Inventaire d'archives : La Guadeloupe pendant la Révolution et l'Empire : administration générale (1792/1794-1816)

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Si, comme en France métropolitaine, les événements se précipitent aux colonies pendant la période révolutionnaire, celle-ci revêt cependant une tonalité particulière, due à la spécificité même du territoire qu'elle concerne. En effet, aux colonies, l'enjeu politique diffère : l'affrontement n'oppose pas seulement des classes sociales soucieuses de se maintenir ou de conquérir le pouvoir, il se double d'une lutte raciale, impliquant les blancs, les libres de couleur et les noirs. Dans ces conditions, les déchirements des factions révolutionnaires parisiennes atteignent finalement relativement peu la colonie, et toujours avec retard, du fait de l'éloignement. La formation de la première coalition et la déclaration de guerre faite par la France à l'Angleterre en février 1793 viennent encore compliquer une situation déjà bien embrouillée.
Sans entrer dans le détail des événements, longuement décrits par les historiens1, retenons seulement ici les éléments qui donnent à cette période historique de l'histoire de la Guadeloupe sa tonalité propre. Alors même que la terreur jacobine culmine à Paris, les Anglais s'emparent des îles françaises d'Amérique, Guadeloupe et Martinique. Peu de temps auparavant, la Convention avait proclamé l'abolition de l'esclavage, par le décret du 16 pluviôse an II (4 février 1794). Victor Hugues, nommé commissaire par le gouvernement révolutionnaire, débarque sur l'île, muni du précieux décret. Il parvient à repousser les troupes anglaises grâce à l'aide des anciens esclaves et prend en main les rênes du pouvoir, imposant une dictature sévère jusqu'en 1798 : il contraint notamment les anciens esclaves – on les appelle désormais « cultivateurs » – non enrôlés dans l'armée à demeurer sur les habitations, sans pour autant percevoir de salaire. Il encourage parallèlement la guerre de course, y compris contre les neutres.
Son successeur, le général Desfourneaux, tente d'assouplir le régime instauré par Hugues, mais n'en a guère le temps, car il est renvoyé en métropole à l'issue d'un coup de force auquel participent des officiers de couleur. En effet, les luttes raciales ont pris un tour aigu du fait de l'appui donné par Victor Hugues aux libres de couleur, à la fois contre les colons (blancs le plus souvent) et les cultivateurs (anciens esclaves). Comme en métropole, le Directoire correspond à une période d'agitation politique et de coups de force successifs. Mais c'est l'arrivée sur l'île du capitaine général Lacrosse, en mai 1801, qui met le feu aux poudres, déclenchant la rébellion générale. Celui-ci, pourtant jacobin de la première heure, avait déjà séjourné en Guadeloupe en 1793 et s'était alors heurté au gouverneur Collot. De retour en 1801, il mène désormais une politique réactionnaire, tentant d'imposer à la Guadeloupe un régime dictatorial comparable à celui qu'a instauré Bonaparte en France. Las ! La situation n'est guère comparable, et ce qui réussit à Paris ne convient pas forcément ailleurs. Lacrosse aboutit en quelques mois à dresser l'île toute entière contre lui, rassemblant l'espace d'un instant dans une même opposition les ennemis d'hier (libres de couleur et noirs). Un coup de force de l'armée chasse le capitaine général et met à sa place un gouvernement provisoire, dirigé par Magloire Pélage, un officier de couleur.
La signature de la paix d'Amiens avec l'Angleterre, qui met un terme à la première coalition, permet cependant au Premier consul de reprendre la situation en main, d'autant plus que la Guadeloupe n'est pas la seule à menacer l'unité de la nation : la perle des Antilles, Saint-Domingue, est dirigée d'une main de fer par un général noir, Toussaint Louverture, qui, en 1801, a proclamé unilatéralement une constitution frisant la déclaration d'indépendance. Bonaparte envoie contre lui son beau-frère, le général Leclerc, tandis que Richepance est chargé de ramener l'ordre en Guadeloupe. Le noir Ignace et le mulâtre Delgrès incarnent l'apogée de la résistance, mais succombent l'un après l'autre (mai 1802). Dans les mois qui suivent, Lacrosse rentre en Guadeloupe, et l'esclavage est rétabli de facto, sinon en droit. Ainsi se clôt l'épisode le plus marquant de la Révolution à la Guadeloupe. Le général Ernouf succède à Lacrosse en 1803, mais le régime n'évolue guère. Tout semble être revenu à l'ordre ancien.
La rupture de la paix dès 1803 et la reprise des hostilités contre l'Angleterre se traduit ipso facto par de nouveaux combats maritimes dont les colonies font les frais. En 1809, la Guadeloupe tombe une nouvelle fois aux mains des Anglais, et il faut attendre la fin de l'Empire et la première abdication de Napoléon pour qu'elle soit rendue à la France (1814). Mais l'épisode des Cent-Jours a ses conséquences aussi dans l'île. Celle-ci se rallie à l'empereur, alors même que Napoléon subit son ultime défaite sur le champ de bataille de Waterloo. Les traités de paix issus du 2e congrès de Vienne, s'ils affectent fortement l'étendue du territoire métropolitain, maintiennent à peu près son domaine colonial, et la Guadeloupe fait retour à la France, définitivement cette fois. Après quelques difficultés, les Anglais se retirent, et l'administration royale se met en place en 1816, inaugurant une nouvelle page de l'histoire de l'île.
Les limites chronologiques retenues sont, en amont, 1792/1794 et en aval, 1816. La première limite résulte du terminus ad quem fixé pour les séries d'Ancien Régime (Voir SERVANT (Hélène), Fonds des gouverneurs et du gouvernement de la Guadeloupe (1661-1789/1792), Gourbeyre, 2004, 39 p. dactyl., en particulier l'introduction p. 3-8).
Si 1794 marque le premier grand bouleversement, avec la prise de la Guadeloupe et l'arrivée de Victor Hugues, 1792 constitue cependant un tournant indéniable, notamment au plan législatif : les documents de cette date classés ici ressortissant précisément à ce domaine, il a paru plus logique de les classer ici que dans la série C.
La date de clôture règlementaire de la série L est l'an VIII, et plus précisément le 28 pluviôse an VIII (17 février 1800), qui crée l'institution préfectorale. Or, ainsi qu'il découle de ce qui précède, une telle coupure constitue un non-sens pour la Guadeloupe. Il eût été plus logique de choisir l'arrêté de germinal an IX comme limite finale. Mais que faire alors des documents produits jusqu'en 1809, date de la deuxième capitulation face aux Anglais ? Le retour des Bourbons et le rétablissement de l'institution gubernatoriale dans sa plénitude en 1816 ont paru constituer une rupture institutionnelle plus évidente, d'où le choix opéré.
La sous-série 1 L rassemble donc des documents couvrant globalement toute la période inscrite entre l'Ancien Régime et la Restauration, qui représente une succession d'épisodes troublés, une histoire marquée par les hésitations, tant au plan local qu'au plan central, marquée aussi par la tentation de l'indépendance, à la manière de Saint-Domingue, avant le coup d'arrêt brutal infligé par Richepance, Lacrosse et la répression de 1802.
En dépit de leur diversité, les pièces rassemblées ici permettent d'entrevoir ce qu'a pu être la Guadeloupe de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle. Les quelques lettres de Lacrosse révèlent ou confirment ce qu'on l'on savait déjà de son caractère. La correspondance des officiers municipaux du Lamentin relative à l'état civil (1 L 6) témoigne d'une volonté administrative d'ordre et de rigueur qu'en d'autres temps et d'autres lieux on aurait peut-être qualifié de tatillonne, mais qui prouve ici plus sûrement un sens certain des responsabilités. Certains papiers militaires permettent d'imaginer des carrières, des tranches de vie…
Bref, une nouvelle fois, l'archive révèle ici sa puissance évocatrice pour nous retracer un épisode crucial de l'histoire de la Guadeloupe.

Cote :

1 L 1-54

Publication :

Archives départementales de la Guadeloupe
2016
Gourbeyre

Informations sur le producteur :

Origine:
Gouvernement de la Guadeloupe (1792-1816)
Biographie ou histoire
D'un point de vue institutionnel, la constitution de l'an VIII (1799), tout en reconnaissant l'appartenance des colonies à la République française, une et indivisible (Art.1), demeure cependant très floue sur leur régime législatif. Le texte stipule seulement : « le régime des colonies est déterminé par des lois spéciales » (art. 91). Dans les faits, le Consulat promulgue le 29 germinal an IX (19 avril 1801) un arrêté confiant le pouvoir à un triumvirat – capitaine général, préfet colonial et commissaire de justice – qui reproduit l'ancien tandem gouverneur / intendant d'avant la Révolution. La réalité du pouvoir appartient au capitaine général, véritable chef de la colonie, héritier direct du gouverneur général et même plus puissant que lui, puisqu'il lui est permis de surseoir à l'exécution des lois et règlements existants. Ses deux collègues se répartissent, chacun dans son domaine de compétence, le pouvoir règlementaire dont jouissait jadis l'intendant.
Comme dans la métropole, le retour à l'ordre et la refonte de la gestion des institutions locales s'exécutent donc selon le principe de la centralisation, tendance encore accrue sous l'Empire. Cependant, on notera que, alors que dans les départements métropolitains, le pouvoir local est délégué à un administrateur unique – le préfet – aux colonies, d'une part il est éclaté, et d'autre part, l'autorité est placée dans les mains d'un militaire et non d'un civil : il est vrai que l'arrêté du 29 germinal an IX (15 avril 1801) a été pris initialement pour la seule Guadeloupe, à une date précisément où l'île menaçait de basculer dans l'anarchie, voire d'être perdue pour la France. En outre, le contexte international et les impératifs de la défense contre l'Angleterre justifiaient pleinement aussi cette orientation. Le choix institutionnel opéré répond donc à la fois à une volonté politique forte au plan théorique – des lois spéciales pour le domaine colonial – et à un pragmatisme évident dans l'application pratique.
La constitution de l'an VIII distinguait aussi le territoire continental et européen de la Nation de ses territoires ultramarins dans leur découpage institutionnel (art. 1) : la conséquence en est que ceux-ci perdent désormais la faculté de se faire représenter dans les assemblées nationales, dont le rôle est, précisément, d'élaborer la loi. En proclamant la spécialité législative pour son domaine colonial (art. 91), et en écartant par ailleurs toute intervention de mandataires de celui-ci dans la confection des lois, la nouvelle Constitution marque bel et bien un retour très net à l'Ancien Régime, couronné par la loi du 30 floréal an X (20 mai 1802), qui rétablit de facto l'esclavage aux colonies, et dispose pour celle-ci que : « Nonobstant toutes les lois antérieures, le régime des colonies est soumis, pendant dix ans, aux règlements qui seront faits par le Gouvernement » (art. 4).
Le sénatus-consulte du 16 thermidor an X (4 août 1802), paracheva l'édifice en confiant au Sénat, bras droit du gouvernement, le soin de rédiger une constitution coloniale… qui ne vit jamais le jour.

Informations sur l'acquisition :

Informations sur les modalités d'entrée
Achats et dons, à des dates diverses.
Historique de conservation :
Historique de la conservation
La cinquantaine de pièces originales réunies dans la sous-série 1 L s'apparente davantage à une collection qu'à une sous-série organique, au plan archivistique s'entend. Il s'agit en effet de pièces isolées, acquises au coup par coup auprès de particuliers ou de revendeurs spécialisés (libraires, antiquaires) ; elles avaient d'ailleurs été initialement classées en série 1 J, du fait précisément de leur mode d'entrée dans les fonds et collections des Archives départementales de la Guadeloupe1. Il a cependant paru opportun de faire primer l'origine publique – logique et vraisemblable – des documents sur leur mode d'acquisition, afin, justement, de reconstituer un ensemble homogène, correspondant à une réalité historique donnée, fût-elle temporaire. Le tout a été classé dans la série L affectée, toujours selon le cadre de classement réglementaire des Archives départementales, aux administrations de l'époque révolutionnaire, pour former la sous-série 1 L, au titre volontairement généraliste (En revanche, on a maintenu en série J les papiers de famille et privés ou présumés tels, pour la même époque).

Description :

Évolutions :
Accroissements
Du fait des modalités mêmes de sa constitution - acquisitions auprès de particuliers ou de libraires spécialisés - la sous-série est susceptible d'accroissements, en fonction des disponibilités du marché.
Mise en forme :
Mode de classement
Le plan de classement retenu s'articule en fonction à la fois des domaines d'intervention du pouvoir local et de la chronologie. Celle-ci a prévalu en particulier pour organiser la correspondance des administrateurs, dont l'objet ressortit souvent davantage à la sphère privée qu'au domaine public (recommandations, par exemple). On trouvera sinon les subdivisions traditionnelles relatives à l'administration, aux finances, à l'armée, aux travaux publics, à l'assistance publique.
La presse a fait l'objet d'un traitement spécifique : les publications officielles, tant nationales (Moniteur universel) que locales (Bulletin officiel de la Guadeloupe) ont été classées dans la première partie, à la suite des lois et décrets : s'agissant d'exemplaires originaux et isolés, leur classement dans les séries règlementaires (2 K et 3 K) risquait de les éclipser (On rappellera en outre que le début de la collection de la Gazette officielle de la Guadeloupe n'existe
aux ADG que sous forme de photocopies.).

Conditions d'accès :

Statut juridiqueArchives publiques
Communicabilité
Conformément aux lois et règlements en vigueur.

Conditions d'utilisation :

Conditions d'utilisation
Conformément aux lois et règlements en vigueur et, le cas échéant, selon l'état matériel des documents.

Description physique :

Description physique:
Nombre d'éléments
Nombre d'éléments: 53 pièces, 1 boîte.
Métrage linéaire
Métrage linéaire: 0.15

Ressources complémentaires :

Autre instrument de recherche
Administration de la Guadeloupe pendant la Révolution et l'Empire (1792 - 1816). Administration générale. Inventaire analytique de la sous-série 1 L, par Hélène Servant, 2004. - Dactyl., 41 p.
Sources internes
- 1 Mi : microfims de complément et 5 J : sources complémentaires de l'histoire de la Guadeloupe (tirages sur papier des microfilms). Voir en particulier la correspondance des administrateurs de la colonie avec le ministère de la Marine et des Colonies pour l'époque considérée (les originaux se trouvent au CAOM).
- 1 J : petits fonds et pièces isolées entrés par voie extraordinaire, 1493-2001. Certaines pièces datent de la période considérée.
Sources externes
- Service national des archives d'Outre-mer (Aix-en -Provence) : C/7A et C/7B : Guadeloupe, correspondance à l'arrivée.

Références bibliographiques :

Bibliographie
- LACOUR (Auguste), Histoire de la Guadeloupe , Basse-Terre, 1858-1860 (4 vol.).
- BOYER-PEYRELEAU (Eugène-Édouard), Événements de la Guadeloupe en 1814 et pendant les Cent jours , 1849.
- BOYER-PEYRELEAU (Eugène-Édouard), Les Antilles françaises, particulièrement la Guadeloupe, depuis leur découverte jusqu'au 1er janvier 1823 , Paris, 1823 (3 vol.).
Une mise au point récente a été donnée par ADÉLAÏDE-MERLANDE (Jacques), BÉLÉNUS (René), RÉGENT (Frédéric), La rébellion de la Guadeloupe, 1801-1802 , Gourbeyre, 2002 (recueil de textes commentés).
On consultera également avec profit les nombreux articles consacrés à la période considérée publiés dans le Bulletin de la Société d'histoire de la Guadeloupe , ainsi que les actes du colloque tenu à Saint-Claude les 2-3 mai 2002, publiés sous le titre 1802 en Guadeloupe et à Saint-Domingue, réalités et mémoire , Basse-Terre, 2003.

Observations :

Exploitation du document
Certains documents avaient jadis été classés dans la sous-série 1 J, du fait de leur mode d'entrée. L'indication de l'ancienne cote dans la notice permettra aisément de les retrouver.

Organisme responsable de l'accès intellectuel :

Archives départementales de la Guadeloupe

Mises à jour :

vendredi 15 septembre 2006
  • Conversion de l'instrument de recherche sous forme électronique
  • mardi 1 août 2006
  • Rédaction de l'instrument de recherche sur papier
  • jeudi 11 mai 2023
  • Ajout de l'article 1 L 54
  • Identifiant de l'inventaire d'archives :

    FRAD971_1L

    Où consulter le document :

    Archives départementales de la Guadeloupe

    Archives départementales de la Guadeloupe

    Liens