Document d'archives : Paul Quintrand , architecte , chercheur et théoricien s'exprime sur le contexte et les débuts de la recherche en architecture,...

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Paul Quintrand , architecte , chercheur et théoricien s'exprime sur le contexte et les débuts de la recherche en architecture, sur la création du GAMSAU avant et après sa prise de fonction à l'ENSA-M

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L'enregistrement débute alors que Paul Quintrand exprime sa conviction, affirmée dès le début de sa carrière, que le projet architectural devait être assis sur un programme, lui-même sous-tendu par une « pensée sur la recherche architecturale, qui définirait la fonction des objets et des fonctions » plutôt que d’élaborer d'abord une image architecturale. Il rappelle qu'à cette époque, l'enseignement de l'architecture était lié à l'institution des Beaux-Arts. Paul Quintrand, qui était impliqué dans le syndicat des architectes dès 1961, avait déjà créé à Marseille le Groupe d'études pour la productivité des architectes (GEPA). Ses membres, en collaboration avec le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSCB), dirigé alors par Gérard Blachère, publient alors un texte sur la question des fonctions qui prime sur celle de l'image et qui explicite leur démarche. Après un parcours brillant à l'école des Beaux-Arts où il prend conscience de la place hégémonique occupée par l'image dans ce cursus, il pressent la nécessité de la suppression de cette école. Le directeur de l'architecture au ministère des Affaires culturelles, Max Querrien, le sollicite à cette période pour participer à une commission de réforme dissidente et lui propose un poste d’enseignant à l'école d'architecture de Marseille, avec la mission de créer le programme de la rentrée 1967. Comptant déjà des architectes dans le corps professoral, il embauche des enseignants d'autres disciplines : 2 sociologues, 2 géographes, 1 mathématicien, 1 informaticien. Il s’appuie dans cette démarche sur son expérience en revenant sur une étude sur le Caractère méditerranéen de l’habitat (OREAM-GAMU) de 1969, où il s'était trouvé face à une énorme masse de données pour le traitement desquelles il avait dû solliciter des spécialistes du CNRS : l'ingénieur-chercheur Mario Borillo et l'archéologue Jean-Claude Gardin avaient su trouver l'organisation logique de cette masse d'informations, révélant à Paul Quintrand « cette possibilité d'utiliser une démarche scientifique pour organiser des données ». Il décrit le principe de cette étude avec le recueil de données sur le milieu, de données scientifiques diverses et de données liées aux habitants. Il dit que tout ceci « a forgé ma pensée, qui était qu'il fallait introduire des méthodes scientifiques et créer des laboratoires pour traiter toutes ces données ». L'enquêtrice revient sur la période qui précède, et sur la création du GEPA. En 1961, Paul Quintrand s'installe à Aix-en-Provence où réside une antenne du syndicat des architectes. Il rencontre différents professionnels comme les architectes Max Graveleau et Claude Magne. Son ami et collaborateur, l'architecte Roger Dabat devient président du syndicat. Paul Quintrand souhaite créer une structure de formation qui prendra le nom d'Université permanente de l'architecture et de l'urbanisme (UPAU), structure qui maintiendra une forte activité, notamment avec l'organisation de séminaires bi-mensuels, dont l'un des thèmes phares était l'écologie. Il sollicite ses connaissances pour le rejoindre à l'université permanente : le géographe Roger Livet, le sociologue Georges Granai, l'historien Georges Duby et le directeur départemental à la construction Raoul Rudot. Celui-ci, lassé de la bureaucratie parisienne lui demandera ensuite de créer le Groupement des ateliers méditerranéens d’urbanisme (GAMU) puis le Groupement des ateliers rhodaniens d’urbanisme (GARU). En effet, dans le contexte d'une nouvelle loi de 1962 autorisant les architectes à se regrouper, R. Rudot demande à Paul Quintrand s'il lui est possible, à partir de l'UPAU, de créer une structure opérationnelle, qui se concrétisera par la création de l' AAUA, l' Atelier d'architecture et d'urbanisme d'Aix en Provence, puis également sur Marseille et Nice, l'UPAU concernant toute la façade méditerranéenne. Puis, Paul Quintrand détaille le plan d'urbanisme proposé pour la plaine située à la sortie de Marseille, du côté de Vitrolles, et pour l'aménagement de la colline du Rove, plan pensé à partir de l'étude sur le Caractère méditerranéen de l’habitat. Ce plan avait été mal reçu. Sollicité par l’enquêtrice, il explique avoir œuvré à la promotion des Universités permanentes dans toute la France. Il avait également créé, au sein de l'UPAU, une petite structure de formation orientée sur l'urbanisme, nommée Institut méditerranéen d’urbanisme (IMU), donnant lieu à l'organisation de séminaires. Lorsque Paul Quintrand entre à l'école régionale d'architecture de Marseille, lors de la grande réforme, il apporte avec lui toute cette réflexion épistémologique. Il explique que le programme qu'il avait conçu avec André Jacques Dunoyer de Segonzac pour la rentrée 1967 avait occasionné des différends avec les architectes déjà en place, notamment avec les frères Lajarrige, qui ont quitté l'école un an plus tard, et dont la vision de l'enseignement de l'architecture était très liée à l'institution des Beaux-Arts. Il raconte également les circonstances d'arrivée à l'école des architectes Paul Nelson et Seymour Howard. Il confirme à l'enquêtrice que, suite à l'organisation d'un atelier d'été à Saint-Maximin, il est approché par Max Querrien, par l'intermédiaire de Florence Contenay, en 1965, pour intégrer les Commissions Querrien, en 1966. L'évocation de la présence de l’architecte Pierre Clément à cet atelier, donne l'occasion d'aborder son lien avec le groupe dissident lors de la formation de Paul Quintrand à l'école des Beaux-Arts de Paris, de ses professeurs Pierre Vivien et Roger-Henri Expert. Paul Quintrand qualifie ce dernier d'homme extraordinaire et cite deux séances de corrections que Roger-Henri Expert avait faites de ses travaux pour illustrer l'extrême implication que le professeur avait auprès de ses élèves. A son départ à la retraite, Roger-Henri Expert est remplacé par un enseignant dont Paul Quintrand n'apprécie pas l'enseignement, ce qui l'amène à rejoindre l'atelier de Pierre Vivien. Ce dernier le sollicitera d'ailleurs un peu plus tard pour travailler à Paris, mais Paul Quintrand décline car, ayant déjà créé les ateliers d'été dans le Sud de la France, il souhaite y demeurer. Vers 1967, il crée, avec Claude Magne, au sein de l'université permanente, dans la filière du groupe de productivité, le CIAB - Centre d'informatique et d'automatique des bâtisseurs. En parallèle, Paul Quintrand utilisait déjà l'informatique dans son agence d'architecture et louait des heures/machines, dans un centre de calcul informatique à Aix-en-Provence. A l'occasion d'une demande de financement pour un projet de création d'une base de données - projet qui avait été jugé prématuré au vu des connaissances sur ce sujet, à ce moment-là - il obtient un important budget pour faire un état de l'art sur les développements informatiques au plan mondial. Avec Gérard Poux et Mario Borillo, informaticien parfaitement anglophone et cheville ouvrière de cette mission, ils se rendent, au début de 1968, dans divers laboratoires de recherche en Angleterre et aux États-Unis, à New-York, Los-Angeles et Berkeley. Il cite Christopher Alexander et Nicholas Negroponte, du MIT, rencontrés au cours de cette mission et déclare que c'est en Angleterre, à Chichester, que les pratiques étaient les plus avancées : des équipes d'architectes avaient fait des programmes informatiques nommés programme « SCOLA » pour la gestion des constructions normalisées des écoles. Ils rencontrent également un chercheur de Portsmouth dont, avec Pierre Clément, ils avaient déjà commenté tous les rapports. Dans le train, au retour d'Angleterre, Paul Quintrand et Mario Borillo décident de créer un laboratoire de recherche, qui sera le GAMSAU, Groupe d’étude pour l’Application des Méthodes Scientifiques à l’Architecture et l’Urbanisme, en 1970. Paul Quintrand parle de la période du mépris, qui s'étale jusqu'au début du premier mandat présidentiel de François Mitterrand en 1981, car le laboratoire de recherche n'avait jusque là qu'un statut associatif, et était à la merci de l'obtention de subventions non pérennes, qu'il avait néanmoins réussi à obtenir de part ses relations, notamment avec Robert Lion, alors directeur de la construction au sein du ministère de l'Équipement et qui l'avait invité à plusieurs reprises dans des voyages d'études financés par des entreprises privées. Les subventions au GAMSAU sont confortées par la conjonction des liens qu'entretient Paul Quintrand avec Robert Lion, devenu directeur de cabinet du premier ministre Pierre Mauroy, par la mission de la Délégation générale à la recherche scientifique et technique (DGRST) qui doit mettre en œuvre la loi n° 82-610 du 15 juillet 1982 portant sur les moyens de la recherche publique et la résorption des chercheurs hors statut, et enfin par le contexte général de soutien à la recherche promu par le président François Mitterrand. A la création du GAMSAU, avec Mario Borillo, Paul Quintrand explique que bien que Borillo ait été membre du CNRS, cette institution n'était pas directement impliquée dans le laboratoire mais les liens existaient de fait. En collaboration avec le président de l'université scientifique de Luminy (Marseille) François Kourilsky, le GAMSAU organise le seul colloque en France sur le thème Recherche et habitat. Paul Quintrand écrit alors à Jean-Pierre Duport, Directeur de l'architecture et de l'urbanisme au ministère de l'urbanisme et du logement qui le nomme au bureau CNRS de la commission Architecture urbanistique et société, qu'ils viennent de créer. Puis les enquêtrices souhaitent préciser le fonctionnement du laboratoire pour la période qui précède l'élection de François Mitterrand (période que Paul Quintrand appelle la période du mépris), une période difficile où ils n'étaient pas considérés et écoutés. Le directeur du CORDA , Comité d'orientation pour la recherche et le développement en architecture, créé en 1972, ne concevait pas la recherche comme une action continue. Les subventions étaient données pour un an et étaient essentiellement issues du Plan construction. L'un des projets a été financé par le CORDA. En 1968, Paul Quintrand revient sur la création du Diplôme d'études universitaires générales (DEUG) à l'université, intitulé Maîtrise des sciences architecturales et d'aménagement. Deux premiers étudiants qui ont fait ce DEUG entrent alors à l'école d'architecture en deuxième cycle, par équivalence. Le GAMSAU délivre des certificats d'études approfondies (CEA) puis un Diplôme d'études approfondies (DEA) en collaboration avec la Faculté des Sciences Saint-Jérôme à Marseille. Ces nouvelles formes d'enseignement sont parfois mal reçues par certains professeurs de l’école d’architecture, qui ne comprennent pas toujours que la recherche n'a pas forcément de résultats opérationnels. Des thèses remarquables sont soutenues comme par exemple celle de Stéphane Hanrot. En 1987, Paul Quintrand confirme qu'il a reçu, de l'université Saint Jérôme une autorisation à diriger des thèses, qui n'était pas une habilitation du fait que lui-même n'avait pas soutenu de thèse. Questionné sur les relations qu'il pouvait entretenir avec d'autres Unités pédagogiques d'architecture, avant 1982, Paul Quintrand cite ses relations avec l'Institut de l'environnement, avec Jacques Zoller et Pierre Clément, avec le Laboratoire d'Informatique appliquée à l'architecture (Li2A) à Toulouse. Il précise également son implication dans différentes structures : GIP Acacia, CERMA puis, revenant sur les financements déclare que « tous les financements que j'ai eu venaient de l'équipement, le jour où on a été à l'architecture ça a été fini ». Les relations avec le ministère de la culture n'ont pas été plus fructueuses. Il était également en lien avec Jean-Pierre Péneau et avec Jean-Pierre Epron, de l'Institut français d'architecture, un homme et un lieu remarquable selon lui. L'architecte Christian Morandi, auteur d’une thèse où il analyse l’usage des nouvelles technologies dans les pratiques professionnelles des architectes, auprès de trois laboratoires de recherche en architecture dont le GAMSAU, nomme les chercheurs les méthodologistes, car au début, ceux-ci faisaient beaucoup de recherches sur la méthode mais n'avaient pas les outils pour implémenter ces méthodes d'un point de vue informatique. Paul Quintrand relate un des grands projets du GAMSAU en collaboration avec Alain Hayot qui venait de créer l'INAMA, sur le quartier Belsunce à Marseille qui faisait l'objet d'un projet de destruction et sur lequel quartier ils produiront une étude architecturale et sociologique, financée par la SONACOTRA et dont les conclusions contradictoires feront scandale. En 1982, la recherche s'est institutionnalisée et tout a changé avec l'arrivée de Jean-Pierre Duport, avec les financements attribués au GAMSAU et à l'INAMA et l'habilitation d'unités de recherches par le comité consultatif de la recherche, au sein du Bureau de la recherche architecturale (BRA) . Des chercheurs ont pu obtenir leur qualification de directeur de recherche au CNRS, comme l'architecte Michel Florenzano par exemple. Ils étaient également financés par le CNRS, principalement par la section Sciences pour l'ingénieur, mais également par la section Sciences humaines. Paul Quintrand retrace les circonstances d'obtention de financements : il rencontre Jean-Pierre Duport à l'occasion de l'organisation d'une exposition à Marseille sur l'image de synthèse, l'informatique et l'architecture, avec la réalisation d'un hologramme du Château d'If, exposition qui sera montrée également à Paris puis au Canada. L'entretien se conclut sur un nouveau point sur le début de la prise de poste de Paul Quintrand en 1967 à l'école de Marseille. Il ne réalisait pas, à ce moment là, à quel point il s'agissait d'une école pilote puisque première école nationale d'architecture, voulue par le ministre André Malraux qui avait dégagé un budget pour créer « ce campus extraordinaire » avec une pédagogie renouvelée, avant l'existence même des Unités pédagogiques. Enfin, il explique avoir beaucoup lutté au sein du conseil d'administration de l'école pour la titularisation des chercheurs, mais également après qu'il ait été retraité de l'ENSAM, en devenant vice-président puis président du Conseil scientifique supérieur de l'enseignement de l'architecture (CSEA). Tout au long de l’entretien, Paul Quintrand cite également d’autres personnes avec lesquelles il a été en lien au cours de sa carrière professionnelle.
Paul Quintrand a relu cette notice documentaire et a pu y apporter les précisions et corrections nécessaires.

Cote :

MMSH-PH-7371

Inventaire d'archives :

ANR EnsArchi

Conditions d'utilisation :

un contrat d'autorisation d'utilisation et de diffusion de l’entretien a été signé avec l’informateur.

Description physique :

Information matérielles :
1 fichier numérique au format wav, enregistreur audio Zoom
Importance matérielle :
Durée: 1h 36min

Références bibliographiques :

Morandi, Christian. Les nouvelles technologies dans la pratique professionnelle des architectes, 1959-1991 : les "méthodologistes", histoire de trois laboratoires d'informatique dans les écoles d'architecture en France. (Doctorat en Histoire de l'architecture, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines). 2011. [En ligne]. https://www.theses.fr/2011VERS003S  [Consulté le 27 septembre 2022]

Où consulter le document :

Maison méditerranéenne des sciences de l'homme (MMSH) - Secteur Archives de la recherche

Maison méditerranéenne des sciences de l'homme (MMSH) - Secteur Archives de la recherche

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