La remise de ces archives par Anne Pingeot est l’ultime manifestation d’une double volonté, celle tout d’abord de François Mitterrand de transmettre à sa seconde famille, des écrits, dont on peut penser qu’il les estimait porteurs d’un message sur l’homme qu’il fût et ses engagements.

C’est aussi, pour Anne Pingeot, l’expression d’un choix, celui d’assurer une postérité à ces écrits, à caractère majoritairement politique et, peut-être, de donner à connaître des aspects de la personnalité de François Mitterrand dans le prolongement de la publication, en 2016, de sa correspondance personnelle.

À ce titre cette sélection de documents, effectuée par François Mitterrand, est un marqueur de ses engagements politiques les plus forts (la construction européenne, les engagements internationaux de la France, les valeurs de la République notamment avec le très beau discours de commémoration de la déclaration universelle des droits de l'homme) mais aussi d’événements marquants de sa mandature (guerre du Golfe, engagement de la France au Tchad, crise économique, etc.).

Les écrits de la main de François Mitterrand sont tous les témoins de son intense travail sur les textes. Il n’hésite pas à remettre sans cesse son ouvrage sur le métier et ce jusqu’à ce que le mot le plus approprié, la tournure la plus juste, la phrase la plus ciselée s’imposent à lui. L’exemple le plus caractéristique est le discours d’accueil du pape Jean-Paul II le 14 août 1983. La série, très présente dans cette collection, des vœux aux Français sont autant de témoignages du soin apporté par François Mitterrand à chacune de ses interventions publiques. Le manuscrit des vœux pour l’année 1993 ne compte pas moins de 7 versions de la page introductive. Rédigés parfois à Gordes (Vaucluse) comme l’atteste épisodiquement la mention postérieure de la main d’Anne Pingeot, ils traduisent, au-delà du rituel, l’expression d’une pensée politique et d’un dessein pour la France. L’émotion transparaît aussi de ces écrits et se manifeste intensément dans la rédaction du discours pour les obsèques de Pierre Bérégovoy (4 mai 1993).

François Mitterrand a aussi conservé par devers lui des documents qui lui étaient chers, soit en raison de l’identité de leur scripteur, un ami d’enfance ou un intellectuel catholique, tel Jean Guiton, soit parce qu'ils évoquaient un moment important de sa vie politique (déclaration au soir de son élection le 10 mai 1981), ou son action à la tête de l'État ("mesures immédiates à prendre »). Il est pour autant difficile d’en tirer des conclusions d’autant que nous trouvons aussi des documents qui ne sont là que par leur caractère amusant (voir 20210242/1, document 37, la réponse adressée par François Mitterrand à l'invitation adressée par le quotidien ), anecdotique ou en lien avec un souvenir partagé avec sa fille Mazarine (voir 20210242/1, document 14).L'Aurore

La présence discrète d’Anne Pingeot auprès de François Mitterrand se lit en creux à travers la mention de la dactylographie qu’elle a pu effectuer pour certains textes ou pour la prise de notes "à la volée » telle que nous le révèle le document « mesures immédiates à prendre ». Cependant cette discrétion n’est pas effacement et cette modestie est plus l’expression d’une réserve que d’une absence d’influence.

D’autres documents doivent peut-être leur présence dans cette collection à des conversations privées entre François Mitterrand et Anne Pingeot, témoignages de leur complicité. Citons à ce titre la note de Jacques Pilhan et Gérard Colé sur le choix à effectuer entre Yves Duteil et de Johny Clegg pour le générique de fin d’une émission.

Cette collection constitue un ensemble unique de manuscrits de François Mitterrand, dont les écrits de président de la République sont disséminés dans l’ensemble des archives de sa mandature, soit à travers les annotations portées sur les notes de ses conseillers, soit dans les brouillons de correspondance, soit dans ceux de ses discours.