Document d'archives : Témoignage d’un ancien charbonnier sur le travail de charbonnier de la coupe du bois à l’obtention du charbon de bois

Contenu :

Aldo Fassetta a été charbonnier jusque dans les années 1940. Il explique à l’enquêtrice le travail de charbonnier (“carbonnier” en patois) de la coupe des arbres jusqu’à l’obtention du charbon de bois. Le bois est coupé toute l’année, du chêne vert. Il faut 22 tonnes de bois pour produire 3 tonnes de charbon. Le charbonnier prépare un grand emplacement pour la charbonnière, souvent sur l’emplacement d’une ancienne charbonnière. Le bois est charrié à dos d’homme avec “la chèvre”. Parfois il est transporté à l’aide d’un traîneau à condition de devoir descendre par rapport à l’endroit de coupe. La meule se prépare en trois jours une fois que le bois est prêt. Le charbonnier délimite le périmètre de la charbonnière. Il plante trois piquets, dépose du bois “souple” tout autour puis une couronne de bûche de bois dressée. Cette première partie constitue la cheminée de la charbonnière. Le charbonnier rajoute une autre longueur de bois par dessus. Il recouvre le tout de feuilles de chênes et d’une épaisseur de terre (le tout faisant une couche de 6-7cm). Cette préparation se faisait seul ou en famille. La charbonnière est ensuite allumée, le charbonnier utilise une échelle afin de monter jusqu’à la sortie de cheminée, dépose des braises chaudes et la couvre d’une pierre. Une heure après, il vérifie qu’elle se consume bien et l’alimente avec du bois. Lorsqu’il est sûr que la charbonnière a bien pris, il bouche la sortie de cheminée et il fait des trous tout autour au fur et à mesure de sa carbonisation, permettant à la fumée de s’échapper. Lorsque le feu arrive en bas de la meule et qu’elle ne brûle plus, le charbon est prêt à être retiré. L’informateur parle aussi d’une “fumée bleue” qui s’échappe quand la combustion est terminée. Cette étape délicate se fait à l’aide d’une pelle, par petite tranche. Le charbonnier récupère du charbon puis recouvre la zone afin de l’empêcher de se rallumer. Le charbon obtenu est conditionné dans des sacs de jute. A partir du moment où le charbonnier allume la meule, il faut compter 10 à 14 jours de combustion pendant lesquels le charbonnier la surveille en permanence. Aldo Fassetta parle d’un un “travail de galérien”. L’informateur et sa famille avait une maison en ville mais il ne pouvait redescendre le soir au village. Le charbonnier doit en effet rester sur place pour surveiller la charbonnière, et dort dans une cabane de fortune faites “de pierres, de quatre bois et de tôle”. L’enquêtrice demande à l’informateur comment reconnaître un charbon de bois réussi. Il doit être bien noir et avoir un certain aspect, “ça se sent”. Le charbon pouvait se faire avec d’autres essences de bois, comme le chêne vert ou le pin. Il était vendu à Marseille par l’intermédiaire d’un patron local. Ce dernier n’était pas propriétaire des bois qui appartenaient à la commune, et achetaient à cette dernière des coupes de bois. La plupart des ouvriers de la région étaient italiens. C’était un métier très dur et il a préféré arrêté (en 1943). De plus, il était mal payé et n’appréciait pas son travail. L’informateur n’a eu qu’un seul patron, qu’il soit charbonnier ou par la suite bûcheron. Il a exercé aussi le métier de maçon. Son père a été charbonnier une bonne partie de sa vie. Italien originaire de la province de Turin, ils parlaient une langue proche du patois parlé dans les Alpes-de-Haute-Provence. Son père comme beaucoup d’autres italiens ont immigré en France afin de gagner plus d’argent et afin de fuir le régime Mussolinien. L’informateur exerçait d’autres métiers pendant qu’il était charbonnier. Lui et son frère partaient récolter la lavande et faire les vendanges. Ils faisaient le bois environ 8 mois par an. Au mois de mai, lorsque la sève monte, ils pratiquaient “la rusque”, le ramassage de l’écorce. Elle était retirée du tronc à l’aide d’un marteau. Elle était vendue à une tannerie dans le Gard. L’informateur revient sur le travail de charbonnier. Il était très salissant et il fallait passer “deux jours à se laver” pour se débarrasser de la poussière de charbon. Il se souvient qu’enfant il allait voir son père faisant la charbonnière et il restait dormir dans la cabane, ce qu’il appréciait beaucoup. Son père travaillait presque toujours seul, passant 4 à 5 mois par an dans la montagne. Sa mère l’aidait pour le ramassage du bois. Il parle aussi d’autres métiers que les Italiens faisaient en France. A la fin de l’enregistrement, l’enquêtrice lui montre une série de photographies prises dans d’autres régions où l’on peut voir des charbonniers en train de travailler. Les photos sont plus récentes et les charbonniers utilisent des techniques plus modernes. Il se souvient que déjà en 1943-1944 on utilisait des fours métalliques pour faire du charbon de bois. Les “annamites” s’en occupaient. Personne à Lioux ne semble avoir fait du charbon de bois de façon traditionnelle après la Seconde Guerre mondiale.

Cote :

MMSH-PH-4517

Informations sur l'acquisition :

Dépôt : 2012 (Salagon)

Conditions d'accès :

L'informateur autorise que les enregistrements soient en accès sur ce réseau de partenaires.

Description physique :

Information matérielles :
1 cassette audio stéréo 60min
Qualité sonore de l'enregistrement : bon
Importance matérielle :
Durée : 1h 07min

Ressources complémentaires :

Fiche descriptive du Musée de Salagon.

Où consulter le document :

Maison méditerranéenne des sciences de l'homme (MMSH) - Secteur Archives de la recherche

Maison méditerranéenne des sciences de l'homme (MMSH) - Secteur Archives de la recherche

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