Page d'histoire : Jean-Baptiste Isabey Nancy (Meurthe-et-Moselle), 11 avril 1767 - Paris, 18 avril 1855

Portrait de la reine Hortense, aquarelle de Jean-Baptiste Isabey, 1814, détail du Livret de romances de la reine Hortense, Rueil-Malmaison,  châteaux de Malmaison et de Bois-Préau.

Formé par Jacques-Louis David à la peinture d’histoire, Isabey choisit de se faire connaître comme miniaturiste et dessinateur sous la Révolution. En proposant à ses contemporains des oeuvres de qualité mais accessibles au plus grand nombre, il sait faire de son choix un atout qui le distingue de ses camarades d’atelier. Cette préférence s’inscrit dans un contexte très favorable à la diffusion de portraits de moindres coût et format. Entre 1789 et 1799, la miniature se glisse en effet peu à peu dans toutes les couches de la société. Par leur sobriété toute davidienne, les portraits d’Isabey emportent l’adhésion des critiques et attirent les amateurs. On admire la « vérité » des traits et les couleurs qui sont celles de la « nature » (Portrait de Constantin, 1796, musée du Louvre). Caractérisés par un clair-obscur proprement caravagesque, ses dessins en manière noire créent une vogue extra ordinaire qui encourage bien des vocations (La Barque, 1798, musée du Louvre). L’expression de « manière d’Isabey » s’impose alors comme un lieu commun dans le discours des spécialistes. Intime de Joséphine de Beauharnais, Isabey est, sous le Directoire, un des portraitistes les mieux introduits auprès des classes dirigeantes. L’histoire a surtout inscrit son nom dans le sillage de Napoléon. Entre 1800 et 1814, il est l’auteur de plusieurs dessins officiels qui scandent les grandes étapes du nouveau régime (Le Livre du Sacre, 1805- 1809, Fontainebleau). Grâce aux nombreux titres qu’il reçoit sous l’Empire – dessinateur du cabinet, peintre des relations extérieures, décorateur en chef des théâtres de la cour – Isabey se voit conférer une reconnaissance artistique majeure et une position unique. Il parvient, non sans difficulté, à jongler avec des tâches variées, passant du décor de théâtre à la peinture de porcelaine, de la production des miniatures pour les présents diplomatiques à la réalisation des portraits officiels du roi de Rome. La chute de Napoléon met un frein à l’ascension du peintre. Sous la Restauration, Isabey est tenu à l’écart en raison de ses engagements bonapartistes. Il est alors un des premiers à s’intéresser à la lithographie et à la technique de l’aquarelle (L’Escalier du Louvre, 1817, musée du Louvre). Si ses portraits miniatures adoptent un style plus « romantique », l’effet répété des voiles évanescents et des coups de vent fige toutefois son art et le transforme, sous la monarchie de Juillet et le Second Empire, en homme du passé. Toute sa vie, Isabey aura milité, par ses prises de position et par ses succès, pour une redéfinition des critères de la reconnaissance artistique, non plus fondés sur le genre, la technique ou le format, mais avant tout sur l’agrément du public. Dans une certaine mesure, sa célébrité a contribué à assouplir les critères traditionnels de la distinction artistique (hiérarchie des genres) et à fragiliser l’assise de ceux qui s’en réclamaient les héritiers légitimes (peintres d’histoire) au tournant des XVIIIe et XIXe siècles.

Cyril Lécosse
maître-assistant en histoire de l’art moderne université de Lausanne

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Source: Commemorations Collection 2017

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