Document d'archives : Commerce des juifs. - Lettre par laquelle le contrôleur général Orry demande qu'on lui fasse connaître les arrêts qui interdisent...

Titre :

Commerce des juifs. - Lettre par laquelle le contrôleur général Orry demande qu'on lui fasse connaître les arrêts qui interdisent aux juifs le commerce des chevaux, mules et mulets ; cette demande est provoquée par une supplique de Jacob et Daniel Cohain, Cromy, Jasset et Daniel Levy, juifs de Provence et de Cavaillon, qui voudraient vendre, en payant tous les droits d'usage, des bêtes de charge et de trait en Provence, Dauphiné et Languedoc ; mais qui se trouvent empêchés par des ordonnances prohibitives. 1 juin 1735. - Mémoire de l'intendant en réponse à la lettre précédente : Ces juifs demandent qu'il leur soit permis de faire le commerce de chevaux, mulets et autres bêtes de charge et de trait tant en Languedoc, qu'en Provence et en Dauphiné, et ils exposent qu'il est de l'intérêt même des habitans de ces trois provinces que cette liberté leur soit accordée : « sur ce qu'ils prétendent qu'ils manquent de bestiaux pour la culture des terres, a cause des quantitez qui y ont été fournies pour le service du roy. Le Conseil sçait qu'il n'a jamais été permis aux juifs de faire aucun commerce en France sans des permissions expresses du roy. Le parlement de Toulouze ayant par plusieurs arrests des 2 décembre 1695. 5 avril 1698, 18 février 1705, 1er mars 1706, 6 juillet 1708 et 15 février 1713, permis a plusieurs juifs d'Avignon d'acheter, vendre et débiter toutes sortes de marchandises neuves ou vieilles pendant un mois de chacune des quatre saisons de l'année dans les villes de Toulouze, Montpellier, Pezenas, Narbonne, Beziers et autres villes et lieux de Languedoc, avec deffenses tant aux maires et consuls qu'aux marchands et autres de leur apporter aucun trouble et empêchement dans la liberté de leur commerce, a peine de 4 000 livres d'amende, le conseil par arrest du 29 février 1716 enjoignit aux juifs de sortir sans delay du Languedoc et des autres provinces du royaume ; qu'il soit vray que les trois provinces ayant fourni des mulets pour le service de l'armée d'Italie, on n'en a cependant, quant à cette province, tiré que 500 du Bas Languedoc dont Sa Majesté a même fait renvoyer la principale partie, et on ne s'y est point apperceu que la levée qui en avoit été faite ait causé aucun préjudice a la culture des terres, ny que l'espèce en soit plus rare. Si on leur permettoit le commerce des mules, ce seroit leur donner un prétexte de venir et séjourner en Languedoc, dont ils abuseroient pour débiter toutes sortes de marchandises. Enfin il n'est ny juste ni convenable que les juifs s'emparent du commerce au préjudice des marchands et des bons fabricans qui suportent les charges de l'état. » 11 août 1735. - Requête de divers juifs de Cavaillon et de Carpentras, à l'intendant, pour solliciter l'autorisation de vendre en Languedoc les chevaux et mulets qu'ils vont acheter dans les provinces voisines « qui n'ont d'autres revenus que la vente des bestiaux, ce qui ne porte aucun préjudice aux sujets de Sa Majesté, ce qui est si vray que les juifs de la ville de Metz fournissent ses écuries, ce qui prouve que ce commerce est permis à toutes sortes de nations ; cependant comme il est très avantageux pour les particuliers en ce que les suppliants et autres de leur nation leur vendent a crédit et troquent avec eux toute sorte de bétail avec un très modique profit, que d'ailleurs la plupart des paisans et metayers laisseroint leurs terres sans labourer par le deffaut de bestiaux qu'ils ne trouveront pas a crédit chés d'autres marchands et que les suppliants leurs baillent et en sont payés un ecu après l'autre et très souvant ils n'en retirent rien, sans pourtant qu'ils les actionnent en justice, ce qui est connu du public et que les suppliants sont en état de vous prouver par le sufrage de cent communautés. » 1736. - Avis du syndic général De Joubert sur la précédente requête. Il estime que le commerce que les suppliants se proposent d'entreprendre sera très utile à la province, les bêtes de charges et de trait y étant extrêmement rares. 10 août 1736. - Ordonnance de l'intendant faisant droit à la demande des juifs : « La rareté et le prix excessifs des mules, mulets et chevaux ne permettant pas à la plupart des habitans de cette province de s'en pourvoir autant qu'il seroit nécessaire pour la culture des terres, ce qui rend d'autant plus difficile le recouvrement des deniers royaux... Nous avons permis aux nommés Jacob et Menes de Monteux, Moyse de Levy, Natan et Joanas Moyse, de Cavaillon, Aaron Jassuada de Carcassonne, Benestru Jassé, de Cavaillon, Salon et Jassé Vidal, Jassé et Moyse de Beaucaire, Samuel Mossé, Jacob Abraham, et Ayn de Merargues et Benestru de Digne, juifs de Carpentras, de faire venir vendre et debiter dans cette province, pendant le tems de six mois, des mules, mulets, chevaux et autres bêtes de trait, sans qu'il puisse luy être donné aucun trouble ny empêchement. » 20 août 1736. - Lettre de l'intendant au contrôleur général pour démontrer le besoin pressant qu'il y a de permettre aux juifs le trafic des bêles de charge et de trait en Languedoc. 22 août 1736. - Correspondance entre l'intendant et Bélieu, subdélégué à Nîmes, relative à la précédente permission ; elle était arrivée à la connaissance de celui-ci par les intéressés qui en étaient porteurs. Décembre 1736. - Mémoire de Coudougnan frères, Méjan père et fils, Médard, Boyer et Méliarde, de Nîmes, des Chrétien frères, Gourdon, Méjan père et fils, Veissière, Dumas et Cadel père et fils, de Sommières ; Méjan, de Montpellier, Encontre, Gachon et Coulon, de Marsillargues ; Gasquet, de Marguerites ; Atgès frères et Soubeiran frères, d'Anduze ; Goût, de Florac ; David et Cie, de Montagnac ; Vidal, Arvieu père et fils ; Gauthier père et fils, Philippe Franc, Mazel père et fils, de Pézenas ; Douisset et Mazel, de Saint-André de Sangonis, tous marchands de mules, par lequel ils protestent contre la permission accordée aux juifs d'exercer en Languedoc le commerce des bêtes de charge et de trait : « il n'y a pas rareté de bêtes de trait dans le Languedoc ; et ce ne sont pas certainement les juifs de Carpentras, ni les autres juifs de la Comté d'Avignon et des autres endroits qui en ont apporté l'abondance. Dans cette province il y a plus de 40 particuliers qui font commerce de toute sorte de bêtes de trait qui ne font pas même d'autre commerce que celui-là. Un si grand nombre de commerçans ne laisseront jamais le Languedoc dépourvu de mules et d'autres bêtes de trait ; et ils osent dire, que jusqu'ici ils y en ont fait venir au dela de tout ce qui a été nécessaire. Cela est si vrai, qu'ils seroient en état de prouver qu'une infinité de fois ils se sont trouvez surchargés de cette sorte de marchandise en ayant leurs écuries pleines sans trouver à vendre. Ils ne sont pas même les seuls qui amènent en Languedoc des bêtes de trait, il y en vient par le moyen des particuliers du Poitou, de la Xaintonge et autres endroits du royaume qui en font le commerce, et qui les conduisent le plus souvent eux-mêmes. Les juifs ne les donneront jamais, et pendant un aussi longtems, à si bon marché que les marchands de la province. Ceux qui en font et en continueront le commerce, y gagnent quelque chose, c'est ce qu'on ne doit pas leur envier, et ils avouent franchement, que ce n'est que pour y gagner qu'ils veulent le faire, quoiqu'il ne puissent pas se flater d'y réussir toujours. Les juifs ne demandent d'être reçus à faire ce même commerce que pour y profiter ; ils ne persuaderont à personne, qu'ils ne prétendent s'en mêler uniquement que pour l'avantage du public, a leurs propres dépens et leur propre désavantage. Les betes de traits, telles que les mules, mulets et chevaux ne sont pas aussi nécessaires dans la Province, a la culture des terres, que les juifs, peu ou point intéressez dans cet objet, ont voulu l'insinuer. On ne s'en sert point du tout dans le Haut-Languedoc, où les terres étant extrêmement grasses, ne peuvent point être travaillées avec des chevaux, ni avec des mules ; ce n'est que dans le Bas-Languedoc qu'on les met a cet usage. Et même dans cette partie de la province, tous les gros domaines sont cultivez par des bœufs, dont on y tient des grandes quantitez ; il en couteroit trop, si, pour les cultiver, on n'avoit que des mulets et des mules. L'usage le plus commun auquel on les met, est celui des charrettes et autres voitures ; ce qui n'a aucun raport à la culture des terres. En vain voudroit-on faire craindre, que si le commerce des mules et autres bêles de trait, est réservé aux seuls negocians de la province, à l'exclusion des juifs, ces négocians se lieront entr'eux, pour y rendre cette marchandise plus rare et plus chère. Car, pareille crainte peut être présentée à l'égard de toute sorte de négoce de marchandises et denrées d'une même nature, exercée toujours dans chaque ville par un certain nombre de particuliers : il faudroit donc y admettre aussi les juifs ; ce qu'ils n'auront sans doute garde de proposer. D'où vient donc qu'ils voudroient être reçus, sous ce mauvais prétexte, à faire le commerce des mules, mulets et chevaux ? Si dans ce commerce il y avoit de monopole à faire, il y auroit tout lieu de l'appréhender de leur part, eux qui sont si éloignez de toute sorte de scrupule en matière de pratiques mauvaises et frauduleuses pour gagner. Les observations qu'on vient de faire, qui combattent si puissanment tout ce que les juifs peuvent dire, ne permettent pas de douter, que s'ils renouvellent la demande en permission de faire le commerce des bêtes de trait, elle ne soit rejetée par le sufrage unanime des juges et du public. » - Requête des juifs, concessionnaires du droit de vendre pour six mois des chevaux et mules, aux fins d'être autorisés à continuer leur vente pendant un nouveau semestre : « d'autant qu'ils se trouvent chargés de quantité de bestiaux (ce qui est d'un avantage pour le public) ». Janvier 1737. - Avis de Montferrier, syndic-général, concernant la précédente demande : « Rien n'est plus nécessaire pour la culture des fonds de terre que les bestiaux aratoires et rien n'est en mesme temps plus rare dans la province. Le petit nombre de marchands qui en font le commerce les fait en quelque façon jouir d'un privilège comme exclusif qui porte si haut le prix des mules et chevaux, que le paysan se trouve hors d'état d'en acheter ; l'introduction qu'en voulent faire les marchands juifs ne peut être que favorablement acceuillie. Ainsi le syndic general estime que non seulement il doit être du bon plaisir de monsieur l'intendant d'accorder a ces marchands un nouveau delay pour vendre lesd. bestiaux dans la province, mais qu'il conviendroit mesme d'obtenir un arrêt du Conseil qui leur accordat cette liberté, pendant quelques années ». 24 janvier 1731. - Requête des marchands de mules à l'intendant par laquelle ils le supplient de ne pas laisser les juifs marchands de chevaux continuer leur commerce en Languedoc. La faveur dont ils jouissent actuellement a été obtenue par surprise : « Votre ordonnance gardée en posche par les juifs ils ont été en troupe dans le Poitou, en Auvergne, en Albigeois et Saint-Onge, et courant de village en village, ils ont achepté indifferament, les bestiaux gras et maigres, bons ou mauvais, jusques a les tirer de la charrue. Il est certain que depuis la permission a eux accordée les mules, mulets et chevaux ont augmenté de prix de beaucoup et augmentent journelement, a mesure que ce qu'il y a de mauvais se vent, plus ce qu'il y a de bon augmente. Le public trompé par la mauvaise marchandise que les juifs vendent et qu'un bas prix leur fait achepter, ils se trouvent bientôt sans mules et sans argent et hors d'état d'en achepter d'autres. Les mauvais mules, mulets et chevaux se vendent ; les suppliants attachés a n'achepter que ce qu'il y a de bon ne peuvent pas s'en défaire, ce qui ne peut que faire tomber leur commerce. Les supliants espèrent qu'en conformité de l'ordonnance du 20 août dernier dont le delay va expirer, votre grandeur reconnoissant la fourberie, et les tours artificieux des juifs continuera de leur faire des deffences portées par les arrêts du Conseil. » Fin janvier 1737. - Lettre de l'intendant au contrôleur-général pour lui annoncer son intention de continuer pendant six autres mois aux marchands juifs la permission de vendre des chevaux et mules en Languedoc : « Ils ont fait deux voyages dans lesquels ils ont ammené du Poitou, du Limouzin et du Rouergue une quantité considérable de bêtes de trait qu'ils ont vendu a des prix convenables et proportionnés aux facultés des gens de la campagne qui ont commencé de s'en pourvoir. Il suffiroit que vous m'autorisassiez a proroger par une simple ordonnance cette même permission, et seulement jusqu'au 1er septembre prochain, parce qu'ils pourront pendant ce tems faire deux voyages, dans le dernier desquels, ils auront seurement attention d'amener le plus grand nombre qu'ils pourront de ces bestiaux de toute espèce pour en procurer l'abondance a la prochaine foire de Beaucaire, ou vous sçavez que cette partie du commerce est regardée pour ainsy dire comme nulle ; d'ailleurs la prolongation de cette permission pourra produire encore dans le moment présent un second avantage, en procurant aux officiers la vente des chevaux qui leur restent de leurs équipages, ou de ceux de refforme, que ces juifs achepteront toujours plus cher, qu'ils ne pourroient être vendus aux habitants de cette province, ou l'usage en est bien moins connu et moins utile que celuy des mules où mulets. » 11 février 1737. - Ordonnance : qui permet aux juifs précédemment nommés de continuer pendant six mois en Languedoc leur commerce de mules. 8 mars 1737. - Supplique des mêmes juifs pour obtenir pendant six nouveaux mois la continuation de leur privilège : « en conséquence des ordonnances les suppliants ont vendu une grande quantité de mulles et à un prix raisonnable et par la ils ont procuré un avantage considérable au public, et la plus grande partie a crédit, ce qui soulage d'autant les particuliers ; et comme les achepteurs de ces bestiaux sont presque tous des ménagers et que la récolte dernière a été fort mauvaise, les suppliants n'ont pas peu parvenir a se faire payer et encore le public etoit si depourveu des bestiaux pour la rareté qu'il y avoit ou pour le prix excessif dont les autres marchands tenoint leurs bestiaux, que ces particuliers bien loin de payer ce qu'ils doivent aux supplians, du moins partie, demandent de leur en vendre encore, ne pouvant avec ceux qu'ils ont cultiver la terre, espérant de les satisfaire a la récolte prochaine. » Septembre 1737. - Ordonnance portant nouvelle permission de six mois en faveur des mêmes. 8 août 1738. - Lettre de l'intendant au cardinal de Fleury le renseignant sur les autorisations données aux juifs de faire en Languedoc le commerce des chevaux et mulets : « Les nommés Coudougnan, Mejan, et autres, voyant que l'abondance que les juifs procuroient, les empechoit de continuer leurs mauvaises manœuvres firent des représentations a M. le contrôleur-général par un mémoire pareil a celuy qu'ils ont adressé à V. E. ; mais M. le controlleur-general, informé du succès des permissions que j'avois accordées aux juifs n'a pas jugé a propos d'écouter leurs représentations. »3 mars 1739. - Correspondance entre l'intendant et Gilly de Nogeret, chargé par le Conseil du commerce d'examiner une requête de Pierre Prat, marchand de chevaux à Nîmes, qui se pourvoit en son nom et au nom de ses confrères du Languedoc contre les ordonnances rendues par l'intendant en faveur des commerçants juifs. L'intendant écrit : « Le bien de la province demande absolument que toutes les représentations de ces marchands soient rejetées et les juifs maintenus dans la permission de vendre des chevaux. » Août 1739. - Ordonnances prolongeant de six mois en six mois et d'année en année la permission accordée aux juifs de vendre des chevaux. Janvier 1741, 1744, 1746.

Cote :

C 2744

Inventaire d'archives :

Intendance de Languedoc

Description physique :

Liasse. - 39 pièces, papier (2 imprimées).

Archives départementales de l'Hérault

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