Document d'archives : Chapitre III - Convocations des États

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Les assemblées des États, après avoir été tantôt annuelles, tantôt biennales selon le besoin qu'en avait le prince, finirent par devenir triennales. Elles se tenaient de préférence au mois de mai en vertu de convocations directes émanées du souverain à l'adresse des personnages, des corporations ou des communautés qui avaient droit d'y assister. Elles étaient présidées par le gouverneur ou, en son absence par le commandant de la province. Elles se composaient des députés des Trois Ordres, clergé, noblesse, tiers-état, en proportion inégale. Néanmoins elles conservèrent toujours le caractère féodal qui avait présidé à leur origine. Le clergé et la noblesse qui s'étaient fait la part du lion dans la représentation bourguignonne et se prétendaient les véritables défenseurs des intérêts du peuple vis-à-vis du souverain, s'ils ne purent empêcher l'accès des États aux bonnes villes et bourgs érigés en communes, ne favorisèrent jamais l'extension de leur députation. Ils s'attachèrent toujours à les maintenir dans une sorte d'infériorité qui se traduisait encore avant 1789 dans le mode de votation des décrets, et par des puérilités d'étiquette. La Chambre du clergé se composait des évêques d'Autun, de Chalon, de Dijon, d'Auxerre et de Mâcon ; des abbés réguliers et commendataires, en tête desquels figurait l'abbé général de Cîteaux, et des doyens des cathédrales et des collégiales : trois catégories, parmi lesquelles on choisissait alternativement l'élu et un alcade ou censeur. Puis venaient les prieurs, les députés des monastères et ceux des chapitres, qui, eux, ne concouraient qu'à la nomination d'un alcade. La Chambre était présidée par l'évêque d'Autun, qui s'intitulait encore président né des États. Celle de la noblesse était formée de tous les gentilshommes ayant justifié d'une noblesse de quatre générations. Ces preuves étaient reçues par deux gentilshommes-commissaires sur le rapport desquels la Chambre prononçait. Ces députés, inscrits dans l'ordre des grands bailliages, siégeaient sans aucune distinction sous la présidence de l'élu de la triennalité précédente. Tous indifféremment pouvaient être appelés à remplir les fonctions d'élu ou d'alcade. On pourrait croire par ce qui précède que la Chambre du tiers-état dont la représentation n'atteignait pas au quart de celle du clergé, se serait efforcée de racheter son infériorité numérique par une cohésion plus intime de ses membres, qui lui permît de lutter avec avantage pour la défense de ses intérêts propres. Elle le pouvait en suivant l'exemple des gentilshommes, c'est-à-dire en faisant disparaître de son sein ces inégalités de droits et d'attributions d'autant plus choquantes que tous ses membres avaient la même origine et étaient de la même condition. Malheureusement, il n'en fut jamais ainsi. Tout aussi imbue que les deux autres de l'esprit de caste et d'exclusivisme, la Chambre du tiers-état usait, clans ses relations avec les petites villes et les comtés, des mêmes procédés dont elle avait si souvent à se plaindre ailleurs. Elle ne voulut rien faire pour modifier des exceptions injustifiables et se montra toujours peu sympathique à de nouvelles demandes d'accession. Bref, cette Chambre, dont la présidence appartenait au vicomte-mayeur de Dijon, Élu né, comprenait les députés des quatorze villes de la grande roue en possession de fournir l'élu et l'un des trois alcades. C'étaient, suivant leur ordre d'inscription, les villes de Dijon, Autun, Beaune, Nuits, Saint-Jean-de-Losne, Chalon, Semur, Montbard, Avallon, Châtillon, Auxonne, Seurre, Auxerre et Bar-sur-Seine. Les villes dites de la petite roue n'avaient droit qu'à la nomination du deuxième alcade qui se prenait alternativement, suivant l'ordre que voici : Arnay-le-Duc, Noyers, Saulieu, Flavigny, Montréal, Talant, Mirebeau, Marcigny-sur-Loire, Bourbon-Lancy, Semur-en-Brionnais, Vitteaux, Montcenis, Cuiseaux, Verdun, Saint- Laurent, Louhans et Cuisery. Le troisième alcade était alternativement pris dans les comtés de Charollais, de Mâconnais et de Bar-sur- Seine. Quant aux villes de l'Auxerrois, Seignelay, Cravant, Vermenton et Saint-Bris, admises seulement dans la Chambre, elles ne concouraient ni à la nomination de l'élu, ni à celle de l'alcade. Tous ces députés étaient élus par l'assemblée générale des habitants de ces localités ; Dijon en nommait trois, les villes de la grande roue deux, de même que celles de la petite, à l'exception de Marcigny, Bourbon- Lancy, Semur-en-Brionnais et Montcenis, et les bourgs des comtés d'Auxonne et d'Auxerre qui tous n'avaient droit qu'à un. Ceux des comtés de Charollais, de Mâconnais et de Bar-sur-Seine en élisaient deux. Telle était donc, en dernier lieu, la composition des États de Bourgogne. Il me reste à retracer brièvement en quoi consistait ce qu'on appelait alors la tenue des États. Le matin du jour fixé par le roi pour la réunion de l'assemblée, les membres du clergé et du tiers-état, tous en costume, se rendaient à la Sainte-Chapelle et prenaient place au chœur, les premiers à droite, la noblesse à gauche et le tiers-état au milieu en arrière des places réservées au gouverneur et à sa suite. Celui-ci arrivait bientôt précédé de la noblesse, entouré des lieutenants-généraux, du premier président du Parlement, de l'intendant, de deux trésoriers de France et suivi des officiers de sa maison. On célébrait une messe basse en musique à l'issue de laquelle toute l'assemblée, conformément au cérémonial obligé, se rendait processionnellement dans la grande salle du Palais, lieu consacré de ses réunions. Le gouverneur prenait place sur un fauteuil en velours bleu fleur de lysé, élevé au fond de la salle, sur une estrade de deux degrés, recouverte d'un dais à la pente duquel était le portrait du roi. A sa droite siégeaient le premier président et l'intendant, à sa gauche les deux trésoriers de France. Deux rangs de formes précédés de six fauteuils destinés aux prélats et placés à droite en avant de l'estrade le long du mur recevaient les membres du clergé. Elles répondaient à celles placées en face destinées à la noblesse et en tête desquelles était le fauteuil de l'élu. Le tiers-état présidé par le maire de Dijon, aussi dans un fauteuil, occupait les formes situées en face du prince, et fermait le carré dont le centre, appelé le parquet, recevait le trésorier général, les secrétaires, les conseils et les procureurs-syndics de la province. Comme cette séance était publique, des « personnes de distinction » y entraient, ainsi qu'à la galerie, munies de billets délivrés par le commandant des gardes du prince, qui, par parenthèse, y mettait si peu de discrétion que les dames envahissaient les places même des députés. Il fallut un règlement pour le leur interdire. La suite du prince se rangeait des deux côtés de l'estrade.
L'assemblée réunie, le gouverneur donnait la parole au plus ancien des trésoriers de France qui présentait les lettres de commission pour l'ouverture des États et discourait sur leur contenu. Dans une allocution d'ordinaire assez courte,' le prince n'effleurait la politique que pour expliquer les besoins de l'État. Il la terminait en promettant de se faire, auprès du trône, l'interprète des vœux et des besoins du pays. Suivait une harangue du premier président, habituellement puisée dans un sujet de l'ordre judiciaire. Puis l'intendant, en sa qualité de commissaire du roi, exposait à l'assemblée les intentions du gouvernement sur les principales matières qui allaient être soumises à ses délibérations. Après quoi l'évêque d'Autun prenait la parole au nom du peuple dont il retraçait les misères et demandait le soulagement. La séance levée, les trois ordres se rendaient dans leurs chambres respectives. La porte en était gardée par un huissier. A celle de la noblesse veillait, en outre, un gentilhomme appelé capitaine de la porte, dont la mission était d'en interdire l'accès à quiconque n'avait pas qualité pour y entrer. Les deux secrétaires en chef rédigeaient les délibérations des deux premiers ordres, tandis qu'un de leurs commis « retenait » celles du tiers-état. Il semblerait qu'une assemblée à laquelle de si grands intérêts étaient Confiés dut consacrer à leur discussion un temps considérable. Malheureusement il n'en était pas ainsi. Quinze jours, trois semaines au plus, suffisaient dans les derniers temps pour l'expédition des affaires. Du reste, quand on parcourt les carnets des trois chambres, cette précipitation s'explique. La principale affaire, l'impôt du don gratuit, n'était plus même débattue. On le subissait en regardant comme une grâce la diminution qu'il plaisait au roi d'octroyer. Un certain nombre de demandes analogues à celles qu'on retrouve encore aujourd'hui dans nos conseils généraux, se représentant à chaque assemblée, ne donnaient lieu à aucune discussion. Toute question nouvelle n'était déposée sur les bureaux qu'après avoir été longuement étudiée soit à l'intendance, soit par les élus généraux. On renvoyait enfin l'examen de celles d'une nature délicate à des commissions spéciales, lesquelles en référaient au prince. Celui-ci, sans parler de l'intendant, pesait toujours dans la balance, de telle sorte, et c'était le plus souvent, qu'on n'avait plus qu'à opiner. Toute délibération était prise à la majorité des voix recueillies par le président. En général, la première opération dont on s'occupait était la nomination des officiers, c'est-à-dire des élus, lesquels administraient la province durant la triennalité qui s'écoulait entre deux assemblées, et des commissaires alcades chargés de contrôler les actes des premiers : nous reviendrons plus tard sur ces deux ordres de fonctionnaires. Chaque président désignait ensuite deux rapporteurs qui devaient instruire les requêtes renvoyées à la Chambre, et un orateur auquel on remettait le soin d'adresser le compliment d'honneur aux autres chambres. Ces nominations étaient immédiatement portées à la connaissance du gouverneur et des autres Chambres. Quoique délibérant dans un local séparé, l'ordre du jour de chaque séance était le même pour toutes les Chambres ; il n'y avait exception qu'en ce qui concernait les admissions et les préséances. Des députés nommés par le président transmettaient aussitôt les résolutions prises aux autres Chambres. On les y admettait alors suivant le cérémonial que voici : ceux du clergé et de la noblesse étaient reçus au devant de la porte par quatre délégués qui les introduisaient et leur faisaient prendre place sur des fauteuils devant le président. La communication terminée, celui-ci remerciait : puis l'assemblée se levait, se découvrait, et les députés étaient reconduits dans le même ordre. Les honneurs étaient moindres pour les députés du tiers. Deux délégués seulement les introduisaient, et à leur départ l'assemblée se contentait de se découvrir. A l'issue de la séance de chacune des Chambres, on rédigeait avec leur procès-verbal particulier, toujours signé du président et du secrétaire, un procès-verbal général qui en était la reproduction aussi exacte que fidèle, et que signaient les présidents des ordres et l'un des secrétaires. Puis, l'ordre du jour épuisé, avait lieu ce que l'on appelait la conférence. Toutes les Chambres réunies dans la grande salle d'assemblée, on lisait le procès-verbal général. Si, sur une matière mise en délibération, l'avis des trois Chambres avait été conforme, le président du clergé prononçait : Il y a décret. Si la noblesse ou le tiers- état se trouvaient d'un avis différent, le même président prononçait : Il y a décret au clergé. Quand au contraire la noblesse et le tiers-état se montraient opposés au clergé, le président de la noblesse déclarait : Il y a décret à la noblesse. Le président des États recevait le serment des officiers de la province, on clôturait le procès-verbal, on allait prendre congé du prince, puis l'assemblée se séparait.

Cote :

C 2988-2994

Inventaire d'archives :

États de Bourgogne

Références bibliographiques :

Bibliographie
V. Dumont (François), Une session des Etats de Bourgogne. La tenue de 1718, dans Annales de Bourgogne, t. V (1933), p. 329-370 ; t. VI (1934), p. 47-77, 230, 252, 337-365 : et t. VII (1934), p. 45-69, et à part, Dijon, 1935.

Type de document :

Document d'archives

Archives départementales de Côte d'Or

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