Jacques Demy n’a réalisé que quatorze films tant il était soucieux de se renouveler. S’il conçut à nouveau un film musical qui réédita le triomphe des Parapluies de Cherbourg , Les Demoiselles de Rochefort, sorti trois ans plus tard, contraste par sa tonalité joyeuse, par une utilisation audacieuse des décors portuaires, rendus féeriques malgré leur naturel, et par son astucieuse association de vedettes hollywoodiennes (Gene Kelly, George Chakiris) et françaises (Michel Piccoli, Danielle Darrieux). Il bénécia en outre de la réjouissante complicité entre Catherine Deneuve et Françoise Dorléac , deux sœurs jouant des jumelles. L’aînée, Françoise, marqua le cinéma de son empreinte malgré son décès quelques mois après. Entre dix-sept et vingt-cinq ans, elle avait enchaîné quinze films. Plusieurs demeurent des classiques, où cette virevoltante actrice prouva que son registre était très étendu (le gai L’Homme de Rio fut réalisé la même année, 1964, que le grave La Peau douce). À l’intense plaisir éprouvé à revoir Les Demoiselles de Rochefort se joint dès lors un pincement au cœur, mais aussi la nostalgie d’une époque où des films d’auteur dépassaient le million d’entrées et où il était rendu hommage au cinéma américain en s’en inspirant et non en l’imitant servilement.

Pascal Manuel Heu, docteur en histoire du cinéma

Source: Commemorations Collection 2017