Page d'histoire : René-Louis de Voyer de Paulmy, marquis d'Argenson Paris, 18 octobre 1694 - Saint-Sulpice-de-Favières, 26 janvier 1757

René-Louis de Voyer, marquis d’Argenson
estampe
Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon
© RMN/Gérard Blot

Fils de Marc-René d’Argenson, garde des Sceaux, frère de Marc-Pierre, comte d’Argenson, et père d’Antoine-René, marquis de Paulmy, tous deux ministres d’État, le marquis d’Argenson n’a pas marqué les mémoires par son court passage aux Affaires étrangères, de 1744 à 1747. Le Roi voulait un exécutant, non un théoricien ; le marquis d’Argenson ne fit que soupçonner l’existence de la diplomatie secrète de Louis XV ; les courtisans surnommaient cet homme noir et rogue « d’Argenson la Bête » ; le malentendu s’acheva par un retrait forcé.

Ce malentendu était ancien : intendant puis conseiller d’État très jeune, René-Louis d’Argenson ne prend point de goût à ces charges, contrairement à son frère cadet, le brillant comte d’Argenson. Il préfère la libre réflexion au sein du club de l’Entresol. Il y élabore des théories diplomatiques inspirées de  Richelieu aussi bien qu’un précoce libéralisme, théories novatrices, mais éloignées du concret du pouvoir, qui feront dire à Voltaire que d’Argenson eût été digne d’être secrétaire d’État dans la république de Platon.

C’est dans la retraite que le marquis d’Argenson poursuit jusqu’à sa mort son travail de mémorialiste et de théoricien. Les Considérations sur le gouvernement de la France, appréciées de Rousseau, furent composées pour l’essentiel en 1734. Les Essais, rédigés vers 1736, sont enrichis par l’expérience ministérielle. Enfin, il existe deux éditions des Journal etmémoires du marquis d’Argenson. Cette grande chronique est un des plus précieux documents que nous ayons sur l’histoire politique du règne de Louis XV.

Le marquis d’Argenson, malgré sa passion avouée pour les systèmes, n’a pas laissé de théorie unifiée, mais plutôt des fragments de théories où se disputent la démocratie aristocratique de Boulainvilliers, le libéralisme économique, des sentiments d’égalitarisme et le souvenir embelli des grands gouvernants du XVIIe siècle. Cela ne suffit pas à faire de lui le précurseur des révolutionnaires, encore moins des socialistes ; ses pages les plus polémiques doivent plus à l’humeur qu’à la réflexion ; mais le marquis d’Argenson s’impose comme une figure libre et sincère, fidèle à ses amis comme à ses choix, une voix singulière dans un des siècles les plus brillants de notre histoire.

Yves Combeau, o. p.
archiviste-paléographe

Source: Commemorations Collection 2007

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