Document d'archives : Chapitre V - Décrets des États

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Si, dès l'origine, les États de Bourgogne avaient été ce qu'ils furent plus tard, c'est-à-dire une administration permanente, leurs archives n'accuseraient pas les pertes qu'on y déplore, au double point de vue de notre histoire et de nos institutions provinciales. Ces lacunes concernent surtout le recueil des décrets des États dont il convient ici de faire ressortir l'importance, ainsi que la longue série des délibérations de leurs Élus. Des décrets, il n'existe, pour la période ducale, que les procès-verbaux de l'assemblée tenue en 1475 pour la répartition du don gratuit, accordé l'année précédente au duc Charles, le lendemain de son couronnement. Celle postérieure, ou royale, commence seulement en 1549. On ne possède pour le temps qui s'est écoulé entre les négociations relatives à la réunion du duché à la couronne sous Louis XI et le règne de Henri II, que la célèbre délibération de 1526, par laquelle, se fondant sur le pacte librement consenti en 1177, les États du duché et des comtés, réunis à Dijon, refusèrent d'adhérer au pacte de Madrid, qui livrait la Bourgogne à l'empereur Charles-Quint, et dénièrent à François Ier le droit de disposer d'elle sans sa volonté. Néanmoins, tout décapité que soit ce recueil des décrets, il n'en renferme pas moins une riche moisson de faits aussi intéressants que peu connus. On suit pour ainsi dire pas à pas les efforts incessants du pouvoir royal pour amoindrir les franchises provinciales et y substituer son action directe sur les populations. Au XVIe siècle, sous les derniers Valois, alors que les prodigalités de la cour, plus encore que la guerre, ont vidé les caisses de l'État, que, pour les remplir, on recourt aux édits bursaux et autres moyens d'expédients, les États, quand leurs remontrances ne sont plus écoutées, ne se contentent pas seulement de protester, ils ferment leur bourse et invoquent l'exécution du pacte fondamental de réunion à la couronne. Malheureusement, dans une assemblée composée d'éléments aussi dissemblables, cet accord n'apparaît qu'à de longs intervalles et dans des circonstances excessivement graves. La royauté, qui le sait bien, si elle recule un instant, ne tarde point à revenir à la charge, et finit toujours par arriver à son but. En effet, le clergé, tout en s'apitoyant sur la misère publique, tout en recommandant les économies, ne se décidé jamais à contribuer pour sa part personnelle, dans l'allégement des charges de l'État, que contraint par la nécessité. La noblesse, pourvu qu'on ne touche point à ses privilèges, se montre en général plus sympathique aux souffrances du peuple : elle joint volontiers ses remontrances à celles du tiers-état, en protestant toutefois contre celles des mesures fiscales qui l'atteignent indirectement. Quant au tiers-état, sur qui retombe en définitive tout le faix, ses plaintes contre les deux ordres, et surtout le premier, éclatent parfois avec une énergie de langage qui montre combien l'esprit de la réforme avait fait de progrès même parmi les catholiques. En 1561, notamment, au retour des États d'Orléans, lorsque les députés de la province accusèrent le chiffre de la dette de l'État, qu'on avait déclaré ne monter qu'à 28.000.000, et qui en réalité atteignait 12.000.000, il y eut au sein des États de Bourgogne, appelés à donner leur avis sur les moyens de combler le déficit, des débats d'une violence inouïe. Tandis que le clergé inscrivait en tête de ses remontrances la rigoureuse exécution de l'édit de pacification donné à Romorantin, le maintien du cumul des bénéfices sans obligation de résidence, la nomination des prélats par le clergé, la suppression des bénéfices réservés pour l'instruction publique ; qu'il proposait, pour remplir les coffres du Louvre, la suppression des nouvelles taxes et le retour au régime financier de Louis XII : que, de son côté, la noblesse se refusait à tout nouvel impôt, sans indiquer aucun remède aux désordres des finances, le tiers-état entrait résolument dans le vif de la question et proposait tout d'abord deux moyens, dont le grand Colbert ne se fit pas faute d'user un siècle plus tard : révision générale des comptes « des manieurs de finances » sous les deux derniers règnes et suppression des dons supérieurs à 10.000 livres. Puis, disait-il au roi, le peuple est composé de trois membres : le clergé, la noblesse et le tiers-état. Le premier, depuis sept à huit cents ans, a si bien employé son pouvoir, qu'il possède la moitié du royaume ; donc à lui à contribuer au soulagement de l'État. Il convient, en conséquence, de prélever les deux tiers du produit des bénéfices au-dessus de 300 livres, ce qui n'empêchera pas, ajoute ironiquement le rédacteur de ce cahier, les pauvres d'être sans nourriture et les églises de tomber en ruines. Si cela est encore insuffisant, y réunir les annates destinées au Saint-Siège et la première année du produit des bénéfices vacants. Le cahier termine en demandant l'interdiction de toute nouvelle acquisition aux ecclésiastiques et la défense de tolérer dans leurs domaines la servitude de mainmorte, « chose de tout droit tant divin que humain réprouvée ». C'était juste ; seulement le tiers-état, pour être conséquent, aurait dû étendre la même réprobation à la noblesse et à beaucoup de ses propres membres, sur les terres desquels cette servitude s'exerçait sans le moindre scrupule.En 1563, il y eut plus d'accord dans l'assemblée, grâce aux ruines que les protestants avaient accumulées en Bourgogne. A la nouvelle de la paix d'Amboise, les États, réunis à Dijon sous la présidence de Tavannes, décidèrent le Parlement qui, au fond, ne demandait pas mieux, à suspendre l'enregistrement de l'édit et députèrent en cour des représentants, en tête desquels figurait le conseiller J. Bégat. La harangue qu'il prononça devant le jeune roi et Catherine de Médicis eut, à cette époque, un immense retentissement. Cependant, toute sympathique que se fût montrée la Cour, les circonstances ne permettaient pas de rompre un traité qui mettait fin à la guerre civile, et, au retour de la députation, États et Parlement, qui savaient à quoi s'en tenir sur les réels sentiments de Catherine, s'ils enregistrèrent l'édit, en ajournèrent indéfiniment l'exécution. Une paix conclue sous de tels auspices n'était qu'une trêve. Quatre ans après, les huguenots reprenaient les armes. A partir de cette époque, si on excepte de nos décrets les décisions relatives à la réformation de la Coutume faite à l'avantage unique de la noblesse et des privilégiés ; au rétablissement des justices municipales supprimées par les ordonnances de Moulins et d'Orléans ; aux États de Blois : à quelques rares affaires du pays en dehors de l'impôt, le reste, jusqu'à l'assassinat d'Henri III, est consacré aux deux invasions de reîtres, aux courses des protestants, aux sièges, aux approvisionnements, munitions, garnisons des places fortes et à toutes les dépenses qu'entraîne l'état de guerre
V. Weill (Georges), Les Etats de Bourgogne sous Henri III, dans Mémoires de la société Bourguignonne de géographie et histoire, t. IX (1893), p. 121-148.
. De 1580 à 1597, c'est pis encore ; la guerre religieuse est devenue guerre civile. Les pouvoirs publics, dédoublés en ligueurs et royalistes, se disputent à main armée l'autorité dans la province. Ainsi, tandis que le Parlement et les États royalistes
V. Drouot (H.) et Gros (L.), Recherches sur la Ligue en Bourgogne, II. Matériaux pour servir à l'histoire des Etats Royalistes, dans Revue bourguignonne publiée par l'Université de Dijon, t. XXIV (1914), p. 47-239 (Etudes sur la Réforme et les guerres de religion en Bourgogne, 5e fascicule).
réunis à Semur proclament Henri IV, ceux de la Ligue exaltent à Dijon l'attentat de Saint-Cloud et reconnaissent le cardinal de Bourbon comme souverain. Des deux parts, les actions répondent aux paroles ; l'administration du pays ne consiste plus qu'en emprunts plus forcés que volontaires, en contributions, réquisitions de toute nature que s'arrachent les deux partis pour alimenter une lutte acharnée, dont ces registres recèlent maints épisodes ignorés
V. Drouot (Henri), ouvr. Cité.
. L'entrée d'Henri IV à Dijon, en 1595, mit fin à cette guerre impie, mais non aux misères effroyables qui s'étaient abattues sur la Bourgogne. Le pays était ruiné, tout trafic avait cessé, les populations étaient décimées, les villes réduites aux abois, les campagnes désertes, les terres en friche, et, comme il arrive toujours à la suite de ces catastrophes, la peste et la famine se disputaient ce qui avait survécu. Encore si ces calamités eussent été les dernières ! Malheureusement, pour en finir plus tôt avec la Ligue, un pont d'or avait été fait à ses chefs : il fallait, de plus, entretenir l'armée qui venait de chasser l'Espagnol, et les garnisons des places fortes destinées à assurer la tranquillité intérieure. Et comme les coffres de l'État étaient vides, on obligeait encore la province épuisée à se saigner pour y pourvoir. Aussi, plus que toute autre, aspirait-elle à la paix qui devait mettre fin à ses maux ; et, si paternel que fût le gouvernement d'Henri IV à la mort de ce prince, bien des plaies n'étaient point cicatrisées. De 1595 à 1660, les décrets des États ne renferment plus, en faits intéressant l'histoire générale ou provinciale, que les négociations pour la réunion de la Bresse à la généralité de Bourgogne ; l'opposition formée à l'enregistrement de l'édit de Nantes ; la demande du rappel des jésuites ; le démantèlement des châteaux et des places fortes. Quant aux États eux-mêmes, leur influence politique est allée en décroissant, tellement que le gouvernement de Richelieu en est venu à agir envers eux comme avec une institution dont on n'a plus rien à redouter. On les convoque à volonté en dehors des époques déterminées ; souvent on se contente de rassembler un certain nombre de députés auxquels on fait adopter une mesure pressée. Puis un beau jour on les supprime d'un trait de plume, sans autre raison que celle du bon plaisir. C'était prématuré, car la révolte du Lanturlu répond à l'édit des élections, et Richelieu, qui sait qu'à Dijon on a crié « Vive l'Empereur ! » consent à ce que la province rachète la liberté de ses États moyennant 1.600.000 fr., outre 100.000 réservés au négociateur, Henri de Bourbon, prince de Condé. Celui-ci n'eut pas lieu de s'en repentir ; le patriotisme des États se montra à la hauteur des circonstances lors de l'invasion des Impériaux en 1636. Leur fidélité ne se démentit point non plus durant les troubles de la Fronde. Ils retrouvèrent en 1650, pour défendre contre la reine les privilèges méconnus, encore un peu de l'énergie de leurs devanciers. Toutefois, si leur rôle politique était fini, du moins abdiquèrent-ils dignement en 1658, en résistant pied à pied aux sollicitations de Mazarin et des ministres, revenus avec la cour à Dijon, lesquels exigeaient un don gratuit d'un million. Ils ne l'accordèrent que sous promesse d'un retrait d'édits bursaux, que le roi allait le lendemain faire enregistrer de force au Parlement au mépris de la foi jurée.
A dater du règne personnel de Louis XIV et jusqu'à la Révolution, le silence se fait au sein des États, comme au Parlement, à la Chambre des comptes, dans les grandes communes, comme en général tout ce qui avait conservé un peu d'indépendance. L'activité de nos députés n'a plus pour s'exercer que des questions de préséance ou d'étiquette ; aussi, dans chaque ordre, quel assaut d'envie, de jalousie et d'exclusivisme ! Peu à peu l'initiative, en matière administrative, finit par leur échapper, en ce sens que, toute proposition de mesure importante émanant le plus souvent de l'Intendance, ce n'est qu'après avoir été discutée dans la Chambre des élus qu'elle est portée aux États, qui n'ont plus qu'à la sanctionner
V. Thomas (A.) ouvr. cité.
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Cote :

C 2996-3028, 3110

Inventaire d'archives :

États de Bourgogne

Type de document :

Document d'archives

Archives départementales de Côte d'Or

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