Document d'archives : Chapitre XIV - Correspondance

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Si la série des délibérations de la Chambre des Élus n'offre plus de lacunes à partir de 1518, il n'en est pas de même de la correspondance, dont la plus ancienne pièce ne dépasse point l'année 1549. Encore si la collection avait été respectée ! Malheureusement, comme nous l'avons fait remarquer ailleurs, en parlant de la correspondance de la mairie de Dijon
Analecta Divionensia, correspondance de la Mairie de Dijon, t. 1.
ces lettres avaient moins de valeur aux yeuy de nos pères qu'un parchemin bien scellé et bien authentique pour la conservation duquel on multipliait les précautions. Au Parlement, à la Chambre des comptes et à la mairie de Dijon, la négligence avec laquelle on traita des lettres missives semble témoigner qu'on n'y attachait guère plus d'importance que de nos jours à une feuille périodique. On ne s'étonnera donc point si, pour le fonds dont il s'agit, 2.023 lettres missives originales et 7 volumes de transcriptions commencés en 1718 sont tout ce qui reste de la correspondance active entretenue par les Élus avec le pouvoir royal, les ministres, les gouverneurs, leurs lieutenants, les cours souveraines, les bailliages et les villes, sur ce qui intéressait la province au triple point de vue politique, administratif et financier. Ajoutons qu'à l'exemple des généralités où l'intendant conservait toute sa correspondance ministérielle ou politique, nos Élus ne se faisaient pas scrupule d'emporter, en sortant de charge, les minutes essentielles des affaires auxquelles ils avaient personnellement coopéré
V. Gras (P.) Une acquisition nouvelle de la Bibliothèque de Dijon. Lettes de Condé, Dans Annales de Bourgogne, t. XVII (1945), p. 293-296 (lettres des princes de Condé à Denos et Claude Rigoley, greffiers des Etats, 1662-1699). A compléter par les fonds du Musée Condé à Chantilly, Cabinet des Titres, série GB, et Cabinet des Manuscrits.
. Ces diverses causes expliquent pourquoi la correspondance des Etats renferme tant de lacunes sur les grands événements qui agitèrent la province aux trois derniers siècles. Toutefois, si mutilée qu'en soit la collection, elle renferme encore, sur plus d'un point, des matériaux précieux pour l'historien et le publiciste. Nous allons en faire ressortir les faits principaux. La première pièce de la collection est une dépêche du roi Henri II, qui remercie les Élus d'avoir consenti, sur l'avis du duc de Guise, gouverneur de la province, à augmenter l'impôt pour la solde de la gendarmerie (1549). Dans la seconde, M. d'Épinac, son lieutenant, leur enjoint de faire préparer les étapes pour le passage des vieilles bandes de gens de pied dont M. de Chastillon (Coligny) est « collonal ».
Les guerres de religion s'y manifestent seulement par l'invitation d'Henri III aux Élus d'imposer les sommes nécessaires à la solde des levées qu'il prépare pour repousser l'invasion des protestants allemands venus en aide aux réformés (1586), et des lansquenets devenus inutiles «après le fait d'Auxonne heureusement terminé», c'est-à-dire après la reddition de cette ville entre les mains du duc de Guise. Quant à la Ligue, qui domina en Bourgogne de 1589 à 1595, elle n'a laissé de son passage que la réclamation par la mairie de Dijon des pièces de canon prêtées au duc de Nemours, lors de son expédition de 1589 ; la dépêche du duc de Mayenne annonçant le remplacement du baron de Sennecey, lieutenant général en Bourgogne, par Jean, vicomte de Saulx-Tavannes (1592) ; et la recommandation de fortement occuper le château de Mâlain. Sous Henri IV, on voit La Fortune, ce condottiere italien, maître de Seurre, traiter de puissance à puissance avec ce monarque et Mayenne, dont les efforts réunis n'ont pu lui arracher cette bicoque. Plus loin, à la nouvelle de la surprise d'Amiens, Henri, qui a besoin de Biron, gourmande les Élus de leur négligence à entretenir les garnisons des places et les presse de s'exécuter par crainte d'une nouvelle catastrophe. Il n'est pas moins pressant en ce qui concerne la rançon des places fortes rendues par les anciens chefs ligueurs. La province réclame à grands cris la démolition de ces repaires, mais il faut qu'au préalable elle s'exécute. La guerre des deux Bourgognes, sous Louis XIII, dont les sièges de Dole et de Saint-Jean-de-Losne furent les faits principaux et à l'occasion desquels les Élus déployèrent une activité prodigieuse, apparaît seulement dans une lettre du lieutenant-général de Tavannes, qui recommande une surveillance sévère des gués de la Bèze contre les partis francs-comtois (1638). Le long règne de Louis XIV est inauguré dans cette correspondance par deux dépêches d'Henri de Bourbon, prince de Condé, gouverneur de la province. Dans la première, tout en compatissant aux misères de la province, et en présence des malheurs du temps, il dissuade les Élus de faire auprès du Conseil des démarches à l'effet d'obtenir la décharge des 100.000 livres qu'on leur impose. Par la seconde il les remercie de leurs félicitations sur la victoire de Fribourg, remportée par le duc d'Enghien, son fils. Ce dernier, ancien élève du collège de Bourges, dirigé par les Jésuites, avait conservé pour l'ordre les sentiments d'affection dont on trouve la preuve dans la lettre pressante qu'il écrivit en 1650 aux Élus, dans le but de presser le paiement d'une somme de 20.000 livres due à la ville de Chalon qui voulait l'employer à l'agrandissement de son collège. D'Épernon, son successeur intérimaire au gouvernement de Bourgogne, en même temps qu'il presse la démolition des fortifications de Seurre dont il vient de s'emparer, insiste aussi sur le prompt paiement des 148.000 livres de gratification qu'à cette occasion les États lui ont votées (1654). Six ans après, les Élus adressent à Colbert leurs félicitations sur sa nomination comme contrôleur-général des finances. Ce qui n'empêche pas qu'ils n'en reçoivent très souvent de vives objurgations, pour peu qu'ils tardent à verser au trésor les sommes qui leur sont imposées. Condé, qui a repris son poste de gouverneur, s'efforce en toutes circonstances de faire oublier sa conduite passée. Louis XIV a racheté Dunkerque tenu par les Anglais. Condé excite la province à y contribuer pour une somme de 100.000 livres et c'est l'Élu de la noblesse, Chamilly, le futur défenseur de Grave, qui la dépose entre les mains du roi (1662). Au mois de mai 1667, à la nouvelle de l'invasion de la Belgique par Louis XIV, l'épouvante avait gagné la Franche-Comté et réagi sur nos populations riveraines de la Saône, à peine remises des maux de la guerre de dix ans. Condé, aussitôt informé, répond de Paris aux Élus qu'il n'y a point d'ordre d'exercer les hostilités, et que certainement ceux de Comté ne seront pas assez téméraires pour les commencer. Ces rumeurs n'étaient pas sans fondement puisque lui-même préparait déjà la rapide conquête qui eut lieu au mois de février suivant, et que les Élus eux-mêmes profitaient du voyage d'honneur pour en offrir leurs compliments au roi. Deux ans après, Condé se démet du gouvernement de Bourgogne en faveur de son fils Henri (Jules), mais il n'en conserve pas moins, jusqu'à sa mort, avec les États, des rapports affectueux dans toutes les circonstances où sa personne ou sa famille sont en jeu. C'est ainsi notamment qu'il les remercie, en 1671, de leurs félicitations sur le gain de la bataille de Senef. En 1683, au moment où les armées ottomanes, renforcées des insurgés hongrois, s'apprêtaient à fondre sur Vienne, Louis XIV, qui voulait se tenir prêt à tout événement, rassembla des corps de cavalerie sur la Saône sous le commandement du duc de Levis, et vint lui-même les passer en revue. Henri-Jules de Bourbon, prince de Condé, informe aussitôt les Élus de l'itinéraire du monarque, et les invite à se porter au devant de lui jusqu'à Auxerre ; recommandation de faire réparer tous les chemins, et de les rendre aussi beaux que possible. En 1693, lors des guerres de la Ligue d'Augsbourg, Pontchartrain, tout en blâmant le consulat de Lyon de n'avoir pris aucune précaution pour s'approvisionner de grains en vue d'une disette imminente, refuse aux Élus la défense d'exportation qu'ils sollicitent, et après les avoir en quelque sorte contraints à laisser partir les blés, il leur adresse de violents reproches sur leur négligence à fournir les 50.000 sacs de blés qu'il a réquisitionnés pour la subsistance des armées. Il refuse toute diminution sur la capitation de 1696, en même temps que, sur l'ordre du roi et dans ce temps de misères publiques, le duc de Bourbon les oblige à faire un fonds de 30.000 livres pour le séminaire et l'hôpital que l'évêque Gabriel de Roquette établit à Autun. En 1704, au plus fort des guerres de la succession d'Espagne et des calamités qu'elle entraîne avec elle, Chamillart, digne successeur de Pontchartrain, s'il félicite les Élus sur leur conduite à l'endroit, de la levée des milices, s'il les autorise à dispenser les communautés pauvres de remplacer leurs déserteurs, refuse, en 1705, de rembourser le prix des blés qu'elles ont fournis aux armées en 1694 et 1695, prétendant qu'il ne leur doit rien. En 1709, année terrible où le grand froid ajoute aux maux de la guerre, les ministres Voisin et Desmaretz, à défaut de blé, exigent de l'orge pour la nourriture des troupes. L'année suivante, Voisin taxe la province à 40.000 sacs de blé. Il reconnaît lui-même combien la réquisition est excessive, mais les circonstances sont impérieuses. Au moins a-t-il la pudeur de compatir aux misères qu'il ne peut empêcher, car, en 1714, il refuse les présents de vin que, suivant la coutume, les Élus adressaient chaque année aux ministres et aux personnages influents. A partir du règne de Louis XV, la correspondance des Élus touche de moins en moins aux affaires politiques: Depuis que, par le traité de Nimègue, la frontière française a été reportée au Jura, la Bourgogne est devenue province d'intérieur, et ses Élus n'ont plus à se préoccuper que de l'administration du pays. Malheureusement les usurpations du pouvoir central ont paralysé leur initiative, et c'est à peine s'ils osent, en plus d'une circonstance, prendre une détermination sans s'être assurés au préalable du consentement du ministre ou du prince de Condé. Leurs rapports directs avec le souverain, de plus en plus rares, se résument en quelque sorte aux lettres closes de convocation des États. Si ces derniers sont privés du droit de choisir librement leurs Élus, il en est de même des propres officiers de ces derniers, depuis le trésorier général jusqu'aux huissiers. Les États ont racheté à beaux deniers les offices municipaux de toute la province, confisqués par la royauté, et acquis par conséquent le droit d'en disposer : néanmoins le despotisme ministériel a trouvé le moyen d'intervenir dans le choix qu'ils font et d'y substituer son bon plaisir. Bref, à quelque point de vue qu'on envisage cette correspondance, on sent partout l'influence occulte de l'intendant, agent direct, instigateur ou exécuteur des volontés toutes-puissantes des conseils du roi. Les Élus ont fait de grands efforts pour doter la province d'un bon système de routes, mais c'est le contrôleur général qui préside à leur plantation. Il provoque la création des pépinières. Il intervient pour encourager l'exploitation des mines du Creusot, les manufactures et les filatures. Bertin envoie les ingénieurs de Chézy et Perronet vérifier le projet du canal de Bourgogne, tracé par Abeille (1764). En matière de subsistances, les contrôleurs généraux. Turgot en tête, ont fort à faire à la suite des mauvaises récoltes pour triompher de l'obstination des Élus, toujours hostiles à la liberté du commerce des grains, et cela jusqu'à la Révolution. Par contre, ils ne marchandent jamais leur concours lorsqu'il s'agit d'ateliers de charité, d'institutions de bienfaisance ou de l'instruction publique. Enfin, le seul point où ils retrouvent l'énergie des anciens jours, c'est dans leurs querelles fréquentes avec le Parlement au sujet des impositions. Ils étaient encore en présence, lorsqu'arriva le grand cataclysme. Cette correspondance, qui embrasse toutes les branches de service confiées aux États de Bourgogne et dont le seul énoncé dépasserait les limites dans lesquelles nous devons nous renfermer, se clôt par une dépêche du contrôleur général Lambert, qui signifie le décret de l'Assemblée nationale du 10 août 1790, lequel met lin aux pouvoirs des Élus.

Cote :

C 3351-3367

Inventaire d'archives :

États de Bourgogne

Type de document :

Document d'archives

Archives départementales de Côte d'Or

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