Document d'archives : Chapitre XIII - Conflits de juridiction

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A une époque où, comme on ne saurait trop le dire, la société tout entière reposait sur le privilège, les attributions des pouvoirs publics se ressentaient de cette origine. Elles n'étaient ni précises ni surtout bien définies. Aussi donnaient-elles lieu à ces nombreux conflits dont ces papiers perpétuent le souvenir. Car, comme le plus souvent, l'usurpation y avait eu une grande part, le pouvoir lésé, alors même qu'un long temps s'était écoulé sans protestation de sa part, ne laissait jamais échapper l'occasion de revendiquer ses droits. C'est l'histoire du Parlement et des États. D'après la Charte de réunion du duché de Bourgogne à la couronne de France (1477), pacte librement consenti par les Etats représentants des Trois Ordres du pays, le droit de voter et de répartir l'impôt leur avait été maintenu exclusivement. Les termes étaient formels. Néanmoins le Parlement, avec sa nature envahissante, en était arrivé, par des entreprises successives, à détruire cette faculté précieuse en exigeant que les lettres de commissions pour toute nouvelle levée fussent, au préalable, soumises à son enregistrement. Déjà, en 1715, d'assez vifs débats avaient éclaté à propos de l'impôt des cotes d'offices dont il voulait s'arroger la connaissance, lorsqu'en 1762, l'avocat Varenne
Sur l'affaire Varenne, v. Milsand Ph, Bibliographie Bourguignonne, Dijon, 1885, p. 86-87.
secrétaire en chef des États, caractère hardi, servi par un grand talent, entreprit de revendiquer pour les États les privilèges dont ils étaient dépouillés. Connaissant l'irritation profonde qu'avait causée au gouvernement la nécessité où il s'était trouvé de céder aux exigences des Parlements, lors des querelles suscitées par l'impôt des vingtièmes et la bulle Unigenitus, Varenne jugea le moment favorable. Secondé par le comte de Vienne, Élu de la noblesse, aussi ennemi que lui-même des parlementaires, il détermina la Chambre des Élus à contracter avec le roi un abonnement des vingtièmes, juste au moment où le Parlement lui adressait des remontrances pour justifier son refus d'enregistrement de cet impôt. A la nouvelle du traité conclu par les Élus, le Parlement menaça la cour de suspendre son service. Il n'aboutit qu'à subir un enregistrement militaire et forcé. La lutte s'engagea donc sur ce terrain entre le Parlement et les États. Elle dura deux ans et donna lieu de part et d'autre à des mémoires d'une violence inouïe. Emportés par la passion et au mépris de témoignages incontestables, les membres du Parlement allèrent, pour justifier leur cause, jusqu'à nier une à une et les libertés et les franchises consacrées par les stipulations de 1477. Puis, à bout de raison et par un étrange abus de pouvoir, non seulement ils condamnèrent les mémoires de leur adversaire à être brûlés par la main du bourreau, mais chose plus indigne, ils lui interdirent le feu et l'eau, comme au banni du Moyen Age, en défendant à toute personne d'avoir aucun rapport avec lui et avec tous ceux qui portait son nom. Puis, quand le conseil du roi, justement irrité de ces procédés, eut cassé les arrêts et réintégré les États en possession de leur ancien droit, le Parlement, réduit à l'impuissance, répondit en suspendant le cours de la justice. Quelques années plus tard, ce refus de service eût précipité l'avènement à Dijon d'un parlement Maupeou, mais les choses n'étaient pas encore aussi avancées. D'ailleurs, la couronne qui, en définitive, avait obtenu ce qu'elle désirait, c'est-à-dire l'abonnement de l'impôt, ne se souciait pas de pousser plus loin les choses. Elle ne rapporta point les arrêts qui motivaient le refus du Parlement, mais le ministre fit savoir aux magistrats que les Élus ne se prévaudraient point de l'arrêt obtenu : l'intention du roi n'était point de leur enlever cette ancienne prérogative. La cour se contenta de cette déclaration, plus officieuse qu'officielle, qui ne détruisait en rien le droit reconquis parles Élus. Quant à Varenne, le véritable héros du drame, le gouvernement, et en particulier le prince de Condé, gouverneur de la province, s'ils ne purent le maintenir à la Chambre des Élus pour laquelle il avait compromis sa vie, sa fortune et sa considération, le protégèrent du moins autant qu'il leur fut possible contre les haines et les poursuites des gens de robe, qui avaient épousé la querelle du Parlement. Outre les provisions de l'office de receveur général de Bretagne, avec survivance pour son fils, on le décora du cordon de Saint-Michel, et jusqu'aux dernières années de sa vie la Chambre des Élus trouva en lui, quoique éloigné du pays, un guide et un conseil dans plus d'une affaire épineuse ou délicate.

Cote :

C 3349-3350

Inventaire d'archives :

États de Bourgogne

Type de document :

Document d'archives

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