Document d'archives : François Laisney , architecte et enseignant-chercheur s'exprime sur les débuts de la recherche en architecture et sur les...

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François Laisney , architecte et enseignant-chercheur s'exprime sur les débuts de la recherche en architecture et sur les créations de l'Atelier collégial et de l' UP8 , à travers son parcours professionnel, des années 1960 aux années 2000

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L'entretien est conduit par l'enseignante-chercheuse Nicole Cappellari et l'enseignant-chercheur Julien Correia au domicile de François Laisney, architecte enseignant-chercheur, à propos de son implication dans la structuration de la recherche en architecture, à travers son parcours professionnel, des années 1960 au années 1990. L'entretien s'ouvre par une question relative à la formation du témoin. Celui-ci raconte qu'après une scolarité au Lycée Corneille à Rouen, il intègre l'École des Beaux-Arts de Paris en 1962, au sein de l'atelier de Louis Arretche. François Laisney rappelle le contexte de cette époque, à savoir la fin de la guerre d'Algérie, avec la présence d'étudiants au sein de l'atelier ayant fait la guerre et dont les souvenirs violents pouvaient rejaillir sur les jeunes étudiants. Puis il rappelle que dans le système Beaux-Arts, les « patrons » et les assistants n'étaient pas payés et qu'en conséquence, les élèves étaient d'une certaine manière à leur service. La figure de l'artiste dominait. Les marchés de la reconstruction d'après-guerre étaient attribués sur concours et étaient essentiellement attribués aux architectes lauréats des prix de Rome. Il juge les trois premières années de sa formation (de 1962 à 1964) pauvre en enseignement, à l'exception des pratiques du dessin, des grands formats et de l'enseignement du classicisme. Il régnait une atmosphère « anti-intellectuelle » et l'ambiance l'éprouvait sur le plan personnel. Il évoque l'enseignement de Georges Gromort qui a été le professeur de Bernard Huet. Il se souvient que, dans une certaine mesure, les seuls échanges intellectuels se tenaient avec Philippe André et Jean Castex, ce dernier étant l'assistant de Louis Arretche. Il se souvient d'avoir participé à la réalisation d'un album des cartes de Paris, sous la direction également de Philippe Panerai. Les enquêteurs demandent des précisions à François Laisney sur le moment et les raisons qui le motivent à s'intéresser à la recherche, au-delà de la rencontre avec Jean Castex et Philippe Panerai qui étaient eux-mêmes, à ce moment-là, seulement aux prémices d'une recherche structurée. François Laisney évoque sa curiosité intellectuelle, son côté bricoleur et pédagogue ; il aime justifier ses opinions, creuser les sujets, apporter des réponses détaillées mais rappelle que Bernard Huet le qualifiait de papillon et il relate une anecdote aux Beaux-Arts qui illustre sa réputation de penseur. La conversation est ensuite orientée sur les relations du témoin avec Bernard Huet, sur la création de la structure nommée l'atelier collégial, jusqu'à son arrivée au sein de l'Unité pédagogique d'architecture N°8 (UP8) en tant qu'enseignant. Aux Beaux-arts, il se souvient des causeries charismatiques de Bernard Huet sur ses voyages à l'étranger. Il rappelle et explique que dans cette institution, il y a toujours eu la possibilité de créer un atelier dissident, à l'extérieur de l'institution ; Bernard Huet saisit rapidement cette opportunité pour créer un atelier « collégial », ce qui était la caractéristique de ce groupe. Sur le plan personnel, cette rencontre avec Bernard Huet le renforce psychologiquement et sur le plan professionnel, l'amène à travailler pour Michel Écochard. Le besoin est général chez les étudiants de bénéficier d'autres enseignements, ce qui se concrétise, pour François Laisney, par des cours suivis auprès de différentes personnalités : Jean Prouvé (pendant deux ans), Henri Agel en histoire du cinéma, Roland Barthes, et auprès de l'Institut d'urbanisme. Après cette digression, l'entretien revient sur l’activité de l'atelier collégial, entre 1965 et 1968. C'est en son sein que le Rapport vert  est élaboré, pendant les événements de Mai 1968, au domicile de Bernard Huet, François Laisney tenant le rôle de rédacteur tandis que Bernard Huet en est la tête pensante. Ce rapport deviendra la trame d'abord pour la création de l'UP8 puis pour le ministère, pour la nouvelle configuration des études d'architecture. Le Rapport vert s'inspire de l'école allemande Bauhaus, des écoles anglaises et de leur apport en méthodologie, ainsi que des universités américaines et italiennes. François Laisney parle de la composante utopique du texte et des valeurs politiques qui en sous-tendent la pensée. La recherche y est évoquée en fin de rapport, pensée sur le modèle des écoles de médecine et des Centres hospitaliers universitaires, l'idée étant de pratiquer la construction expérimentale au sein des écoles. Bernard Huet refuse la tutelle de l'Ordre des architectes sur les études d'architecture et parle de l'autonomie de l'architecture tout en souhaitant paradoxalement le rattachement à l'université. François Laisney se dit spectateur de Mai1968 et donne son opinion personnelle, puis situe sa famille dans le paysage politique de l'époque. Il entre dans le détail de la création de l'atelier collégial et fait référence aux textes écrits par Bernard Huet en 1969 et surtout en 1970, textes qu'il a en sa possession. Ces écrits concernent le règlement intérieur, les missions des professeurs et les systèmes de notation très complexes. Bernard Huet a d'emblée été le directeur de l'atelier collégial. Le témoin se souvient que les étudiants souhaitaient également la participation de Roger-Henri Guerrand. Puis il explique en détails comment, avec un autre étudiant, ils réalisent une recherche sur le concept de collégialité, celui-ci pouvant avoir une interprétation aléatoire. C'est une période enthousiasmante, avec des voyages au cours de l'année 1965. Il n'omet pas de citer les noms de Pierre Clément et Pierre Saddy et rappelle également l'influence structurante de l'architecte Louis Kahn. L'entretien se poursuit sur le mouvement qui conduit des étudiants en architecture à partir étudier aux États-Unis, au Japon, ou en Italie dans le cas de François Laisney. Celui-ci reçoit une bourse du gouvernement italien qui lui permet d'étudier à l'Institut universitaire d'architecture de Venise en 1969, dans un contexte politique tendu et où le projet est peu enseigné. Il suit les cours de Manfredo Tafuri, Francesco Dal Co et Massimo Cacciari, dont l'approche historique lui fait songer à s'orienter vers des études d'histoire. François Laisney raconte pourquoi il a décliné la proposition de Manfredo Tafuri de faire une recherche sur Henri Labrouste, puis il relate ses recherches sur les expositions universelles, puis son intérêt pour l'urbanistique et enfin, comment il va développer les pistes de la morphologie et de la typologie, à son retour d'Italie. Il analyse que son intérêt pour l'urbanisme lui vient du fait d'avoir grandi dans des villes en reconstruction, suite à la deuxième guerre mondiale ; Louis Arretche étant architecte de la reconstruction, c'est ce qui l'a amené à s'inscrire plus tard dans son atelier. L'enquêtrice sollicite maintenant le témoin sur la période qui s'ouvre à son retour d'Italie et sur sa prise de poste d'enseignant à l'UP8, à la demande de Bernard Huet. Il assure d'une part les studios de projets, des séminaires et des cours, et d'autre part, il est chargé du cours d'histoire de l'architecture des avant-gardes, avec Jean-Patrick Fortin, cours que François Laisney poursuivra d'ailleurs jusqu'en 2008. Il revient sur les événements de Mai 1968, qu'il définit comme une catharsis politique et sociologique et décrit l'intense besoin de se réunir et de communiquer qu'éprouvaient les personnes, sur tous les sujets, ce qui conduira à la création des Unités pédagogiques d’architecture par le décret Malraux, en 1969. Il décrit longuement le fonctionnement de l'UP8, les nombreuses personnalités qui l'intègrent, comme le sociologue Henri Raymond qui sera également à l'origine de l'Institut parisien de recherche Architecture, urbanistique, société (IPRAUS) et qui a une forte influence sur Bernard Huet. Il mentionne la formation créée par Albert Flocon, inspirée par l'école Bauhaus, qui fonctionne d'une certaine façon en binôme avec l'UP8 et et qui y sera plus tard intégrée. Une règle au sein de l'UP8 est la mobilité des enseignants au sein des cinq années de formation des étudiants. Il détaille d'autres modalités de fonctionnement ainsi que la pensée fondatrice qui est la remise en cause de tout et de tous. Les cours d'analyse en deuxième année retardent l'enseignement du projet qui n'intervient qu'en 3ème année, ce qui sera critiqué. Il décrit successivement les enseignements qu'il a prodigués jusqu'en 1975, date où il commence à enseigner le projet urbain, dont le premier concerne la ville de Saint-Denis : il décrit l'étude réalisée, les préconisations et les relations avec les élus. Il milite pour la conservation du petit patrimoine ainsi que pour une distinction entre la ville et la campagne. Il s'intéresse également aux établissements scolaires. Le sujet vient ensuite sur les raisons et circonstances de la création de l'Institut d’Études et de Recherches Architecturales et Urbaines (IERAU) et François Laisney s'engage dans une longue explication à ce sujet. C'est en 1970 que le laboratoire est créé sous forme associative (loi 1901) ; il en est le trésorier. L'objectif est d'avoir une grande autonomie et pour cela, ils se doivent de récolter des contrats du secteur privé ; mais le groupe de recherche sera rapidement intégré à l'UP8. Claude Vié, qui deviendra en 1972 le directeur de l'UP8, conduit la première recherche au sein de l'IERAU sur les corons du Nord. Le rôle d'Henri Raymond, alors sociologue à Nanterre devient central, de par l'organisation de séminaires bi-hebdomadaires à l'UP8. François Laisney note à cette occasion avoir enregistré une conversation entre Bernard Huet et Henri Raymond, à propos du Plan construction, en 1971. Les sujets des premières recherches sont cités, toutes n'étant pas menées à leur terme : l'inventaire des bâtiments de l'architecture moderne, morphologie et typologie, représentation de l'espace avant le XIXe siècle, expositions universelles, puis il cite les travaux sur Bourges menés par Michèle Lambert et Bernard Huet. Pendant une dizaine d'années, l'IERAU est un lieu très ouvert à la recherche. À la question des liens entre les différents groupes de recherche, le témoin répond qu'il n'y avait pas de collaboration à proprement parler, mais que les enseignants-chercheurs se rencontraient dans les différents colloques, conférences et jurys de diplômes, selon les affinités et la proximité intellectuelle des uns et des autres. L'IERAU est proche de l'Association pour le Développement de la Recherche sur l’Organisation Spatiale (ADROS), créée par Jean Castex et Philippe Panerai. Il explique l'importance des réseaux avec tout d'abord Nantes, puis Nancy avec le réseau Formes urbaines, donnant lieu à l'organisation de grandes conférences dans plusieurs régions. L'entretien revient sur les connaissances que François Laisney introduit à son retour d'Italie ; il explique la manière d'y enseigner et l'influence qu'a eu l'enseignement de l'architecte Carlo Aymonino sur la morphologie (il utilise également le concept de morphogenèse) et typologie d'une ville. Il raconte le processus d'exploration d'une ville sous différentes facettes, puis la construction d'un récit, pour aboutir à la formulation d'un projet. Ces réflexions l'amènent à la publication, en 1977, de la recherche intitulée Morphologie urbaine et typologie architecturale , en collaboration avec l'architecte Ahmet Gülgönen, collaboration sur laquelle il s'exprime également. Dans cette recherche, il émet l’hypothèse qu'il existe une alternance de phases où domine alternativement la morphologie urbaine et des phases où s'impose la typologie architecturale. Il exprime des regrets de ne pas avoir développé davantage cette question malgré de nombreuses sollicitations, et en explique les raisons. Il aborde la publication de Jean Castex et Philippe Panerai intitulée De l’îlot à la barre, publiée en 1980 puis discourt à nouveau sur les concepts de typologie et morphologie. Il tient à signaler la présidence de Valéry Giscard d'Estaing comme le moment de nouvelles lois sur l'architecture, de l'arrêt de la construction de grands ensembles et de tours, du passage du quantitatif au qualitatif et de la division du travail d'un seul architecte au profit de plusieurs. Puis il est question des relations avec les institutions tutélaires et le statut de l'enseignant à cette époque (titularisation, grade, concours). Au moment de la création du Diplôme d'études approfondies (DEA) - processus auquel il a participé - le témoin a pu ressentir un écart de traitement à son endroit lié au fait que lui-même n'était pas titulaire d'un titre académique. Dans les années 1980, il s'associe à Ahmet Gülgönen dans l'agence d'architecture l'Atelier parisien de recherche et d'architecture et habitat, au sein de laquelle ils répondent à des concours et explique aussi avoir poursuivi sa formation au contact d'Ahmet Gülgönen. Ils obtiennent de nombreuses commandes municipales. François Laisney décrit le fonctionnement de l'agence et le troisième pôle de recherche qu'il développe sur les grands ensembles, sur lequel il n'a pas fait de publication. Il rappelle et détaille son deuxième pôle de recherche à l'IPRAUS - la réglementation. L'entretien se termine sur une longue analyse réflexive sur ses propres recherches et leur énumération descriptive : typo-morphologie, règles et règlements, grands ensembles. Au fil de la conversation, le témoin livre de nombreux détails sur tous les sujets abordés et évoque de nombreuses personnalités.

Cote :

MMSH-PH-7659

Inventaire d'archives :

ANR EnsArchi

Conditions d'accès :

La consultation de l'enregistrement de l'entretien est autorisée sur le site de la MMSH, uniquement au sein du réseau du programme de recherche EnsArchi. La demande est à adresser au secteur Archives de la recherche - Médiathèque SHS de la MMSH, par courriel à : contact<dot>bibliotheques<dot>mmsh<at>services<dot>cnrs<dot>fr. L'entretien n'est pas accessible en ligne.

Conditions d'utilisation :

La réutilisation de l'enregistrement est autorisée au cas par cas avec accord de l'auteur, dans le cadre de la MMSH, du programme de recherche EnsArchi et de leurs réseaux partenaires, selon le contrat. La reproduction est interdite en dehors de ce contexte.

Description physique :

Information matérielles :
1 fichier numérique au format wav
Importance matérielle :
Durée: 2h 07min

Où consulter le document :

Maison méditerranéenne des sciences de l'homme (MMSH) - Secteur Archives de la recherche

Maison méditerranéenne des sciences de l'homme (MMSH) - Secteur Archives de la recherche

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