Inventaire d'archives : BARCELONE (institut français)

Cote :

784PO

Publication :

Ministère des Affaires étrangères et du Développement international - Archives diplomatiques
2015
3 rue Suzanne Masson
93126 La Courneuve Cedex

Informations sur le producteur :

Institut français de Barcelone (Espagne)
En 1919, Ernest Mérimée, doyen de l'Université de Toulouse, fonde l'IFB placé sous le haut patronage des ministères des Affaires étrangères (MAE) et de l'Instruction publique. Il s'agit d'une antenne de l'université de Toulouse, financée par cette dernière. L'institut commence réellement ses activités deux ans plus tard, en 1921, sous la forme d'un foyer de culture française en Catalogne. Initialement installé dans un appartement en rez-de-chaussée au 338 de la rue Consejo de Ciento, l'IFB se voit obligé de déménager dès 1922 dans un appartement plus grand situé au 316 rue Aragon. En 1923, un cours secondaire pour préparer les élèves au baccalauréat français est mis en place à la demande de la communauté française, et la salle de conférence élargit ses compétences pour proposer des cours du soir, des expositions et des concerts. Puis, en 1930, le succès de l'IFB ne se démentant pas, l'État français, par l'intermédiaire de la Société générale française de bienfaisance, acquiert une grande villa située au 325, calle Provenza.
En juillet 1936, la guerre civile espagnole est déclarée, et face à la violence des combats, le gouvernement français ferme ses représentations diplomatiques en Espagne et appelle ses ressortissants à rentrer en France. Quelques membres du personnel de l'IFB décident cependant de rester sur place. De 1936 à 1939, Franco impose une censure très stricte à tout le pays, réprime l'expression des cultures espagnoles locales et prend des mesures visant à contrôler les activités de tous les établissements étrangers implantés en Espagne. De cette période, où l'IFB est officiellement fermé, subsistent uniquement les « certificats de non responsabilité en cas d'accident lié à l'état de guerre » que l'IFB fait signer à ses étudiants.
En mars 1939, le maréchal Pétain est nommé ambassadeur de France à Madrid. Il a pour mission de redorer l'image de la France auprès du gouvernement franquiste et de s'assurer de la neutralité de l'Espagne dans le nouveau conflit européen qui se profile. Les instituts, écoles, collèges et lycée français d'Espagne sont autorisés à ré-ouvrir leurs portes. Le maréchal Pétain confie alors à Pierre Deffontaines la mission de réouvrir l'IFB, devenu une structure dépendant directement du MAE. Pour P. Deffontaines, le maréchal Pétain est le héros de Verdun et le sauveur de la France, mais c'est aussi un i proche avec qui il entretient des relations suivies.
Pour composer sa nouvelle équipe, P. Deffontaines choisit des enseignants conformes aux attentes du régime franquiste. La plupart sont, comme lui, issus de la mouvance catholique sociale, avantage non négligeable dans une Espagne très religieuse. Beaucoup sont passés par les Équipes sociales[1] et tous appartiennent aux cercles professionnels de P. Deffontaines. La cohérence sociale et idéologique de son équipe aidera P. Deffontaines à instaurer un climat familial au sein de l'IFB.
Pendant ces premières années de relance, le maréchal Pétain prend conscience de l'importance de la diplomatie culturelle française dans le maintien du statu quo entre la France et le régime franquiste. Il fait son possible pour soutenir le travail de P. Deffontaines. Il obtient par exemple, en période de guerre, les moyens budgétaires nécessaires aux travaux d'agrandissement de l'IFB et un terrain constructible rue Balmès. C'est alors que le cours secondaire devient en 1941 une entité propre baptisée Lycée Français de Barcelone (LFB).
À l'hiver 1942, alors que le régime de Vichy s'enfonce dans la collaboration, on remarque dans la correspondance que P. Deffontaines perd peu à peu la confiance et l'admiration qu'il portait au Maréchal. L'invasion de la zone libre, suivie de l'instauration du Service du travail obligatoire (STO), entraîne une explosion subite du nombre des « évadés de France ». Beaucoup d'entre eux passent par Barcelone avant de tenter de rejoindre Alger ou Londres. P. Deffontaines, à l'instar de la communauté française de Barcelone, s'engage dans l'aide à ces réfugiés. Au sein de l'IFB, il met en place une Université libre des Français de passage où les « évadés » peuvent s'exprimer, partager leurs expériences et leurs idées. La variété de milieux sociaux, politiques et religieux dont sont issus les « évadés » génère de riches discussions sur la réalité de la situation en France. Malgré son attachement à la personne du Maréchal, P. Deffontaines glisse vers la dissidence. L'esprit de convivialité et de fraternité qui règne au sein de l'équipe enseignante de l'IFB lui assure le soutien de ses collaborateurs et de la grande majorité de ses élèves quand, au printemps 1943, il rompt avec le régime de Vichy et annonce le ralliement de l'IFB et du LFB au gouvernement d'Alger. Aussitôt, le gouvernement de Vichy destitue le personnel dissident et envoie une nouvelle équipe de fonctionnaires fidèles au régime pour reprendre les rênes de l'IFB et du LFB.
C'est ainsi qu'en avril 1943, Xavier Sauvage est nommé directeur de l'Institut, Pierre Guidou, sous-directeur, Serge Berne, proviseur du LFB, et Pierre Héricourt, consul général de Barcelone. Ce dernier, de même que Pierre Guidou, représente l'extrême droite du régime de Vichy. Très vite, leurs relations avec la communauté française de Barcelone, la population espagnole et les autorités locales se tendent, notamment quand ils vont expulser manu militari le personnel de l'IFB et du LFB. Protégées par le gouverneur civil de Barcelone, qui a très mal pris le coup de force de Héricourt et Guidou, les équipes dissidentes s'organisent. Tout d'abord, leur ralliement à l'université d'Alger permet à l'ensemble du personnel de retrouver un statut administratif et un salaire. Ensuite, et malgré son devoir de neutralité, le gouverneur civil de Barcelone indique à Deffontaines et Dravet quelles démarches faire auprès des autorités espagnoles pour pouvoir réouvrir légalement leurs structures respectives dès la rentrée de 1943.
À la rentrée 1943, le lycée rouvre ses portes sous le nom l'Instituto cultural Escoda (ICE) et P. Deffontaines prend la tête de la toute nouvelle section française de l'Asociación nacional de estudiantes de idiomas extranjeros (ANEIE). Même si les locaux de l'ICE et de l'ANEIE sont un peu étroits pour accueillir l'ensemble des étudiants, ils sont bien mieux situés dans Barcelone que les locaux de leurs concurrents vichyssois. De plus, grâce à des fonds mis à disposition par les États-Unis, les institutions françaises dissidentes d'Espagne possèdent une aisance matérielle qui fait bien vite défaut aux institutions fidèles à Vichy. P. Deffontaines, André Dravet et leurs équipes reprennent leurs activités presque normalement pendant que les structures vichyssoises vivotent. Ils réussissent le tour de force de proposer une véritable alternative à la programmation culturelle et à l'idéologie proposées par Vichy. Tout au long de cette dissidence, l'aide financière des Alliés, la protection des autorités barcelonaises et le soutien de la population locale rendent cette réussite encore plus éclatante.
Après la chute de Vichy, en août 1944, P. Deffontaines est confirmé dans son poste de directeur de l'IFB par le gouvernement provisoire de la République française (GPRF). À ce titre, il reprend possession des locaux de la calle Provenza dont il avait été chassé par l'équipe de Vichy et y installe une partie du lycée. De son côté, le gouvernement espagnol propose aux consuls généraux américain, anglais et français de démanteler les anciens réseaux de diplomatie culturelle allemand et italien et de s'en redistribuer les locaux. C'est une aubaine pour l'IFB qui obtient la permission, en guise de réparation, de louer les anciens locaux de l'institut italien, situés au 617 avenue José Antonio, en plein centre de Barcelone. Ces locaux vont accueillir l'ensemble des services administratifs de l'IFB. Cependant, l'espace manque toujours et le projet de construction calle Balmés n'étant pas encore lancé, le LFB doit conserver les locaux utilisés pendant la dissidence. Il se retrouve ainsi installé sur quatre sites différents : calle Bruch, calle Disputación, calle Provenza et les locaux du Lycée Diagonal. Pour P. Deffontaines, cette solution ne peut être que temporaire, d'autant que les effectifs du lycée s'accroissent en moyenne de 180 élèves par an. Souhaitant une unité géographique, il vise les locaux de l'ancien collège allemand, situés carrer Moiá, et son jardin d'enfant à la Bonanova. Il s'agit d'un complexe appartenant à une association allemande qui, soutenue par les consuls généraux américains et anglais, accepte d'être destituée de ses titres de propriétés à condition que les bâtiments servent à la mise en place d'un collège international. P. Deffontaines relève le défi et l'ancien collège allemand est transformé en un collège international, constitué comme une section interne du Lycée français : la nouvelle structure ouvre ses portes dès la rentrée 1946.
En 1946, la France, qui a retrouvé un peu de poids sur la scène internationale, prend la tête de l'embargo imposé à l'Espagne et ferme sa frontière avec l'Espagne. P. Deffontaines maintient donc les cours de premiers cycles universitaires, mis en place durant la guerre afin que les jeunes bacheliers de Barcelone puissent poursuivre leurs études françaises post-bac. De plus, la fermeture de la frontière interdit aux universitaires et intellectuels français d'intervenir à Barcelone. Pour continuer à offrir une programmation culturelle riche et variée, P. Deffontaines se tourne alors vers les intellectuels et les artistes catalans. En leur permettant d'exprimer leur culture à l'IFB, P. Deffontaines les aide aussi à braver la censure très stricte du régime franquiste. Les conférences à l'IFB sont traditionnellement suivies d'un temps de parole, d'échange entre le conférencier et ses auditeurs. Ces débats, libres de toute censure, sont une véritable bouffée d'oxygène pour les Catalans qui trouvent à l'IFB un espace unique de liberté de parole. Progressivement, ces temps de parole vont évoluer vers des rendez-vous réguliers sans lien avec une conférence ou une exposition spécifique. C'est la naissance des Cercles de l'IFB. Il s'en créera une dizaine au fil des ans, parmi lesquels le prestigieux cercle Maillol qui regroupe les artistes contemporains de Catalogne, les cercles de géographie et d'études européennes, si chers à P. Deffontaines, ou encore le Carrefour, le cercle des étudiants et anciens étudiants de l'IFB qui sera l'un des plus dynamiques[2]. Ces cercles, et la liberté de parole qui les caractérise, vont permettre à P. Deffontaines d'associer l'IFB à des colloques internationaux ou à des manifestations artistiques de grande envergure, organisés à Barcelone. Grâce à la mise en place d'un système de bourses, il réussit à envoyer des artistes et des intellectuels catalans effectuer des recherches dans les universités et les entreprises françaises. Ce faisant, ils renforcent le prestige culturel et la notoriété de l'IFB, aussi bien en France qu'en Espagne, et lui permettent d'attirer toujours plus de nouveaux étudiants.
Pour toucher un public toujours plus large, l'IFB développe également ses différentes sections extérieures réparties dans toute la Catalogne et les Baléares. Des cours du soir de français et de littérature y sont donnés, des bibliothèques satellites, approvisionnées en livres par la bibliothèque de l'IFB, y sont développées. La presque totalité de ces ouvrages sont rédigés en français, et pour beaucoup ils sont envoyés directement de France par les services du MAE, permettant ainsi de contourner la censure franquiste.
Le modèle original, notamment les cercles, mis en place par P. Deffontaines à l'IFB parvient à fonctionner même sous la censure la plus stricte du régime et dans un contexte économique local plus que difficile. Avec l'allègement progressif de la censure et la reprise économique de l'Espagne, il devient de plus en plus aisé à P. Deffontaines de proposer un programme culturel riche et un enseignement de qualité. L'IFB trouve son rythme de croisière et continue à se développer régulièrement après le départ de P. Deffontaines, en 1964, et jusqu'à la fin de la censure en 1975.

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Organisme responsable de l'accès intellectuel :

Centre des archives diplomatiques de Nantes

Identifiant de l'inventaire d'archives :

FRMAE_0784PO

Où consulter le document :

Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères - Direction des archives

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