Document d'archives : Chapitre XL - Comté et Pays adjacents

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Cinq comtés, nommés pays adjacents du duché de Bourgogne, formaient comme des annexes inséparables des États généraux du duché, mais placés en dehors de leur juridiction immédiate. Deux d'entre eux, l'Auxerrois et le comté de Bar-sur-Seine, maigrement dotés au point de vue politique, n'avaient point de représentation élective pour défendre leurs intérêts. C'étaient des pays d'élection, régis en matière d'impôts par des officiers royaux appelés élus, dont les jugements ressortissaient à la Cour des aides de Paris. Au contraire, les comtés d'Auxonne, de Charollais et de Mâcon, plus favorisés, étaient en possession d'États particuliers, formés de la réunion de députés élus des trois ordres, sur le modèle de ceux de la métropole
V. Billioud, ouvr. cité, p. 348-36.7.
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1. Les Etats du comté d'Auxonne, Terres d'outre-Saône et ressort de Saint-Laurent apparaissent pour la première fois en 1417
V. Moreau (Fr.), La suppression des Étais du comté d'Auxonne et leur réunion aux Étals du duché de Bourgogne. Mémoires de la Société pour l'Histoire du Droit... des anciens pays bourguignons..., 2 (1935), p. 189-194.
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Les trois ordres qui concouraient à sa composition comprenaient : dans l'ordre du clergé, l'abbé du Miroir, les prieurs de la Frette, de Losne, de Louhans, de Moutier-en-Bresse, de Pontailler, de Saint-Laurent, de Saint- Marcel-les-Chalon, de Sermesse et du doyen de Saint-Thomas de Cuiseau ; dans l'ordre de la noblesse, tous les gentilshommes possédant fief clans le comté après leur admission par une commission spéciale ; clans l'ordre du tiers-état, le maire d'Auxonne, élu perpétuel et président de son ordre, les députés des villes et bourgs de Bellevesvre, Chaussin, Cuiseau, Cuisery, Louhans, Pontailler, Saint-Laurent, Saint-Marcel, Sagy, Seurre et Verdun.
Ces États étaient triennaux : ils s'assemblaient clans la Maison du Roi à Auxonne peu de temps avant la convocation des États généraux du duché, sous la présidence du gouverneur de la province ou de son lieutenant, assisté du premier président du Parlement, plus tard de l'intendant et de deux trésoriers de France.
Députés et commissaires étaient défrayés par le comté de nourriture et de logement à Auxonne durant toute la session.
De même qu'aux États du duché, les députés ne délibéraient point en commun ; aussitôt la séance d'ouverture finie, ils se rendaient dans leurs Chambres respectives et, l'ordre des affaires soumises à leurs délibérations épuisé, ils se réunissaient, pour ce qu'on appelait la conférence, à l'effet de sanctionner par un décret les résolutions sur lesquelles on était tombé d'accord.
Aucune personne étrangère aux États n'avait pouvoir d'entrer clans les Chambres : seulement le lieutenant-général du bailliage et le procureur du roi étaient tenus d'assister à la reddition des comptes du receveur, comptes dont la Cour des comptes de Dijon revendiqua, mais toujours en vain, la connaissance.
Le comté d'Auxonne devait supporter la dix-huitième partie de tous les impôts frappés sur la province.
Immédiatement après le vote du don gratuit au roi, les États déléguaient un membre de chaque ordre pour constituer la Chambre des Élus, chargée de répartir l'impôt suivant les commissions émanées des États du duché, d'en assurer la perception, d'administrer le comté, de pourvoir à ses besoins les plus pressants au moyen de ressources ajoutées au principal de l'impôt, enfin, de représenter le comté aux assemblées des États généraux du duché et de prendre part à ses travaux.
Au contraire des nobles qui pouvaient députer indistinctement clans la Chambre des Élus, les membres du clergé ou du tiers-état n'y étaient admis qu'alternativement et suivant un roulement déterminé par l'assemblée elle-même. Ainsi, à Auxonne, les députés du clergé entraient suivant le rang indiqué plus haut ; quant au tiers- état, une délibération prise en 1557 avait ainsi réglé la préséance : le maire d'Auxonne, élu perpétuel, les députés de Louhans, Cuiseau, Verdun, Saint-Laurent, Bellevesvre, Cuisery, Sagy, Pontailler, Chaussin et Seurre.
A l'exemple des Etats généraux du duché, les Élus des États du comté d'Auxonne recevaient aussi les indemnités pécuniaires appelées taxations. Celui du tiers-état était de plus exempt de toute contribution durant sa triennalité.
Longtemps, les États d'Auxonne n'eurent point de receveurs en titre. Ces fonctions incombaient aux députés des communautés suivant un roulement datant aussi de 1557, mais différent du précédent : Sagy, Auxonne, Seurre, Louhans, Cuisery, Saint-Laurent, Bellevesvre, Cuiseau, Chaussin et Pontailler. Enfin, un greffier, assisté de dercs, tenait les écritures et tout le contentieux était renvoyé à un avocat ou à un procureur de Dijon qui prenait le titre de conseil des États et recevait des honoraires.
2. États du comté de Charollais
V. Blin (L.), Note pour servir à l'histoire des Etats de Charolais, dans XIe Congrès de l'Association bourguignonne des Sociétés savantes, Chalon, 1934, p. 45-47. V. aussi Arch. Dép. de Saône-et-Loire, C 452-461.
. Courtépée, dans sa Description du duché de Bourgogne, suppose que les États du Charollais furent contemporains de l'acquisition du comté faite en 1390 par le duc Philippe le Hardi sur les héritiers du comte d'Armagnac. Toutefois, comme les documents les plus anciens que nous possédons sur cette assemblée, ne dépassent pas l'année 1578, il est difficile d'asseoir une opinion certaine.
Quoi qu'il en soit, la constitution de ces États différait peu des précédents. La Chambre du clergé comptait parmi ses membres l'abbé général de Cluny en qualité de doyen du prieuré de Paray-le-Monial, le prieur de la Madeleine de Charolles, le prieur claustral de Paray, les prieurs de Bragny et de Drompvent, le curé et les chanoines de Saint-Nizier de Charolles, le curé et les sociétaires ou mépartistes de Notre-Dame de Paray, de Mont- Saint-Vincent, de Toulon-sur-Arroux, de Gourdon, de Martigny et de Viry
Courte épée ajoute à tort ceux de Vandenesse, qui figurent sur aucun procès-verbaux d'assemblée des Etats.
. La Chambre de la noblesse se recrutait comme celles du duché et d'Auxonne. La Chambre du tiers-état était formée des députés des villes et bourgs inscrits dans cet ordre : Charolles, Paray, Mont-Saint-Vincent, Toulon et Perrecy.
Les États constitués, on procédait à la nomination d'un syndic, toujours choisi au sein du tiers-état, lequel était comme le pouvoir exécutif de l'assemblée et chargé de faire les propositions. Un greffier en titre recevait les délibérations, secondait le syndic pour l'expédition des affaires. De même qu'à Auxonne, il y avait un conseiller pour les affaires contentieuses.
Comme ceux d'Auxonne, les États du Charollais étaient triennaux ; ils s'assemblaient à la même époque, à l'auditoire du bailliage, sous la présidence du bailli d'épée ou, en son absence, du lieutenant-général. Ils supportaient la dix-huitième partie de la totalité des impôts de la province, en ajoutant à leur principal les sommes nécessaires à l'administration du comté. Celle-ci demeurait confiée à une chambre composée d'un Élu de chacun des ordres, ceux du clergé et du tiers-état alternativement admis suivant l'ordre du tableau, puis du lieutenant- général du bailliage, du procureur du roi, du syndic élu, du greffier, du receveur et du conseil.
Ses attributions étaient les mêmes que celles du comté d'Auxonne.
3. États du comté de Mâcon
V. Verdat (Marguerite). Les Etats du Mâconnais aux XIVe et XVe siècles, dans Positions des thèses de l'Ecole des Charles, 1926. Le fond particulier des Etats du Mâconnais est conservé aux Archives départementales de Saône-et-Loire (C 462-772).
. Si le comté de Mâcon était le moins étendu des pays d'États qui précèdent, en revanche sa représentation était aussi restreinte qu'aristocratique. En tête figurait l'évêque de Mâcon, président-né de son ordre et des États, puis venaient les députés des chapitres de Saint-Vincent et de Saint-Pierre de Mâcon, les abbés de Cluny, de Tournus et de Saint-Rigaud, les députés de ces églises. La Chambre de la noblesse était recrutée comme celles dont nous avons parlé plus haut. Trois villes (Mâcon, Tournus et Saint- Gengoux) formaient la maigre représentation du tiers-état dans le Màconnais, pays qui, par une de ces anomalies dont les institutions du Moyen Age nous offrent plus d'un exemple, était à la fois un pays d'États et un pays d'élection. Les Élus ou officiers des aides, institués lors de la réunion du Mâconnais à la couronne, s'étant peu à peu immiscés dans la connaissance dù fait des tailles, avaient pris pied aux États du pays et entraient à la chambre, n'ayant toutefois qu'une seule voix pour tous.
Les assemblées étaient triennales. La quotité de l'impôt supporté par le pays, après avoir été du quatorzième, avait été portée au onzième de ceux frappés sur la province en général.
La Chambre des Élus, présidée par l'évêque, se composait, sauf le député de la noblesse choisi indistinctement dans son ordre, d'un député alternativement pris dans les membres du clergé et du tiers-état, d'un syndic élu, comme celui du Charollais, d'un officier de l'élection, du maire de Mâcon agissant comme conseil, mais sans voix délibérative, d'un greffier et d'un receveur.
Tous ces officiers, aussitôt après leur nomination, prêtaient serment au Palais de Justice devant le lieutenant-général du bailliage.
Leurs attributions étaient semblables à celles des Chambres des autres comtés, et comme eux ils représentaient le comté aux assemblées générales des États de la province.
Il semblerait, à en juger par ce qui vient d'être exposé, qu'avec des attributions en apparence si bien définies, des taxations aussi nettement déterminées, les rapports des comtés avec leurs administrés et avec les Élus généraux devaient s'exercer sans froissement à la satisfaction commune. Malheureusement, dans une société basée sur le privilège, il était difficile aux unes comme aux autres de ne point dépasser leur mandat et d'empiéter sur leurs prérogatives respectives. Il faut lire en effet dans l'excellent ouvrage de M. A. Thomas, Une province sous Louis XIV
Voir ci-dessus, p. IX.
, quels étaient en réalité les rapports de ces comtés avec la métropole et quel sombre tableau il en trace.
La lutte est perpétuelle entre les comtés qui, se souvenant de leur indépendance passée, ne négligent aucune occasion d'entraver l'autorité des Élus généraux obligés, trop souvent, de recourir au Conseil du roi pour faire respecter leurs décisions. D'un autre côté, si les comtés s'engagent dans de vaines et continues querelles de préséance, s'ils procèdent par esprit de passion à des taxes arbitraires, si enfin, dans les calamités qui affligent leurs circonscriptions, ils se montrent indifférents à la misère publique, les Élus généraux ne se font pas faute de déverser sur eux les avanies qu'ils reçoivent de la cour ; ils les laissent sans défense contre les empiétements du pouvoir central, ils ajournent insouciamment la solution de questions importantes : en un mot, ils font volontiers retomber sur eux le gros des charges de la province, sans plus de respect des conventions que d'une lettre-morte.
En somme, désordres, insouciance ou arbitraire, tel était le spectacle qu'offraient les rapports des uns avec les autres.
A ces maux, il n'y avait qu'un remède, la suppression de ces États particuliers qui ne répondaient plus à des besoins réels, et leur réunion à ceux du duché. Mais, chose remarquable, nonobstant les avantages évidents de la mesure, au double point de l'économie et d'une lionne administration, les Elus généraux s'y montrèrent toujours peu favorables. Il fallut pour ainsi dire user de contrainte pour arriver à ce résultat. Il répugnait en effet à ces grands privilégiés des trois ordres d'étendre aux comtés les avantages dont ils jouissaient eux-mêmes : aussi le firent-ils toujours d'une manière parcimonieuse et surtout peu libérale.
En 1639, le prince de Condé, gouverneur de la province, entreprend la réunion des États du comté d'Auxonne à ceux du duché. Il en débat les conditions, de concert avec l'intendant, avec les Elus généraux, sans daigner même consulter aussi bien les Élus du comté que la population. Les motifs invoqués pour cette réunion étaient d'abord l'économie qui devait résulter de la suppression d'offices sans utilité réelle, puisque les affaires traitées par les Élus particuliers avaient toujours été résolues dans l'assemblée des États de la province; les désordres des finances, nés de l'abus que faisaient les Élus pour couvrir des dépenses peu justifiées, qui dépassaient souvent le montant de l'impôt dû au roi ; l'abus de comptes rendus sans contrôle, et les débats incessants entre le comté et la métropole pour la quotité de l'impôt. Par un édit du mois de mars, le roi Louis XIII abolit les États particuliers du comté d'Auxonne et les réunit à ceux du duché de Bourgogne. Il fut stipulé que les offices supprimés seraient remboursés à leurs possesseurs. Les nobles et gens d'église qui entraient aux États particuliers étaient admis aux mêmes avantages que ceux du duché ; les maires d'Auxonne et de Seurre firent partie des maires de la grande roue, en possession de nommera leur tour l'élu de leur ordre. Les villes de Louhans, Cuiseau, Cuisery, Saint-Laurent, et plus tard Verdun, entrèrent alternativement aux États avec faculté de concourir à la nomination de l'alcade. Quant aux bourgs de Pontailler, de Sagy, anciennes châtellenies royales, de Belle- vesvre, seigneurie importante, et de Chaussin, chef-lieu d'un marquisat, on les laissa par esprit d'exclusivisme sur le carreau.
En 1668 ce fut le tour de l'élection d'Auxerre, réunion à laquelle Colbert, alors marquis de Seignelay, poussait de toutes ses forces. Aussi, malgré leur répugnance à peine déguisée, les États du duché, pressés par le grand Condé, consentirent à y donner les mains. Contrairement à ce qui s'était passé pour Auxonne, les gens des trois ordres de l'Auxerrois furent invités à donner leur consentement. Les parties étant tombées d'accord, le roi, par un édit du mois d'août, « pour aucunes bonnes considérations concernant le bien de son service et l'avantage de ses sujets du duché de Bourgogne et du comté d'Auxerre, unit ce comté au duché pour ne faire et composer qu'un seul corps et jouir respectivement et en commun des privilèges et prérogatives à eux appartenant ». Il abolit l'élection, mit le remboursement des ofïices des titulaires à la charge de la province et érigea près le bailliage présidial d'Auxerre quatre offices de conseillers, un procureur du roi, un greffier pour connaître exclusivement du fait des tailles avec appel à la Cour des aides de Paris.
En conséquence de cet édit, les ecclésiastiques et les nobles du comté furent admis à prendre part aux assemblées des États chacun à son rang, à la suite de ceux du duché.
Le maire d'Auxerre prit rang dans la grande roue du tiers-état après le maire de Seurre.
Seignelay, Cravant, Vermenton et Saint-Bris, jusque-là sans représentation, furent admis dans la petite roue des États pour y avoir alternativement voix délibérative et concourir à la nomination de l'alcade. L'évêque d'Auxerre, M. de Caylus, qui, pour plusieurs considérations, avait ajourné sa ratification, la donna enfin en 1706.
L'annexion du comté de Bar-sur-Seine, régi comme celui d'Auxerre, fut plus laborieuse ; commencée en 1677, elle aboutit seulement en 1721. Les Etats de Bourgogne, qui n'avaient plus en face d'eux un évêque, une ville importante, un comté étendu, des seigneuries considérables pour ne parler que de celle possédée par Colbert, se montrèrent d'une parcimonie étrange dans les conditions. Tandis que, pour Auxerre, ils avaient accordé en sus du reste des impositions arriérées une somme de 72.000 livres à l'effet de faciliter le rachat des offices supprimés, ils refusèrent d'abord à Bar toute allocation en dehors d'un restant d'impôt montant à 25.000 livres et, comme représentation du comté aux Etats, ils n'admirent que le seul maire de Bar-sur-Seine, à siéger après le maire d'Auxerre.
Les gens du comté de Bar déclinèrent la proposition, à la grande satisfaction de la Cour des aides de Paris et des Élus particuliers, qui continuèrent de plus belle leurs exactions. En 1715, sous l'initiative de Louis-Henri, duc de Bourbon, gouverneur de Bourgogne, les négociations furent reprises. Les trois ordres consultés, répondirent par un consentement unanime à la réunion. Mais les États se montrèrent encore moins généreux qu'en 1677. Ils offrirent de se porter cautions pendant 12 ans des sommes nécessaires au comté pour racheter les offices, mais ils reléguèrent le maire dans la petite roue. Néanmoins, les gens du comté étaient si pressés de se soustraire aux vexations des officiers de l'élection qu'ils y souscrivirent et en pressèrent l'homologation au conseil du roi. Il y eut à cet effet un échange de mémoires pour et contre la mesure, dans lesquels on mit à nu les iniquités incroyables que commettaient les Élus en matière d'impositions. C'était faire le procès à la puissante Cour des aides, qui pourtant n'osa point intervenir dans le débat. Enfin, par un édit du mois de novembre 1720, le roi abolit l'élection du comté de Bar-sur-Seine, réunit le comté au duché de Bourgogne pour n'en faire qu'un seul cens au point de vue des finances seulement, et créa, comme à Auxerre près le bailliage, quatre offices de conseillers, un de procureur du roi et un de greffier pour connaître du fait des tailles. L'édit, rapporté aux États lors de l'assemblée de 1721, y fut enregistré, et, en considération de ce que le roi se chargeait du remboursement des offices supprimés, les États décrétèrent l'admission des ecclésiastiques et des nobles suivant leur rang dans les Chambres du clergé et de la noblesse. Quant à la représentation du tiers-état du comté aux États, aucune modification ne fut apportée, sinon que le maire de Bar fut inscrit dans la grande roue pour prendre rang après le maire d'Auxerre. Un édit royal du mois de juillet 1721 homologua le décret et rendit la réunion définitive.
Trente ans après ce fut le tour des États du comté de Charollais. Une première tentative essayée en 1668, en même temps que la réunion d'Auxerre étant restée sans succès, les élus ne la renouvelèrent point. Ils en laissèrent l'initiative au pouvoir royal.
A en juger par les dispositifs de l'arrêt du Conseil du mois de mai 1751, les raisons qui motivèrent leur suppression furent les mêmes que celles invoquées précédemment pour les États d'Auxonne. Maintes fois ces États avaient encouru de sévères réprimandes de la part du gouvernement à raison de leurs discordes intérieures, des abus de gratifications, de leurs infractions incessantes aux règlements des tailles et de leur négligence pour la réparation des chemins. Déjà deux arrêts du Conseil leur avaient enlevé en 1750 la connaissance des affaires de voirie et des cotes d'office. Il était dès lors bien difficile qu'ils échappassent à une mesure que tout semblait devoir justifier. De même qu'à Auxonne, les populations furent consultées pour la forme. D'un autre côté, le gouvernement, qui se souvenait des réticences apportées par les États dans toutes ces questions de réunion, paraît s'être passé de leur concours ; rien du moins dans les décrets des États et dans les délibérations des Élus ne l'indique. Le roi agit de sa pleine puissance et autorité souveraine. Il supprima les Etats du Charollais, les réunit au corps des États du duché. Les ecclésiastiques et les nobles du comté entrèrent aux États généraux au même titre que ceux d'Auxonne. Le maire de Charolles prit rang dans la grande roue du tiers-état après le maire de Bar-sur-Seine. Les villes de Paray, Mont-Saint-Vincent, Toulon-sur-Arroux et Perrecy furent admises à siéger alternativement dans la petite roue, avec voix délibérative et droit d'élection à l'alcadat.
Ordre enfin fut donné aux possesseurs d'offices de justifier de leurs titres devant l'intendant, afin d'en obtenir le remboursement.
Restaient les États du Méconnais, avec lesquels les États provinciaux furent rarement en bonne intelligence.
Les États de Mâcon, moins nombreux mais plus unis et plus puissants que ceux dont nous venons de parler, se prétendaient, ce qui était fort contestable, d'une origine au moins aussi ancienne que ceux de la métropole. S'ils acceptaient leur suprématie, c'était à la condition de supporter le moins possible des charges communes à toute la province, de s'imposer eux-mêmes sans contrôle et de demeurer les maîtres en ce qui regardait l'administration intérieure du comté. De là des conflits sans cesse renaissants qui, au milieu du XVIIIe siècle, prirent un caractère tellement aigu que, faute de pouvoir s'entendre, il fallut recourir au Conseil du roi.
Il y eut à ce sujet de nombreux échanges de mémoires, pour lesquels les deux partis mirent à contribution les témoignages historiques et ceux conservés dans les archives. Le Maçonnais réclamait une indépendance plus complète. Les États de Bourgogne, invoquant ce qui s'était passé, concluaient, au contraire, à leur suppression. La royauté, qui avait provoqué la réunion des autres États particuliers et qui s'était en dernier lieu passée du concours des États du duché, devait, pour être conséquente, accomplir son œuvre d'assimilation. Mais la logique n'était pas toujours la règle des gouvernements absolus. Par des raisons demeurées inconnues, le pouvoir royal, au lieu d'ordonner une réunion dont on se félicitait partout ailleurs, préféra un moyen terme. Elle invita les deux parties « à adopter de concert un plan de conciliation et d'arrangement propre à rétablir entre les deux administrations l'union et la concorde qu'elles devaient désirer elles-mêmes ».
Cette invitation, comprise clans les instructions remises aux commissaires délégués par le roi pour la tenue des États de 1781, était un ordre formel auquel il fallait déférer. On pria donc le prince de Condé, gouverneur de la province, derrière lequel figurait l'intendant, d'intervenir comme médiateur. Ce prince accepta, du consentement du roi. Il se fit remettre toutes les pièces du procès et fit accepter une transaction qui, en somme, était pour le Maçonnais une réunion déguisée.
Ainsi, au lieu de l'indépendance qu'il espérait, il dut en premier lieu reconnaître la suprématie des États généraux du duché. Sauf les aides, le péage et les crues qui participaient plus du Domaine royal que des États, on lui laissa la répartition des impôts d'après les commissions des États, avec défense d'y rien ajouter que de leur consentement. On voulut bien, par grâce, le maintenir dans l'emploi des sommes affectées par les Élus généraux à toutes les branches du service public et même des ponts et chaussées, sauf en ce qui concernait l'ouverture de nouvelles voies, mais tout cela sous le contrôle et la surveillance des États du duché ou de leurs officiers. On l'obligea de déposer sur le bureau de la Chambre, à la fin de chaque triennalité, toutes les délibérations d'intérêt général ou privé, rendues durant cette période.
Enfin, pour éviter à l'avenir toute équivoque, on interdit à ses membres de prendre dans leurs actes le titre de Chambre des États particuliers des pays et comté de Maçonnais, mais celui plus modeste de Chambre d'administration des États, etc.
Un arrêt du Conseil, rendu le 27 juillet 1782, homologua le traité et lui donna force de loi.
Parmi les papiers provenant de ces différents comtés, ceux relatifs au pays d'Auxonne tiennent le premier rang pour l'ancienneté et l'importance. Comme titres originaux ou copies, ils remontent presque aussi haut que ceux du duché (1360, lettres du duc Philippe de Rouvres qui, moyennant la finance de 1.500 florins, exemptent le comté du subside sur le vin). On y remarque également les lettres patentes de Marie de Bourgogne (1477) par lesquelles, voulant reconnaître la fidélité des gens du comté, qui s'étaient ralliés à sa cause, elle proclame le pays indépendant des duchés et comté de Bourgogne : ordonnance à peine rendue que le comté retombait sous le joug de Louis XI.
Par contre, Charles VIII déclare le pays d'Auxonne, membre du duché de Bourgogne et participant aux privilèges de ses habitants (1497). Louis XII et Henri III lui restituent la qualification de comté, perdue à la suite d'une erreur de chancellerie (1501, 1582). Charles VIII (1483), François I" (1523), Henri II (1548), Charles IX (1561), Henri III (1575) et Louis XIII (1613-1632) confirment ses privilèges. On conserve enfin dans ce fonds l'original du traité conclu en 1586 à Tillenay entre Chabot-Charny, commandant militaire en Bourgogne, et les habitants d'Auxonne, lesquels, après avoir expulsé le vicomte de Tavannes, leur gouverneur, refusaient de recevoir ceux que le roi envoyait à sa place. La place était déjà investie et le siège commencé.
La série des procès-verbaux d'assemblées des États et des délibérations de leurs élus, tant en registres qu'en minutes, s'étend de 1 178 à 1639. Elle débute par un vote pris de concert avec les États du comté de Bourgogne pour défendre le pays contre l'invasion de Louis XI (1478). Cinquante ans plus tard, c'est précisément le contraire. En 1526, les trois ordres des Etats du comté d'Auxonne, réunis en assemblée solennelle, refusent d'adhérer au traité de Madrid qui les livrait à l'empereur Charles-Quint. Ils signifient au roi que s'il les abandonne, ils se défendront eux-mêmes. Ici, les actes répondent aux paroles. Quand Lannoy, lieutenant de l'empereur, se présente en armes aux portes d'Auxonne, les habitants le repoussent. Ils faillirent même le saisir dans la forêt des Crochères.
En dehors de ces deux pièces d'un intérêt capital, les procès-verbaux d'assemblées ne renferment que le cérémonial de la tenue des États, le vote du don gratuit, la nomination des Élus, les décisions sur l'administration intérieure du comté et (ce qui domine surtout) les débats avec les États du duché, dont on redoute les envahissements. En revanche, les délibérations des Élus sont riches en documents intéressant les familles et les communes de la région. Il n'en est pour ainsi dire aucune qui n'y trouve une page ignorée de son histoire : en effet nous y assistons aux guerres de religion, aux troubles de la Ligue, aux brigandages qui en furent la suite, avec l'invasion de 1636 pour couronnement. Aussi quel lamentable défilé de pestes, de famines, d'inondations, d'incendies, de sièges, de combats, de ravages et pilleries des gens de guerre, amis et ennemis, qui, cinquante ans durant, s'abattent sur ce malheureux pays !
On ne trouve au contraire d'événements militaires dans les actes du comté de Charollais que l'entretien des garnisons des châteaux pendant la Ligue et sous les règnes de Louis XIII et Louis XIV, avec les doléances contre les exactions des troupes cantonnées dans le pays, exactions dont les paysans prenaient à leur tour de sanglantes représailles. Mais si les événements politiques font défaut, l'élément administratif abonde. Les délibérations sont remplies de nomination des officiers, des états de répartition d'impôt, de décharges sollicitées par le comté à la suite de calamités sévissant sur toute la contrée, de ceux accordées aux communautés éprouvées par des sinistres. On continue en 1651 à M. le duc d'Épernon, gouverneur de la province, les « recongnoissances habituelles crainte d'exposer le pays à de grands maux ».
En 1693, le défaut de prévoyance, en fait de subsistances, amène une famine « dont le souvenir fait horreur ». Même misère en 1709 lors du grand hiver; elle est aggravée de troupes de brigands qui, poussés par la faim, attaquent les maisons et les mettent au pillage. En somme, la collection renferme des matériaux précieux pour l'histoire administrative, mais leur intérêt ne dépasse point les limites du comté.
On peut en dire de même des papiers des comtés d'Auxerre, de Bar-sur-Seine et de Mâcon, en dehors de la répartition des impôts mis à leur charge : ils n'offrent d'intérêt qu'à raison de leurs débats avec les États du duché.

Cote :

C 7476-7537

Inventaire d'archives :

États de Bourgogne

Type de document :

Document d'archives

Archives départementales de Côte d'Or

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