer dans trois formes de testaments : olographe (écrit en entier, daté et signé par le testateur), par acte public (reçu par notaire) ou mystique (présenté clos, cacheté et scellé au notaire).

Révocable à tout moment jusqu’à la mort du testateur, et rendu également caduc par la disparition du bien.

Il s’agit d’une disposition testamentaire prise par un particulier souhaitant à son décès donner tout ou partie de son patrimoine (article 795-2 du CGI). La loi française définit une part d’héritage, dite part réservataire, qui revient de droit aux héritiers en ligne directe (enfants ou à défaut collatéraux) : cette part varie selon le nombre d’enfants. En vertu de l’article 1131 du code général des impôts, toute somme ou œuvre léguée est également exonérée de droits de mutation, c'est-à-dire que les héritiers ne paient aucun droit de succession sur les biens légués.

Le bénéficiaire du legs peut refuser l’offre en totalité ou en partie – sauf clause contraire dans le testament imposant que la collection ne soit pas dispersée.

Acteurs

Toute personne physique majeure et capable (au sens juridique) peut effectuer un don ou un legs – avec les réserves exprimées plus haut-, à une personne morale de droit public (État ou collectivité territoriale). Selon que le bénéficiaire est l’État ou une collectivité territoriale, les modalités concrètes d’acceptation peuvent varier.

Politique de don, legs ou donation

Toute personne peut faire un don, legs ou une donation d’archives dans un service qui n’a pas nécessairement de relation de proximité (géographique, intellectuelle) avec le fonds cédé : il n’en demeure pas moins qu’il est toujours plus pertinent de confier des documents à un service dont les collections ont une thématique complémentaire ou permettant d’éclairer utilement le fonds donné ou légué, plutôt qu’à un service jugé plus prestigieux peut-être, mais où les documents auront moins de visibilité et donc d’occasions d’être exploités et connus des chercheurs comme du grand public.

À noter que si les charges et conditions excédent la capacité du service bénéficiaire, ou sont incompatibles avec sa mission de service public, ou encore que le(s) document(s) proposé(s) ne corresponde(nt) pas aux critères d’acquisition du service, il n’y a pas d’obligation pour celui-ci de répondre favorablement à la proposition.

Quelle formule privilégier ? Pour les donations importantes dans des conditions complexes (succession difficiles ou indivisions), une donation par acte notarié est préférable.

Pour les autres catégories de documents (pièces sans valeur marchande élevée) ou dans un contexte juridique non problématique (propriétaire unique), le don manuel reste envisageable.

Exemples

  • Papiers Joseph de Maistre (entrés par donation aux Archives départementales de la Savoie en 1995)
  • Archives de Simone Veil (2e supplément) en 2014
  • Nombreux fonds d’archives d’architectes entrés au Centre des archives d’architecture du XXe siècle (Cité de l’architecture et du patrimoine) : André Aujame (2006), Lucien Bechman, Georges-Henri Pingusson, Bernard Zehrfuss, entre autres...

Textes de référence

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