Document d'archives : Chapitre IX - Voyages d'honneur en Cour, Cahier des remontrances

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Après le vote du don gratuit, l'affaire la plus importante des États consistait dans la rédaction des remontrances, lesquelles étaient présentées au roi, lors de ce qu'on appelait le voyage d'honneur. Les éléments en étaient empruntés d'ordinaire aux délibérations des Élus, aux remarques des alcades ou des conseils de la province. Dans l'année qui suivait celle de la tenue des États, les Élus des trois ordres, le secrétaire en exercice, le trésorier général, et un des procureurs syndics se rendaient en cour sur un avis donné par le prince de Condé, gouverneur de la province, afin de présenter ce cahier au roi et d'en rapporter les réponses. Ce voyage tout d'étiquette avait son programme réglé d'après le cérémonial de la cour. Il fut invariablement suivi jusqu'au dernier jour. On nous permettra d'en retracer ici les détails, comme un souvenir d'un droit précieux de nos anciens États, lequel avait sa raison d'être alors qu'ils pouvaient se faire écouter du souverain, mais qui n'était plus qu'une vaine cérémonie dont on s'efforçait de dissimuler le vide sous beaucoup d'apparat. Les députés arrivés à Paris se rendaient chez le prince de Condé pour lui soumettre le cahier des remontrances, lequel recevait souvent de nombreuses modifications, car comme nous venons de le dire, le temps était passé où les États ne mesuraient pas leur volonté à la même aune que celle du prince. On y conférait aussi des dons et des gratifications qu'il convenait d'offrir aux ministres, à leurs commis, ainsi qu'aux personnes dont la province pouvait s'aider. Toutes ces dépenses étaient couvertes au moyen d'une somme de 90.000 livres votée pour le voyage. Puis avait lieu à Paris ou à Versailles, toujours chez le prince gouverneur, une seconde conférence à laquelle assistait le contrôleur général des finances. On visitait les ministres, puis arrivait le jour de la séance royale. La députation se rendait alors au palais en grand appareil ; l'Élu du clergé en manteau long, celui de la noblesse, le trésorier, le secrétaire dans leurs habits ordinaires, l'élu du tiers-état et le syndic en robes. Reçue par le grand maître des cérémonies, elle était introduite dans l'antichambre du roi où la retrouvaient le prince de Condé et le ministre ayant la Bourgogne dans son département. Ces derniers prenaient la tête et la députation pénétrait dans la chambre royale. Le monarque, entouré de toute la cour, assis dans un fauteuil, le dos tourné à la cheminée, levait le chapeau à l'entrée des députés qui lui étaient présentés par le prince. Puis l'Élu du clergé, les mains dégantées, ayant à sa gauche l'Élu de la noblesse, et un peu en arrière celui du tiers-état, ce dernier à genoux et tenant le cahier, prononçait une harangue qu'il terminait en prenant le cahier qu'il présentait au roi. Celui-ci répondait quelques paroles et remettait les remontrances au ministre en promettant de faire examiner. L'audience finie, la députation était conduite avec le même cérémonial chez la reine, chez le dauphin, la dauphine et les enfants de France. Quand ces derniers étaient à la mamelle ou tenus en lisière par leur gouvernante, celle-ci répondait pour eux à la harangue. La députation reconduisait ensuite le prince de Condé. Puis, dans la soirée, ces messieurs se rendaient en compagnie des dames de considération dans les jardins de Versailles. On faisait jouer les grandes eaux en leur honneur. Les calèches du roi les conduisaient ensuite dans toutes les parties du parc, et on terminait par la visite des Trianons en gondole. Le reste du séjour des députés à Paris ou à Versailles se passait en sollicitations pour les affaires de la province. Au jour fixé pour la réponse du roi aux cahiers, la députation se rendait à l'audience du conseil d'État, présidée par le chancelier et à laquelle assistait le prince gouverneur. La réponse écrite en marge de chacun des articles, on faisait entrer la députation. Le chancelier lui remettait les cahiers, lui expliquait les intentions du roi, puis la députation prenait congé, s'en retournant à Dijon, où elle rapportait, en même temps que les cahiers, le procès-verbal détaillé de tout le voyage. Un siècle à peine s'est écoulé depuis la date du dernier de ces procès-verbaux rédigé en 1785
Cette partie du texte de Joseph Garnier a été publiée en 1879.
et nous sommes déjà si loin de cette époque qu'on ne parcourt pas ces volumes sans un certain étonnement. En effet, à côté de la persistance de coutumes empruntées au Moyen Age, comme par exemple, l'humble attitude imposée au député du tiers-état en présence du roi, on assiste à ces questions d'étiquette et de préséance qui prenaient tant de place dans la vie de nos pères.
Ainsi en 1682, en plein règne de Louis XIV, si le chancelier est ordinairement traité de monseigneur, on lui retire cette qualification lorsqu'il se trouve en présence d'un prince. Si l'abbé de Quincey a usé du même procédé envers Colbert et Louvois, le procès-verbal a soin de dire qu'il l'a fait si bas que personne ne l'a entendu. En revanche, l'abbé a bien soin de prévenir ses collègues, avant la remise des cahiers à l'audience du conseil, que lui et l'élu de la noblesse doivent se couvrir pour recevoir la réponse par la bouche du chancelier et qu'il rie fallait pas l'oublier, les députés des autres provinces d'États en usant de même, etc. Ces remontrances touchaient toutes les branches de l'administration des États. De même encore qu'aujourd'hui, tous les vœux exprimés n'étaient pas exaucés, si justes et si bien fondés qu'ils fussent. Les besoins de l'État ne permettaient pas toujours des dégrèvements, et dans sa tendance à tout uniformiser, le gouvernement se montrait de moins en moins disposé à maintenir des exemptions refusées à des provinces voisines. Néanmoins les États ne se décourageaient point ; ils reproduisaient invariablement les mêmes demandes qu'ils obtenaient parfois de guerre lasse, quand, ce qui arrivait aussi, n'intervenait pas la défense de les reproduire à l'avenir.

Cote :

C 3308-3336

Inventaire d'archives :

États de Bourgogne

Type de document :

Document d'archives

Archives départementales de Côte d'Or

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