Page d'histoire : Jean-Louis-Edgar Quinet Bourg-en-Bresse, 17 février 1803 - Versailles, 27 mars 1875

Dessin de Sébastien Melchior Cornu, 1833
Musée Carnavalet - Paris
© Photothèque des musées de la ville de Paris / cliché Briant

Edgar Quinet naît à Bourg-en-Bresse, le 17 février 1803. Sur son éducation s’exerce une double influence : le catéchisme libéral d’une mère calviniste et la légende de la Grande Armée que sert, au loin, un père « commissaire aux Armées ». Le philosophe de l’histoire tiendra le plus grand compte du « génie des religions », tandis que le poète nourrira avec constance, d’Ahasvéruse (1833) à Merlin l’Enchanteur (1860) en passant par Napoléon (1836), un projet épique.

En 1825, étudiant le droit à Paris et traduisant les Idées de Herder, Quinet consulte Cousin, qui lui présente Michelet, traité sur le champ en frère d’élection. Fasciné par l’Allemagne savante et romantique, il s’établit à Heidelberg l’année suivante. Il y fréquente Creuzer, dont il admire la Symbolique.Il y épouse Minna Moré, fille de pasteur. Mais, de retour dans sa patrie d’adoption après avoir participé, comme « archéologue », en 1829, à une mission scientifique française en Morée, il ne tarde pas à déplorer un « engouement subit de la puissance et de la force matérielle », dont il avertit l’opinion française.

C’est dire qu’il accepte avec empressement à Lyon, en 1839, une chaire de « littérature étrangère ». Mais il lui préfère celle qui est créée pour lui, peu après, au Collège de France. Il s’allie à Michelet pour dénoncer publiquement, en 1843, l’« esprit de mort » de la compagnie de Jésus, puis pour réveiller l’esprit de la Révolution, « beaucoup plus proche du christianisme que ne l’est aujourd’hui l’Église » (Le Christianisme et la Révolution, 1845). La jeunesse des Écoles applaudit et se mobilise dans la rue. Les deux agitateurs sont, l’un après l’autre (Quinet dès 1845), suspendus.

La révolution de février 1848 leur rouvre triomphalement le Collège de France. Mais Quinet préfère représenter le département de l’Ain à la Constituante, puis la Législative. Il y conteste aussi bien le secours militaire accordé au pape contre les patriotes de Garibaldi que le vote clérical de la loi Falloux. Comme les républicains les plus rebelles au Prince président, il doit s’enfuir le 2 décembre 1852.

Un long exil s’ensuit, à Bruxelles, puis à Veytaux, au bord du Léman, en compagnie de la roumaine Hermione Asaky, épousée après le décès de Minna. Quinet s’interroge sans complaisance sur le double échec de la Ière et de la II  République. Il y voit celui d’une révolution politique nullement initiée et préservée de la tentation totalitaire, comme le fut l’Angleterre puritaine de la « Grande Révolution » de 1689, par une révolution religieuse. Quinet contredit ainsi et pour la première fois Michelet, qui persiste à soutenir que la « Révolution » de 1789 fut, en soi, une « Fondation » religieuse.

Rapatrié en septembre 1870 par la proclamation de la République, Quinet s’enferme bientôt dans Paris assiégé, dont il partage l’intraitable volonté de résistance à l’invasion germanique. Élu député de la capitale en février 1871, il condamne, au printemps, la sanglante répression de la Commune. Jusqu’à la mort, qui le frappe à Versailles le 27 mars 1875, un an après Michelet, il dénoncera le projet, conçu par Thiers, d’une « république sans républicains ».

Paul Viallaneix
professeur des universités

Source: Commemorations Collection 2003

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