Brillant élève, lauréat du Concours général remarqué par Anatole France, normalien précoce, André Suarès aurait pu devenir un des grands noms de l’université ou un écrivain à succès. Il fut toute sa vie un ascète de la création littéraire, épris d’idéal et de liberté, ennemi de tout académisme et des vains honneurs. Son oeuvre immense se compose de drames et de recueils, mais surtout de textes critiques, polémiques, philosophiques et politiques. Nul écrivain, nul artiste, nul héros d’hier et d’aujourd’hui n’échappe au scalpel de son jugement, ni le triste spectacle des guerres et des totalitarismes dont il fut le témoin. Son panthéon accueille aussi bien Aristophane et Montaigne que Wagner, Tolstoï ou Bergson. Passionné, lucide, parfois injuste, il laisse une oeuvre au style éblouissant et d’une rare pénétration. Ses livres sur Shakespeare (Poète tragique), Marseille (Marsiho), Napoléon (Vues sur Napoléon) ou l’Italie (Voyage du condottière) comptent au nombre de ses chefs-d’oeuvre – ainsi que Vues sur l’Europe, avertissement lancé pour alerter l’opinion sur le combat ultime : celui de l’esprit contre la barbarie.

Antoine de Rosny, docteur en littérature française

 

Pour aller plus loin...

• André Suarès est né à Marseille. Les Archives départementales des Bouches-du-Rhône conservent son acte de naissance et ses états de services militaires, accessibles sur le Grand Mémorial.

 

• Il était d'origine juive : ses ancêtres, établis à Marseille depuis la fin du XVIIIe siècle, venaient d'Italie et du Comtat Venaissin. Son père était courtier, son oncle négociant et la famille habitait rue Saint-Jacques, au sud de la ville, non loin de la Préfecture nouvellement construite et de la synagogue de la rue Breteuil : la bourgeoisie juive, qui travaillait principalement dans le négoce, s'était regroupée dans ce quartier, comme l'indique une étude socio-démographique des Juifs marseillais réalisée à partir du recensement de 1872 et publiée par la revue Provence historique.
• Premier prix de discours français au Concours général pour son "Éloge d'Homère par Ronsard", sa composition est jugée "unique dans les annales du concours" par Anatole France  dans un article du Temps du 1er août 1886.
• Pianiste amateur de talent, il écrivit beaucoup sur la musique, comme l'expliquent les émissions proposées par France Musique.
• Entré à l'École nationale supérieure (ENS), il se lia avec un autre musicien, Romain Rolland, futur prix Nobel de littérature.
• Il était également proche du sculpteur Antoine Bourdelle, qui illustra Poème du temps qui meurt.
• Charles Péguy publia certaines des  ses oeuvres dans Les Cahiers de la Quinzaine ; avec André Gide, Paul Valéry et Paul Claudel, il anima la toute jeune Nouvelle Revue française (NRF).
• "Son innocence est claire comme le jour" : son engagement en faveur du capitaine Dreyfus lors de l'Affaire a été analysé lors d'un colloque organisé par l'Université de Tel-Aviv en partenariat avec la Sorbonne, L'affaire Dreyfus : quelles leçons retenir ? 
• Ses archives, constituées de manuscrits, de correspondance et de carnets, sont conservées par la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet (BLJD) dont il est à l'origine : ami du couturier, collectionneur et mécène Jacques Doucet, il l'incita et l'aida à constituer une "librairie à la Montaigne". France Culture propose d'écouter une conférence donnée par la directrice de la BLJD, "La bibliothèque littéraire de Jacques Doucet : entre le rare et l’unique, une modernité d’exception".
• Le documentaire André Suarès, l'insurgé a été diffusé en 1998 dans le cadre de l'émission Un siècle d'écrivains.
• France Culture a consacré une série d'émissions à son oeuvre littéraire, notamment lors de l'édition de ses articles contre les totalitarismes.
• L'Institut national de l'audiovisuel (INA) propose de découvrir l'un de ses ouvrages les plus célèbres,  Le Voyage du Condotière.

 

Mais aussi...

• Il utilisa plusieurs pseudonymes au cours de sa carrière : Yves Scantrel,  Félix Bangor,  Ponce Bondel etc...
  
• La Bibliothèque nationale de France (BnF) conserve l'enregistrement d'une émission de radio diffusée en 1948, Tableaux de la Provence : André Suarès y lit ses propres textes sur une musique de Claude Debussy.
• Il eut une liaison avec Marie Dormoy, bibliothécaire et conservateur de la BLJD, qui l'évoque dans une série d'entretiens radiophoniques diffusés en 1959, également conservée par la BnF.
• "Tout parle ici de ligne et d'éternité" : il rejoignait régulièrement aux Baux-de-Provence son ami imprimeur et typographe Louis Jou qui y restaura un hôtel particulier du XVIe siècle. Devenu musée, l'hôtel Renaissance expose des exemplaires de certaines de ses oeuvres, illustrées par Jou.
• "Par un matin de pierre dure, au temps de Pâques, entre avril et mars, si tu peux rester sur le balcon de Notre-Dame-de-la-Garde, quand souffle le mistral (...)" : en 2012, le comédien Philippe Caubère, né également à Marseille et grand admirateur d'André Suarès, a adapté et mis en scène  Marsiho.

 

Programme des manifestations

• L'Université Paris-Sorbonne et l'ENS ont organisé en 2013 un colloque André Suarès dont les actes ont été publiés.
• A Avignon, le musée Angaldon prépare une exposition, Suarès et L'art du livre (novembre-décembre 2018) ; la médiathèque Ceccano une exposition d'archives à partir du fonds Maurice Noël et une conférence, Suarès et L’art du livre (début novembre 2018).
• Aux Baux de Provence, la fondation Louis Jou organise une exposition de manuscrits, de lettres et d’œuvres de Suarès et de Jou (août-septembre 2018) dans le musée et l'atelier de Louis Jou ; un spectacle théâtral sera donné lors de l’inauguration de l’exposition en août et un évènement organisé pour la clôture de l’exposition (conférences, lectures et concert) en septembre. L’art du Livre publié par Suarès et Jou en 1928 sera reédité.
• A Paris, la bibliothèque littéraire Jacques Doucet prépare une exposition virtuelle sur André Suarès et Jacques Doucet (novembre 2018) et une soirée André Suarès dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne (décembre 2018) avec un spectacle proposé par Philippe Caubère. L'École normale supérieure consacrera une soirée à André Suarès qui se tiendra au théâtre de l'ENS, avec des textes de l'écrivain présentés par Michel Murat et lus par Laurent Soffiati (novembre 2018). Le musée Bourdelle présentera dans les vitrines d’archives des collections permanentes les liens étroits entre Suarès et Bourdelle (juin-octobre) et organisera des lectures croisées de textes  des deux artistes sur l’antiquité pendant les Journées européennes du Patrimoine (15-16 septembre 2018).
• A Quimper, le musée des Beaux-Arts exposera des œuvres et des documents dans le cabinet d’arts graphiques (novembre 2018 - février 2019) et organisera une conférence à la Médiathèque sur Le Livre illustré et son rapport à l’œuvre d’André Suarès.
• A l'abbaye de Fontfroide (Aude), une conférence sur Hélène chez Archimède illustré par Picasso sera donnée par Antoine de Rosny dans le cadre du Séminaire International Picasso-Méditerranée le 16 juin 2018.

Source: Commemorations Collection 2018