Page d'histoire : Construction de la nouvelle salle de lecture de la Bibliothèque impériale 1868

La salle Labrouste, photographie de Jean-Christophe Ballot, 2016, Paris, Bibliothèque nationale de France.

Si le nom d’Henri Labrouste figure, avec ses pairs Duban, Hittorff, Viollet-le-Duc, Baltard, Garnier…, au panthéon des géants du XIXe siècle de l’architecture, la notoriété de ses réalisations dépasse cependant celle de leur auteur. Tout le monde connaît la bibliothèque Sainte-Geneviève et la salle de lecture de la Bibliothèque nationale sans pour autant savoir à qui nous les devons. Labrouste a traversé son époque en la gratifiant de bâtiments qu’il serait tentant de qualifier par une énumération de superlatifs tant ils imposent le respect et l’admiration par leur beauté et leur modernité.

Henri Labrouste est le fils d’un révolutionnaire modéré, notable bordelais. Après de brillantes études à l’École royale des beaux-arts, il remporte le prix de Rome en 1824. Ses travaux en Italie sur l’architecture antique ne freineront pas son appétence de modernité et de rationalité ; son envoi à l’Académie des beaux-arts d’un projet de restauration des temples de Paestum fera polémique. Il commence sa carrière avec Félix Duban, puis s’établit rapidement.

L’immense succès de la bibliothèque Sainte-Geneviève convainc l’empereur Napoléon III de lui confier le 16 février 1854 la succession de Louis Visconti pour reconstruire la Bibliothèque impériale, vétuste et obsolète. La bibliothèque, d’abord royale, fut ramenée de Blois à Paris par Charles IX et Colbert l’installa dans son hôtel rue Vivienne. En 1721, le quadrilatère Richelieu l’accueille. Labrouste comprend les enjeux de sa mission et développe un projet global et ambitieux qui fonde la bibliothèque moderne en l’innovant ; il isole les fonctions servantes et servies, magasins et lecture. Contraint de se limiter aux emprises initiales, l’architecte élabore un plan d’action en deux campagnes distinctes : dans la première, il conserve l’hôtel Tubeuf et la galerie Mazarine, mais détruit celle bâtie par Visconti rue Vivienne pour ouvrir le site sur un jardin agrémenté d’un bassin et de parterres. Dans la deuxième campagne de travaux de 1868, Labrouste fait démolir l’hôtel de Chevry pour y édifier le long des rues de Richelieu et des Petits-Champs sa nouvelle salle de lecture et le magasin central des imprimés. Le magasin central s’étage astucieusement sur trois niveaux de galeries métalliques qui filtrent la lumière autour d’un vide central. La salle de lecture, ouverte au public le 2 juin 1868, est indéniablement un chef-d’oeuvre d’architecture : Labrouste compose un plan carré, surmonté de neuf coupoles sur pendentifs soutenues par d’élégantes colonnes en fonte. La lumière zénithale se répand généreusement dans un majestueux volume sur les lecteurs et crée des conditions de travail particulièrement confortables. Un hémicycle forme un espace de transition entre la salle de lecture et les magasins.

Un rapprochement intéressant est à effectuer entre les dispositions constructives de Labrouste et celles visibles au Panthéon à Rome ou à l’hôpital des Innocents à Florence de Brunelleschi. Elles ont fait dire à Oppermann, un ingénieur contemporain : « C’est par de semblables initiatives que l’architecture moderne sortira de la routine gréco-romaine qui l’a longtemps asservie. »

Antoine Daudré-Vignier, architecte DPLG

Source: Commemorations Collection 2018

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