Inventaire d'archives : Inventaire de l'Armoire de fer

Contenu :

Du coffre-fort matériel à la « vitrine » de l'institution
Dès le 29 juillet 1789, l'Assemblée nationale pense à rassembler tous les documents qui émaneront d'elle en un seul lieu et elle prévoit, dans son premier règlement, de faire fabriquer un meuble spécial où puissent être conservés les papiers les plus importants. Par ailleurs, un décret du 8 octobre 1790, fixant le nombre, la valeur et la forme des assignats, ordonne de déposer aux Archives nationales, « dans une caisse à trois clefs », tous les ustensiles et matrices qui auraient servi à leur fabrication. Il faut cependant attendre le 30 novembre 1790 pour que l'archiviste Armand-Gaston Camus reçoive l'autorisation de passer commande d'un véritable coffre-fort, susceptible de décourager le vol et de résister à l'incendie.
L’armoire de fer est exécutée entre décembre 1790 et février 1791 par le serrurier Marguerit pour un peu plus de 2 000 livres, sur les dessins de l'architecte de l'Assemblée, Pâris, et sous la conduite de l'inspecteur Vacquier. De proportions impressionnantes (8 pieds 2 pouces de hauteur sur 8 pieds 2 pouces de largeur et 2 pieds 8 pouces de profondeur), elle est constituée de deux caissons métalliques enchâssés l’un dans l’autre. Le plus petit est aménagé de casiers, d’une vitrine centrale et d’un petit coffre dissimulé par une porte peinte de faux registres en trompe-l’œil. Quatre serrures, commandées par trois clefs, défendent l'intégrité de l'armoire. Sur l'une, on peut lire : « Serrure à la nouvelle Constitution faite par S. Pommera m[aî]tre s[errurier] à Paris. Seule en f[évri]er 1791 » ; sur deux autres : « J. Henry Koch le 15 février 1791 fecit » ; sur la quatrième enfin, qui ouvre le compartiment secret, on a inscrit, certainement ultérieurement : « Fecit J. Henry Koch le 17 décembre 1790 ». Ce serrurier allemand, né près de Worms en février 1729, s'était fixé à Paris, quai de Gesvres, avant la Révolution. Un système de code secret combiné avec la serrure (désactivé depuis) renforçait encore la sécurité de l’armoire. Quant aux clefs de l'armoire de fer, l'une, la plus ouvragée des trois qui ouvre le petit coffre porte l'inscription : « Dédiée à la Nation, 14 décembre 1790 ». Le règlement de l'Assemblée partage la responsabilité des clefs - « l’une sera entre les mains du président, la seconde en celles du secrétaire, et la troisième en celles de l’archiviste » - et impose aux détenteurs d'officier en personne lors de chaque ouverture.
L’armoire de fer est primitivement installée dans les locaux affectés le 7 août 1790 aux archives de l'Assemblée dans l’ancien couvent des Capucines. En septembre 1793, elle est déplacée au Palais national, c'est-à-dire aux Tuileries, où siègent les représentants de la Nation. Lorsque les assignats n'eurent plus cours et que l'archiviste cessa d'être élu pour être nommé par le pouvoir exécutif avec le titre de Garde général, les trois clefs lui échurent sans partage. L’armoire de fer demeure aux Tuileries jusqu'en 1848-1849, date à laquelle elle rejoint l'administration des Archives. Son installation à l'hôtel de Soubise, siège des Archives nationales, prévue lors des grands travaux entrepris à partir de 1838, n’est probablement effectif qu'à partir de 1849. Elle est d'abord installée dans la salle des Gardes, au premier étage de l’hôtel de Soubise, avec le Trésor des chartes. Le 15 janvier 1866, elle rejoint son emplacement actuel dans la salle affectée à la Section historique et au Trésor des chartes au centre de la nouvelle aile des dépôts construits le long de la rue des Quatre-Fils, derrière deux vantaux de chêne.
Précisons que l'Armoire de fer des Archives nationales ne doit pas être confondue avec l'armoire de fer des Tuileries exécutée secrètement à la demande de Louis XVI pour renfermer certains dossiers dans l’appartement du roi aux Tuileries.
En 1790, la première fonction de l’Armoire de fer est celle d’un coffre-fort destiné à protéger les planches, timbres et poinçons nécessaires à la fabrication des assignats. Très vite, elle abrite des documents ou objets essentiels aux yeux des représentants des Assemblées. Dès 1792, l’Assemblée nationale y dépose l’acte original de la Constitution et les minutes des décrets. Le 28 février 1793, on y place les deux livres rouges de Louis XVI et le 29 ventôse an II (19 mars 1794), les étalons du mètre et du kilogramme en platine.
L’Armoire de fer perd rapidement son caractère de coffre-fort et, dès la fin de l’Empire, elle devient la « vitrine » de l’institution. Les différents états qui en ont été dressés - celui de Daunou en 1831, celui de Natalis de Wailly, Cauchois-Lemaire et Michelet en août 1849, au moment du transfert à l'hôtel de Soubise, et celui de Lecestre en 1884 – traduisent la variation de son contenu, reflet des engouements et des rejets de l'historiographie à un moment donné.
Depuis 1996, l'Armoire de fer a renoué avec l'héritage révolutionnaire, puisqu'elle renferme comme pièces essentielles l'ensemble des textes constitutionnels de la France, passés et présents.
AE/I : une sous-série liée à un lieu de rangement
À partir de 1867, le contenu de l’Armoire de fer est étroitement lié à l’histoire du musée des Archives inauguré en juillet de la même année. Créé à l’instigation de Léon de Laborde, directeur des Archives, afin de présenter un « abrégé de l’histoire de France » à travers les « monuments écrits de la Patrie » et de rendre sensible l’évolution de l’écriture, des supports et des conventions diplomatiques, le musée présente une sélection de plus de 1800 documents au premier étage de l’hôtel de Soubise.
Alors même qu'on réfléchissait au choix des pièces de ce « Musée français », et que Laborde et ses collaborateurs travaillaient au repérage et à la sélection des documents, une note de juillet 1861, relative à l'ouverture du futur musée (AB/XII/4) posait la question du devenir de l'Armoire de fer : ce « dépouillement [des fonds] conduira à demander si l’Armoire de fer peut subsister après ce travail ? Il semble utile de la conserver pour deux causes : 1° elle devra contenir les objets très précieux qu’une vitrine ne garantirait pas suffisamment contre les chances de vol ou d’incendie 2° les papiers secrets qui sont retirés, par exception, des séries auxquels ils appartiennent. » Finalement, l'Armoire de fer est conservée et placée sous la tutelle du musée ; la série AE (Armoire de fer et Musée) est ouverte en 1867 et répartie comme suit : AE/I (Armoire de fer) et AE/II (Musée des documents français). En 1878, l’extension du musée, avec l’ouverture de salles consacrées aux grands documents étrangers, entraine la création de la sous-série AE/III (Musée des documents étrangers). Le musée va dès lors, en fonction de l’évolution de son parcours de visite, effectuer de nombreuses recotations au sein de la collection que constitue l'ensemble des sous-séries AE. Notons, entre autres, les traités de Frédéric II présentés dans le musée, cotés en AE/III, puis rangés dans l'Armoire de fer car scellés d'une bulle d'or, et alors recotés en AE/I ; le journal autographe de Louis XVI et ses cartes à jouer, le registre contenant le Serment du jeu de Paume, sortis de l'Armoire de fer pour être présentés dans les salles du musée « français », cotés en AE/II, puis finalement réintégrés dans l’Armoire de fer et recotés en AE/I. Ces recotations successives témoignent de la réflexion sur l'évolution du parcours permanent du musée et sur l'utilisation de l'Armoire de fer tant comme coffre-fort matériel que symbolique et mémoriel.
La sous-série bénéficie encore de nouvelles entrées. En 1996, les exemplaires originaux des Constitutions de la France de 1791 à nos jours, déposés au Archives nationales par le Ministère de la Justice, ont intégré l'Armoire de fer. C'est également le cas, plus récemment, des boîtes, documents sur parchemin et médailles retrouvés dans la statue de Henri IV au Pont-Neuf, au moment de sa restauration en 2004.
Les documents qu'elle contient sont aujourd'hui au nombre d'environs 1150 pièces répartis entre 31 cartons.
Sauf mention contraire, les documents sont en langue française.

Cote :

AE/I/1/1- AE/I/31/6

Publication :

Archives nationales
2022
Pierrefitte-sur-Seine

Informations sur l'acquisition :

Les nombreuses recotations au sein de la collection que constitue l'ensemble des séries AE du musée (passage de AE/II à AE/I, de AE/III à AE/I) témoigne du caractère également purement topographique et pratique du classement : un coffre coffre-fort matériel autant que symbolique et mémoriel (or, autographes...).
Historique de conservation :
La sous-série AE/I (Armoire de fer) apparaît pour la première fois dans l’ .Inventaire général sommaire des Archives de l’Empire de 1867
Initialement le numéro d'article de la cote des documents correspondait au numéro du carton où était conservée chaque pièce. Le reconditionnement récent des documents ayant entraîné un refoulement, les cotes ne correspondent donc plus nécessairement au numéro du carton.

Conditions d'accès :

Les documents sont librement communicables sous réserve de restrictions apportées par leur état matériel

Conditions d'utilisation :

Selon les termes de la loi du 15 juillet 2008

Description physique :

Importance matérielle :
31 cartons
Dimensions :

Ressources complémentaires :

  • par M. Cauchois-Lemaire, N. de Wailly et J. Michelet, août 1849. Inventaire manuscrit des documents conservés dans l'armoire de fer
Il s'agit de l'inventaire le plus ancien, qui bien que périmé, offre un intérêt historique, car il contient entre autre une copie de l'inventaire rédigé en 1831 par ordre de Daunou ainsi qu'une concordance avec les états antérieurs et postérieurs à celui-ci.
  • , rédigé par Léon Lecestre après le récolement fait en 1883 et la réintégration d'un certain nombre de pièces. 1884. Contient une table de concordance de l'ancienne et de la nouvelle numérotation des cartons. Inventaire manuscrit, carton par carton et pièce par pièce, des cartons de l'armoire de fer
  • sans date, 55 p. Inventaire analytique dactylographié des documents conservés dans l'armoire de fer,
  • 2 carnets, sans date. Inventaire analytique manuscrit des médailles déposées dans l’Armoire de fer,
  • , sans date, 12 p.Inventaire analytique dactylographié des médailles, sceaux et timbres déposés à l'Armoire de fer
  • AB/XII/3 : inventaires et récolements anciens de l'Armoire de fer et notes dont le indiquant, carton par carton, le contenu des pièces selon une organisation chronologique allant de Dagobert à Robespierre.Plan synoptique de l'armoire de fer des Archives nationales de 1849

Références bibliographiques :

  • Folleville Antoine-Charles, marquis de, « Procès-verbal concernant le dépôt des objets ayant servi à la fabrication des assignats, lors de la séance du 31 mars 1791 ». In : Archives Parlementaires de 1787 à 1860 - Première série (1787-1799) Tome XXIV - Du 10 mars 1791 au 12 avril 1791. Paris : Librairie Administrative P. Dupont, 1886. p. 492. Consultable en ligne : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1886_num_24_1_13178_t1_0492_0000_2
  • Langlois Charles-Victor, « État sommaire des documents entrés aux Archives nationales par des voies extraordinaires (dons, achats, échanges) depuis les origines jusqu'à présent ». In : Bibliothèque de l'école des chartes. 1917, tome 78. pp. 5-116. Consultable en ligne : www.persee.fr/doc/bec_0373-6237_1917_num_78_1_448593
  • James-Sarazin Ariane. « Aux grands hommes, la patrie reconnaissante » : 1867, le marquis de Laborde et le Musée des Archives In : [en ligne]. Paris : Publications de l’École nationale des chartes, 2004. Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/enc/682>. ISBN : 9782357231191. DOI : https://doi.org/10.4000/books.enc.682. Archives et nations dans l’Europe du XIXe siècle
  • Béchu Claire (dir.), , Paris, Somogy / Archives nationales, 2008, 384 p.Les Archives nationales, des lieux pour l'histoire de France : bicentenaire d’une installation (1808-2008)
  • Potin Yann, "1830 : la révolution des Archives" in L'Histoire, n°363, avril 2011.
  • Bat Jean-Pierre et Potin Yann, « Les archives et l’emprise du secret de l’État », Le Secret de l’État. Surveiller, protéger, informer (XVIIe-XXe siècle) (catalogue d’exposition, Paris, Archives nationales, 2015-2016), dir. Sébastien-Yves Laurent, Paris, Archives nationales/Nouveau-Monde, éditions, 2015, p. 173-216 (p. 182-185).
  • Chave Isabelle, « Napoléon Ier aux Archives impériales (1852-1870) : stratégie des preuves et affirmation dynastique », Napoleonica. La Revue, 2016/2 (n° 26), p. 105-173. Consultable en ligne : https://www.cairn.info/revue-napoleonica-la-revue-2016-2-page-105.htm

Localisation physique :

Paris

Organisme responsable de l'accès intellectuel :

Archives nationales de France

Identifiant de l'inventaire d'archives :

FRAN_IR_058231

Liens