Page d'histoire : Publication du premier album des Aventures d'Astérix 1961 1961

Vercingétorix jette ses armes aux pieds de César. C’est après cet épisode dramatique que débute la célèbre épopée de la résistance aux Romains animée par Astérix et ses compagnons
Huile sur toile de Lionel Royer, 1899
Musée Crozatier du Puy-en-Velay
© Le Puy-en-Velay, musée Crozatier / Photo Emmanuel Magne

Le projet d’une série en bande dessinée mettant en scène « nos ancêtres les Gaulois » a été posé et développé, durant l’été 1959, au long de séances de travail réunissant le scénariste Goscinny et le dessinateur Uderzo. Le propos initial des auteurs, piliers, avec le scénariste Jean-Michel Charlier, du nouvel hebdomadaire pour la jeunesse Pilote, était de proposer une bande dessinée à finalité comique mais jouant sur un ressort emprunté à la culture nationale. Or ce sont les Aventures d’Astérix le Gaulois, jugées a priori secondaires par rapport aux séries aventurières proposées par le même titre, qui allaient s’imposer comme la série phare. Et dans la foulée c’est Pilote tout entier, dont Goscinny prendrait la direction, qui allait s’imposer comme le lieu où se retrouveraient, l’espace d’une dizaine d’années, à peu près tous les grands noms de la nouvelle génération francophone de la bande dessinée – la formule commence à s’imposer. Mais la transformation en « phénomène de société » aura eu besoin du passage à l’album, à partir de 1961. Le premier titre est tiré à dix mille exemplaires ; six années plus tard, le huitième connaît un premier tirage de un million deux cent mille exemplaires, épuisé en deux jours. À l’orée du XXIe siècle, l’ensemble des albums vendus de la série, toutes traductions confondues, dépassait les trois cent vingt millions.

Le succès initial est dû à l’étroite complicité des auteurs, à l’apogée de leurs forces créatrices. René Goscinny (1926-1977) s’est déjà imposé avec Lucky Luke comme le meilleur scénariste comique de sa génération ; Albert Uderzo (né en 1927) est un dessinateur aux talents variés, capable de passer avec aisance du réalisme à la caricature. L’un et l’autre sont des perfectionnistes, reconnus dans la profession pour leur sérieux.

La rencontre avec la société française s’est faite sur un jeu subtil avec les références à la culture scolaire nationale, dont Goscinny, longtemps expatrié, était un pur produit, mais aussi, et plus au fond, sur son génie propre, jamais à court de situations et de formules aptes à susciter le rire, fécond dans l’invention de types remarquables. En 2002, la popularité du film d’Alain Chabat Astérix et Obélix, Mission Cléopâtre – présentement premier film français de l’histoire par le nombre d’entrées en première exclusivité –, a prouvé la capacité de la série à s’adapter, sans se renier, à un environnement (éthique, donc comique) bien différent.

Mais le plus étonnant de cette histoire réside dans l’écho rencontré bien au-delà des frontières de la francophonie, à l’exception notable des terres anglo-saxonnes. Sans doute les publics qui font fête à cette improbable saga jugée initialement « franchouillarde » – on rappellera que les deux auteurs sont des enfants d’immigrés – ont-ils retrouvé dans ce combat sans gravité mais pas sans signification du petit contre les gros, du village gaulois contre les dominants de tous styles, l’écho de leurs propres utopies. C’est ce qu’on appelle l’universel.

 

Pascal Ory
professeur d’histoire à la Sorbonne-Paris 1
membre du Haut comité des Célébrations nationales

 

Toujours actif, Albert Uderzo poursuit avec succès la série des aventures d’Astérix.

Source: Commemorations Collection 2011

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