Document d'archives : Chapitre XXXVII - Travaux publics

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Plus haut, en traitant du chapitre VII, j'ai, en parlant du contenu des registres des délibérations des Élus, esquissé à grands traits les origines de ce service, l'un des plus considérables sans contredit de ceux confiés aux Etats, et les développements successifs qu'il prit sous leur administration. Je n'y reviendrai donc ici que pour faire ressortir certains faits saillants, échappés à cette première analyse. L'initiative des États en matière de travaux publics fut des plus modestes. Leur rôle se bornait dans le principe à imposer les fonds. Ce ne fut que plus tard, après de longues luttes avec le Bureau des finances, qu'ils conquirent le droit d'en surveiller l'emploi et de diriger les travaux. Une fois en possession de cette prérogative (C 3810 et suite), ils y appliquèrent cet esprit de suite, cette largeur de vue et ce caractère de grandeur qu'on retrouve dans toutes leurs entreprises. Leur premier soin fut d'édicter des règlements dans le but de mettre fin aux monopoles qui se pratiquaient lors des délivrances, d'assurer la bonne exécution des travaux et le paiement des entrepreneurs. En ce qui concerne ces derniers, au lieu de favoriser la concurrence sans limites qui expose encore aujourd'hui à bien des mécomptes, les Élus, qui étaient gens d'expérience, tournèrent la difficulté en autorisant la formation, sur différents points du territoire, des compagnies recrutées parmi les ouvriers les plus intelligents, offrant les meilleures garanties et qui seuls étaient autorisés à soumissionner les travaux (C 3722-3860).
1. Bâtiments. — Cantonnés au début dans une petite maison attenant au Bureau des finances
Rue du Palais.
(C 3723), les Élus en sortirent en 1681 pour s'installer au Logis même du Roi. J'ai montré
Ci-dessus, chapitre VII.
comment, avec les développements inouïs que prirent les différents services dont ils étaient chargés, les États finirent par envahir l'édifice en le transformant presque tout entier. Les pièces relatives au Palais des États sont contenues dans les articles C 3724-3761 (1682-1790).
Mais en même temps qu'ils édifiaient leur somptueuse résidence, les États ne se désintéressaient point des autres édifices de la province. Ils avaient déjà contribué en 1572, à la construction de la salle des Pas-Perdus du Palais de justice. Ils s'imposaient, en 1614 et 1636, pour celle de la Table de Marbre et de la Chambre des Enquêtes (C 3762 [1572-1789]). Ils aidaient la Chambre des comptes dans ses projets d'agrandissement et contribuaient pour de fortes sommes à la réédification des prisons (C 3762). Ils dédommageaient les officiers des monnaies qu'ils avaient évincés du Logis du Roi en leur affectant un hôtel. Enfin, en 1781, ils acquéraient au nom de la province le magnifique hôtel Bouhier, pour en faire la demeure de l'intendant (C 3763-3770).
Dès le commencement du XVIIe siècle, on les voit prendre à leur charge la reconstruction de tous les auditoires des bailliages et des prisons. Si la ville de Dijon s'enorgueillit à juste titre de la place d'Armes qui s'étend devant son hôtel de ville, elle le doit à la résolution des Etats d'y élever une statue équestre de Louis XIV, qui la décora jusqu'en 1792 (C 3776-3797) ; et comme tout se lie, l'ouverture de la rue Condé fut déterminée par les difficultés d'amener cette statue à destination, en suivant les anciennes voies. Vers le même temps les Elus donnaient aux villes d'Autun et de Chalon le moyen d'ouvrir aussi de nouvelles places, à celles d'Auxonne et de Saulieu la possibilité de reconstruire les halles et, soucieux de la santé publique, ils restauraient à grands frais les anciens Thermes de Bourbon-Lancy (C 3798-3806).
Immédiatement après les dossiers concernant le riche mobilier du Palais des Etats (3807) et l'architecte de la province (C 3808), figurent les pièces relatives aux vaisseaux offerts au roi par les États (C 3809).
En 1761, à la suite des guerres désastreuses qui avaient anéanti notre marine, le ministre Choiseul fit suggérer aux États de Languedoc la pensée d'offrir un vaisseau au roi. Le prince de Condé, gouverneur de Bourgogne, aussitôt informé, ne voulut point que cette province restât étrangère à une manifestation qui, du reste, trouvait de l'écho partout. Avisés par lui, les Élus, en l'absence des États, votèrent une somme de 700.000 livres destinée à la construction d'un vaisseau de 80 canons, lequel reçut le nom de La Bourgogne.
Lors des guerres de l'indépendance américaine, ce vaisseau, commandé par M. de Charité, se trouva engagé dans cette terrible bataille du 12 avril 1782, où succomba le comte de Grasse. Son capitaine « déploya la plus haute valeur et ne quitta le combat qu'à la nuit ». Aussi sa conduite inspira-t-elle tant d'estime et d'admiration aux amiraux anglais Bodney et Hood qu'ils chargèrent un officier prisonnier d'aller offrir leurs compliments au brave capitaine du vaisseau noir. Les États de Bourgogne, rassemblés en 1784, voulurent aussi s'associer à ces manifestations si honorables pour celui qui en était l'objet. Un décret du 6 août chargea les Élus de faire à M. de Charité « leurs compliments pour la gloire du vaisseau La Bourgogne, acquise sous ses ordres », et le maréchal de Castries, ministre de la Guerre, prescrivit de son côté l'insertion du décret dans la Gazette de France.
Mais déjà, à la nouvelle du désastre du comte de Grasse, les Élus, alors à Paris pour le voyage d'honneur, ne voulurent point cette fois se laisser devancer dans leurs témoignages de patriotisme et de sympathie « pour une cause que S. M. défendait depuis 5 ans avec autant de force que de noblesse ». Béunis chez le prince de Condé, ils offrirent au roi la somme d'un million pour la construction d'un vaisseau du premier rang, qui devait se nommer les États de Bourgogne ; Louis XVI agréa le don en personne, et le vaisseau fut mis sur le chantier en 1786.
2. Ponts et Chaussées. — Après les édits et les arrêts du conseil qui, à la suite de longs débats, assurèrent aux Élus des États « la régie, la police et la juridiction des Ponts et Chaussées » dans toute la province (3810- 3811 [1650-1786]), et les ordonnances des Élus rendues en conséquence des nouveaux pouvoirs qui leur étaient attribués, figurent les dossiers des impositions et des autres ressources, au moyen desquels les Élus assuraient ce service (C 3812-3821 [1611-1664]).
Viennent ensuite, les pièces relatives au personnel, dont j'ai tracé l'historique au chapitre VII. Au moment de la Révolution, ce personnel très nombreux avait à sa tête un ingénieur éminent, Émiland Gauthey, qui créa le canal du Charollais, commença ceux de Bourgogne et de Franche-Comté, et pour les services duquel les États, à plusieurs reprises, demandèrent des lettres de noblesse et la croix de Saint Michel (C 3824-3832 [1682-1790]).
A la suite de l'édit de 1785, qui conférait définitivement aux Élus l'administration pleine et entière des Ponts et Chaussées, le nombre des affaires, les canaux aidant, devint si considérable qu'on dut en constituer un service tout-à fait distinct. Il eut ses registres des délibérations particuliers (C 3833-3851 [1785-1790]), sa correspondance (C 3852-3853 [1785-1790]). On y réunit également les délivrances des travaux (C 3863-3873 [1676- 1780]), les indemnités de terrains, les concessions d'anciens chemins, dossiers utiles à consulter pour l'histoire de la voirie bourguignonne.
A cette catégorie des affaires générales du service des routes appartient ce qui reste d'un atlas général des cartes de toutes les routes de la province, exécuté par les ingénieurs en vertu d'un décret des États de l'année 1759, atlas malheureusement scindé et dispersé en 1790, lors de la formation des départements. J'en ai reconstitué les débris par route, et si incomplet qu'il soit, il offre de précieuses ressources pour l'étude des anciens tracés et de la topographie des localités traversées (C 3882 et 3883).
Les routes créées ou entretenues par les Élus étaient au nombre de 47, non compris le chemin de halage de la Saône qui répondait au n° 48.
Elles n'avaient pas le même degré d'importance. Les n° 1 (d'Auxerre à Mâcon par Chalon), n° 2 (d'Avallon à Gray par Vitteaux et Dijon), n° 12 (de Tonnerre à Dole, par Montbard et Dijon), n° 16 (de Bar-sur-Seine à Marcigny-sur-Loire par Châtillon, Semur, Autun et Digoin), n° 21 (de Chalon à Langres, par Beaune et Dijon), répondaient à nos routes de première classe, les autres aux routes vicinales ou départementales modernes.
Chacune de ces routes forme clans l'inventaire un ou plusieurs dossiers constitués par les devis des ingénieurs, les procès-verbaux de délivrance des travaux de construction ou d'entretien de la chaussée, des ponts, ponceaux, aqueducs et autres ouvrages d'art ; les plantations, l'essartement des forêts traversées, les ordonnances pour le paiement des entrepreneurs. En outre, la plupart de ces dossiers sont accompagnés du plan minute du tracé primitif et de ceux des ouvrages d'art qui y furent construits. Beaucoup sont d'une exécution remarquable. La route n° 19 conserve des « tibériades » du passage de Seurre, levées en 1648 par le peintre Dulorier, et les projets du pont de cette ville dressés par l'ingénieur Gabriel, premier architecte du roi, en 1731 (C 3884-4100 [1612-1790]).
Un arrêt du Conseil d'Etat rendu en 1658 et confirmé en 1781 ayant attribué aux Élus la connaissance des chemins finérots aux réparations desquels ils contribuaient, ils en prirent texte pour étendre sur la petite vicinalité (qu'on me pardonne cette expression moderne) tous les pouvoirs qu'ils avaient sur la grande. S'ils intervenaient pour la réparation des ponts ou des aqueducs, ils exigeaient des communautés qu'elles tinssent leurs chemins en bon état. Puis, quand le réseau des grandes routes fut en voie d'achèvement, ils portèrent leur attention sur celui de ces chemins finérots, le plus souvent très anciens, qui, communs à plusieurs territoires, servaient, comme aujourd'hui nos chemins de grande communication, à relier de grandes artères. Nous avons pu reconstituer les dossiers de près de 100 chemins appartenant à cette catégorie (C 4401-4458 [1654-1790]).
Aux routes et chemins finérots succèdent les rivières flottables et navigables de la province, sur lesquelles les Etats exerçaient aussi un droit de contrôle et de police des plus étendus. De même que pour les routes, chaque cours d'eau forme un ou plusieurs dossiers suivant son importance. On y voit figurer les travaux de curage, de redressement, d'endiguement dont ces rivières furent l'objet, la conversion de plusieurs d'entre elles en rivières flottables ou navigables. Au nombre des pièces intéressantes, on peut citer le procès-verbal de reconnaissance du cours de l'Ouche fait en 1616 par Bradeley, maître des digues du roi, envoyé par Sully, sur les conseils du président Jeannin, pour essayer la canalisation de cette rivière ; les projets de rendre l'Arroux navigable depuis Autun jusqu'à son embouchure clans la Loire ; les travaux de canalisation de la Seille. Quant aux rivières de la Saône et du Doubs, elles sont largement représentées dans cette série de documents par un atlas in-folio du cours de la première, depuis Heuilley jusqu'à Seurre, et par les travaux considérables dont leurs levées et les digues furent constamment l'objet (C 4459-4493 [1693-1790]).
L'entreprise avortée de la canalisation de l'Ouche n'avait point arrêté le président Jeannin. A peine avait- il pris possession de la surintendance des finances qu'il donnait l'ordre à M. de Curey, maître des turcies et levées, de visiter l'étang de Longpendu, d'où partent les rivières de la Dheune et de la Bourbince, et de lui faire un rapport sur la possibilité d'y ouvrir un canal communiquant aux deux mers, 1612 (C 4533). Ces deux projets ne reçurent aucune exécution. La retraite de leur auteur les fit indéfiniment ajourner. Cependant les Etats avaient peu à peu accumulé une somme de 600.000 livres, qu'ils comptaient y consacrer, lorsqu'en 1667, Colbert, qui pourtant avait décidé la création du canal de Languedoc, ne jugeant pas le moment favorable, détermina les Élus à consacrer cette somme, soit au rachat de certains offices, soit à la création de manufactures (C 4500). Toutefois les études continuèrent. Vauban, qu'on retrouve toujours quand il s'agissait d'entreprises utiles au pays, chargea Thomassin, l'un de ses ingénieurs, de reprendre l'étude des différents tracés proposés soit entre la Saône et la Loire, par l'Arroux ou l'étang de Longpendu, soit entre la Saône et la Seine, par l'Ouche et les Tilles, entre la Brenne et l'Ouche, par le seuil de Sombernon, entre l'Ouche et l'Armançon, par le seuil de Pouillv. Thomassin, dans le but de plaire au duc d'Orléans, propriétaire du canal de Briare, insista toute sa vie sur les avantages du tracé par Longpendu (C 4533) ; tandis que les États du duché se montraient plus favorables à un tracé par le centre de la Bourgogne, qu'on jugeait, alors, sinon impraticable, du moins très coûteux. Aussi accueillirent-ils avec transport les projets de l'ingénieur Abeille, lequel avait victorieusement démontré la possibilité du canal par le seuil de Pouilly (C 4500) ; tracé auquel les ingénieurs Gabriel, de Chizy et Perronet donnèrent leur approbation. Seulement, Gabriel ayant estimé la dépense à près de 11 millions, les États, dans l'impuissance de l'entreprendre avec leurs seules ressources (C 4500), durent encore attendre. Enfin, en 1763, l'Académie de Dijon donna pour sujet de prix, une étude sur les canaux de Bourgogne ; Th. Dumorey, ingénieur de la province, remporta le prix (C 4501). La question redevint donc à l'ordre du jour, et cette fois elle reçut une solution. Plusieurs compagnies s'étaient constituées en vue de la construction du canal de Bourgogne ; mais, aucune n'offrant de garanties suffisantes, les États, encouragés par le gouvernement, se décidèrent à l'entreprendre (C 4501). Un arrêt du Conseil, rendu en 1775, prescrivit l'imposition annuelle d'une somme de 600.000 livres pour la construction des canaux de Bourgogne et de Picardie (C 4501). Les Élus se mirent alors résolument à l'œuvre. En ce qui concernait le canal de Bourgogne, le projet d'Abeille fut décidément adopté. Quant à celui du Charollais, l'ingénieur Gauthey, qui s'en était fait le champion avec des modifications dans son parcours, parvint à faire triompher son projet ; il eut la gloire de l'exécuter (C 4533). Là aussi s'était, présentée une compagnie, celle-ci sérieuse, représentée par le comte de Brancion, membre de la Chambre de la noblesse. Mais les États, qui voulaient avoir seuls l'honneur de l'entreprise, obtinrent de le dédommager (C 1534). Ils avaient, dans l'intervalle, fait étudier un projet d'un troisième canal qui mettait la Saône en communication avec le Rhin (C 4558). Ces divers projets reçurent la sanction du gouvernement, qui autorisa l'emprunt de 12 millions, de telle sorte qu'en 1781 le prince de Condé, gouverneur de la province, posait solennellement la première pierre des trois canaux, et les Élus présentaient au roi Louis XVI une magnifique médaille où se lisait cette inscription : Utriusque maris junctio triplex (C 4495).

Cote :

C 3722-3751, 3753-3755, 3757-4559

Inventaire d'archives :

États de Bourgogne

Références bibliographiques :

Bibliographie
Pour la bibliographie, v. ci-dessus, chapitre VII.

Type de document :

Document d'archives

Archives départementales de Côte d'Or

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