Article : L'action de la Résistance intérieure dans la libération du territoire

En juin 1940, la France subit une défaite écrasante face à l’Allemagne nazie : le 17 juin, le maréchal Pétain, le héros de Verdun, désormais président du Conseil après la démission du gouvernement Reynaud, annonce sa volonté de "cesser le combat" et d’ouvrir des discussions avec l’ennemi. L’armistice, signée à Rethondes le 22 juin entre les deux belligérants, divise la France en une zone occupée, au nord, et "libre" au sud, et lui impose de coopérer avec le vainqueur. Le 10 juillet, réunis en Assemblée nationale à Vichy, la Chambre des députés et le Sénat votent les pleins pouvoirs au maréchal Pétain.

Le général de Gaulle, sous-secrétaire d'État à la guerre dans le gouvernement Reynaud, refuse la défaite et s'établit à Londres dès le 17 juin, d'où il lance le lendemain son célèbre appel sur la BBC à poursuivre le combat, très peu entendu dans une France en plein exode, et considéré aujourd'hui comme l'acte fondateur de la Résistance extérieure, dite la France libre

Les débuts de la Résistance intérieure

En France, l'opposition au gouvernement de Vichy et aux autorités allemandes se manifeste très tôt par des actes isolés, comme celui de Jean Moulin, préfet d'Eure-et-Loir, qui refuse le 16 juin 1940 de signer un document accusant des tirailleurs sénégalais d’avoir commis des atrocités contre les civils et ceux d'anonymes, qui appellent à la résistance, lacèrent des affiches allemandes à Lille ou inscrivent des "V" (comme "Victoire") et portent des croix de Lorraine. Certains événements, comme l'entrevue de Montoire entre Hitler et Pétain le 24 octobre 1940, à l'issue de laquelle est instaurée la collaboration avec l'occupant et interdites les commémorations du 11 novembre, incitent les jeunes lycéens et étudiants parisiens à manifester sur les Champs-Élysées et autour de l'Arc de Triomphe. D'autres rejoignent Londres et les Forces françaises libres (FFL), comme les pêcheurs de l'Île de Sein, ou renseignent les réseaux britanniques du Special Operation Executive (SOE) et ceux de la France Libre, mis en place par le 2e Bureau, futur Bureau central de recherche et d'action (BCRA).

Tract dactylographié distribué aux étudiants pour la manifestation du 11 novembre 1940
Copie d'un tract distribué aux étudiants pour la manifestation du 11 novembre 1940,11 novembre 1940 (72AJ/78, pièce 12) © Archives nationales

Apparaissent également dès 1940 de part et d'autre des deux zones des mouvements de résistance organisés, mais n'ayant pas de lien entre eux : en zone occupée, le groupe du musée de l'HommeLibération-Nord, l'Organisation civile et militaire (OCM) ou le groupe Robert dans le Calvados, et en zone libre, France-Liberté -rebaptisé en 1941 Franc-Tireur-, le Mouvement de libération nationale (MLN) -futur Combat- ou Libération-Sud. Recrutant ses membres dans l'ensemble de la population, ces groupes aident les prisonniers évadés, fabriquent des faux-papiers, distribuent des tracts, éditent des journaux clandestins, Résistance, Combat ou Libération et organisent des actes de sabotage, une voie ferrée en Charente-Inférieure (Charente-Maritime) et dans l'Hérault, une usine électrique dans les Basses-Alpes (Hautes-Alpes), un pont à Tours ou un dépôt de pétrole dans l'Aude. Dans les maquis, des lieux isolés ou difficiles d'accès, se regroupent déjà quelques dizaines d'hommes fuyant Vichy ou l'occupant, Républicains espagnols, Juifs, communistes ou anciens militaires.

Tract manuscrit distribué aux habitants de la Vienne : Français au lieu de collaborer résistez
Tract manuscrit appelant à résister, s.d. (12 J 85) © Archives de la Vienne

L'unification

Après la rupture du pacte germano-soviétique et l'ouverture d'un nouveau front à l'est en juin 1941, les mouvements de résistance, toutes sensibilités politiques confondues, se multiplient, notamment avec l'engagement du Parti communiste dont les sympathisants et les membres n'avaient agi jusque-là qu'à titre individuel.

En octobre 1941, Jean Moulin, qui a rejoint la zone libre après avoir été révoqué par Vichy, rencontre le général de Gaulle à Londres et lui présente un état des lieux de la Résistance intérieure. Le chef de la France Libre le charge de la constitution d'une Armée secrète (AS) et de la nécessaire unification sous son commandement de la Résistance pour la future libération du territoire. Le général Delestraint prend la direction de l'AS en novembre 1942 et entreprend d'en professionnaliser les membres, issus des groupes de combat des mouvements. Le 27 janvier 1943, les chefs de la Résistance de la zone sud, Henri Frenay (Combat), Emmanuel d'Astier de la Vigerie (Libération-Sud) et Jean-Pierre Lévy, (Franc-Tireur) signent l'acte officiel de naissance des Mouvements unis de Résistance (MUR), dont la direction est confiée à Jean Moulin. 

Portrait photographique en noir et blanc du chef de l'Armée secrète du Cantal
René Grégoire dit Urbain (1906-1944), chef départemental de l'Armée Secrète du Cantal de 1943 à 1944, 1943-1944 (48 Fi 69) © Archives du Cantal

La première réunion du Conseil national de la Résistance le 27 mai 1943 scelle l'unification définitive de la Résistance et de ses composantes : présidé par Jean Moulin, il reconnait le général de Gaulle comme chef politique de la Résistance et permet de fédérer les mouvements de la zone sud (Combat, Libération-Sud et Franc-Tireur), ceux de la zone nord (l'Organisation civile et militaire, Libération Nord, Ceux de la Résistance (CDLR), Ceux de la Libération (CDLL), le Front national), les partis politiques et les confédérations syndicales. 

La Résistance en action

Au début de l'Occupation, la lutte armée ne fait pas partie des actions prioritaires de la Résistance intérieure qui, privilégiant la propagande, ne s'y engage qu'à partir du début de l'année 1941. Les différents mouvements créent leurs structures de combat, les groupes francs, le Parti communiste fusionne ses organisations militaires, l'Organisation spéciale (OS), les Bataillons de la Jeunesse et les groupes dédiés de la Main-d'oeuvre immigrée (MOI), dont celui de Missak Manouchian, au sein des Francs-Tireurs et Partisans français (FTPF) et la réquisition de la main d'oeuvre exigée par l'Allemagne puis l'instauration du Service du travail obligatoire (STO) en 1943 grossit considérablement les rangs des maquisards.

Photographie noir et blnac : un groupe de 8 jeunes hommes armés pose devant l'appareil ; derrière eux une haie et un arbre
Un groupe de maquisards posant arme à la main, 1944-1945 (64 Fi 401) © Archives de l'Ain

Dès lors, attentats, sabotages et meurtres de soldats allemands se multiplient, que le colonel Fabien initie en tuant en août 1941 un militaire de la Kriegsmarine à la station Barbès-Rochechouart, malgré le peu d'armes et de munitions envoyées par Londres. Les cibles sont bien déterminées : les moyens de transport, en particulier les voies ferrées et les trains, les installations industrielles travaillant pour l’occupant, les membres de la Sipo-SD et de la Wehrmacht, comme ceux des polices françaises et de la Milice.

Photographie en noir et blanc de l'intérieur d'une usine détruite par la Résistance
Vue de l'usine "Cuivre-et-Alliages" de Ham assurant la fabrication d'armes allemandes, sabotée par la Résistance, 1941 (26W624) © Archives de la Somme

La répression est terrible : parfois dénoncés par la population ou trahis par leurs camarades, les "terroristes" sont traqués par la Sipo-SD et la Milice, fusillés  ou déportés pour la plupart d'entre eux, leurs camps détruits, des maquis démantelés et des otages exécutés en représailles. Certains, torturés, préfèrent se suicider pour ne pas livrer de noms, comme Pierre Brosselette ou Fred Scamaroni.

Affiche en allemand et en français avertissant de l'exécution de 20 otages en représailles à des attentats contre des trains allemands
Avis concernant vingt condamnations à mort d'otages par l'Oberfeldkommandant, 1941 (5H/1/38) © Archives de Lille

La libération du territoire

Après le rassemblement à partir de décembre 1943 des principaux groupements militaires de la Résistance - AS, FTPF et Organisation de la Résistance de l'Armée (ORA) - au sein des Forces françaises de l'intérieur (FFI), le CNR adopte en mars 1944 un plan d'action immédiate à mener lors du futur débarquement pour la libération du territoire, déjà entamée en Corse grâce à l'action des résistants locaux

A partir du 6 juin 1944 et pendant les semaines qui suivent le Débarquement, l'insurrection armée prônée par le CNR, planifiée en collaboration avec Londres, entrave la réaction de la Wehrmacht et facilite l'avancée des Alliés sur le continent : les réseaux ferroviaire et routier sont paralysés, les lignes électriques et téléphoniques sont sabotées et les troupes allemandes harcelées par les maquisards, dont les rangs, grossis par l'enthousiasme que génère le Débarquement, sont décimés par la Wehrmacht ou la Waffen-SS, notamment dans le Vercors et le Limousin. En représailles, des civils sont massacrés, comme à Tulle et à Oradour-sur-Glane. A Toulouse, Paris ou Marseille, les FFI préparent l'arrivée des Alliés en déclenchant l'insurrection de la population et libèrent la Haute-Savoie aidés par les maquisards.

La libération du territoire est achevée au printemps 1945 : le rôle de la Résistance, qui y a perdu des milliers d'hommes, est reconnu par le général Eisenhower, commandant en chef des armées alliées en Europe. 

Cette page s'inscrit dans le cadre des travaux du groupement d’intérêt public « Mission du 80e anniversaire des débarquements de la Libération de la France et de la Victoire » créé en 2023 et dont est membre le ministère de la Culture. 

Retrouver sur FranceArchives l'actualité du 80e anniversaire de la Libération dans les services d'archives 

Photographie en noir et blanc représentant un défilé de FFI dans les rues de Gap
La libération de Gap. Défilé des FFI avant les alliés, 1944 (2 Fi 119) © Archives des Hautes-Alpes

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