Inventaire d'archives : Sous-série AB : "Archives historiques : les registres" (1564-1834)

Contenu :

Présentation du contenu
Collection de registres référencés par lieu de détention ou par objet :
Conciergerie
Renvois devant les tribunaux
Grand Châtelet
Saint-Martin-des-Champs
Saint-Éloy
Tournelle (Tour Saint-Bernard)
Abbaye de Saint-Germain-des-Prés
Carmes
Port-Libre (ou Port-Royal ou la Bourbe)
Luxembourg
Saint-Lazare
Maison de santé du citoyen La Chapelle (rue de la Folie-Regnault)
Maison de santé du citoyen Belhomme
Maison d'arrêt de l'Égalité (dite Duplessis)
Sainte-Pélagie
La Force
Tour du Temple
Donjon de Vincennes
Bicêtre
Mairie
Madelonnettes (et Saint Lazare)
Ordres du Roi
Registres de province
Registres de police
Registres des procès criminels
Registres des Parlements
Barthélemy Maurice, élève de l'ancienne École normale, et auteur d'une Histoire politique et anecdotique des prisons de la Seine, parue en 1840 (Paris. 1840. in-8. Guillaumin, éditeur), a eu connaissance de ces registres et les a maniés sous la direction de l'archiviste Eugène Labat. Il en donna la description, d'autant plus précieuse aujourd'hui que ces registres ont disparu. Les deux manuscrits qui forment le n°133 de la série AB, dont l'inventaire fait l'objet du présent volume, émanent certainement de lui. Les deux registres spéciaux pour les prisonniers jugés par le Tribunal révolutionnaire comptaient parmi les plus détériorés ; le premier commençait ainsi : « registre contenant 320 feuillets cottés et paraphés par nous, Jean-Antoine Lavau, président de la seconde section du Tribunal criminel extraordinaire, le premier novembre 1792. » Les premiers prisonniers exécutés par ordre de ce tribunal n'y figurent donc pas, puisque la première exécution date du 26 août 1792. Au cinquième feuillet, un nouvel en-tête indiquait qu'il s'était produit quelque changement dans la composition et dans les directives du Tribunal : Registre contenant [illisible, peut-être « 310 »] feuillets, pour servir au concierge de la Conciergerie à l'effet d'y enregistrer les prisonniers qui doivent être jugés par le Tribunal criminel extraordinaire et révolutionnaire établi par la loi du 10 mars 1793, l'an deuxième de la République. Tous lesquels feuillets ont été cottés et paraphés par nous, Jacques-Bernard Marie Montané, président, fait en chambre du Conseil, au Palais, à Paris, le 18 mars 1793, l'an de la République. »
Nous ne connaissons pas plus à l'heure actuelle le contenu de ces deux registres que ce nous en dit Barthélemy Maurice.
Bien qu'il n'en ait pas tiré toutes les conclusions possibles, il faut cependant se féliciter du travail qu'il a fait sur eux, puisque c'est tout ce qui nous en reste. Quant à son interprétation des plus anciens registres, un passage de son livre nous met singulièrement en garde contre ce qu'il peut en dire : « Les plus anciens de ces registres sont pour ainsi dire perdus pour l'histoire à laquelle ils auraient offert cependant de précieux documents, parce qu'ils sont écrits d'une écriture de fantaisie, n'appartenant à aucune époque, à aucun système. À grand-peine allons-nous donner ici l'écrou de Ravaillac et la copie de son arrêt : encore ne le pouvons-nous faire qu'en les rapprochant de ceux de Jehan Chastel et les comparant mot-à-mot à ceux de Damiens, écrits de cette magnifique écriture coulée, qui fit la gloire des Rossignol et des Saint-Omer. »
En écrivant ces lignes, Barthélemy Maurice a simplement prouvé son ignorance totale des rudiments les plus élémentaires de la paléographie, car les registres auxquels il fait allusion sont couverts de l'écriture du XVIe siècle la plus régulière, la plus classique, la plus lisible qui soit.
Des 176 registres qu'il eut le loisir de consulter, il n'en subsiste aujourd'hui que 132. Le n°133 est fait des extraits tirés en 1839 des deux registres du Tribunal révolutionnaire, aujourd'hui disparus.
Le premier registre commence en 1564, et le dernier finit le 19 prairial de l'an III (9 juin 1795). Mais les deux registres allant de novembre 1644 à novembre 1647, et de 1763 à 1765, font défaut. D'autres sont fort endommagés, notamment aux tables, et le mois de février 1569, et les onze premiers mois de 1574, manquent ; à ceux-là, des feuillets sont inutilisables, ou n'existent plus. Par contre, un registre allant du 28 août 1675 au 2 août 1676, est une minute, et fait double emploi.
Les reliures sont en cuir souple et gaufré pour le XVIe siècle, rigides et en peaux de parchemin ou de mouton pour les suivants. Les registres sont en papier ; seules, les tables des registres 3 et 4 sont inscrites sur parchemin. Jusqu'au 31 décembre 1673, le papier employé est du papier libre. À partir du 1er janvier 1674, il porte un timbre fiscal. Après 1737, les marques des papetiers d'où proviennent les registres sont restées collées à l'intérieur des plats ; ce sont des gravures parfois très soignées, la plupart en parfait état de conservation.
Une table des noms commence le registre ; parfois, il y en a une seconde à la fin du registre. Jusqu'au XVIIe siècle, le classement alphabétique des personnages est établi par prénoms ; par la suite, il l'est par noms de famille.
Lorsque l'ancien numérotage des feuillets est détruit ou irrégulier, on l'a rétabli, en adoptant les chiffres romains pour les feuilles de garde et les tables, et les chiffres arabes pour le corps du registre. Mais comme pour beaucoup de registres les coins ont le plus souffert, il a fallu inscrire ces chiffres au milieu et au bas des feuillets. Pour établir la table des noms qui figure au présent inventaire, comme il était inutile d'y inscrire tous les noms dont un grand nombre ne présente aucun intérêt, on s'est borné à relever ceux qui ont paru plus spécialement pouvoir être l'objet d'une recherche. Le chercheur qui s'enquerra de renseignements sur un personnage ne figurant pas à la table de l'inventaire, - et ce sera sûrement tout à fait exceptionnel, - aura toujours la ressource de se reporter aux tables des registres eux-mêmes. Il le fera aisément, surtout s'il possède, pour la période antérieure au milieu du XVIIe siècle, le prénom de son personnage.
D'une manière générale, la tenue des registres est régulière et conforme aux ordonnances, dont cependant l'application paraît plus stricte après celle de 1670. En marge, le scribe a bien inscrit la juridiction qui avait à connaître de l'espèce, ou la prison d'où venait le détenu : Paris, Châtelet, Ville ; Bastille ; Provinces ; Ordonnances de la Cour ; Mandements du Roi ; Ordres du Roi ; Bailliage du Palais ; Cour des Aides ; Trésor ; Eaux et Forêts ; Monnaies ; Amirauté ; Conseil d'État ; Chambre royale ; Élections ; Consuls ; Trésor ; Requêtes de l'Hôtel ; Maréchaussée, Connétablie ; ou encore : Lettres-patentes ; oppositions, deniers, effigie, rendu prisonnier (qui correspond à l'emprisonnement volontaire) ; rémissionnaire (entérinement de lettres de rémission) ; Cadavres (dont nous parlons un peu plus loin) :
Cette mention marginale est presque toujours suivie d'un signe abréviatif indiquant la nature de la peine : ┼, la mort ; bruslé ┼ vif ; ╡, la question ; ☼, la roue ; a.h. amende honorable ; b. bannissement ; v. verges ; g.p. galères perpétuelles ; g. II ans. galères, deux ans ; l.p. langue percée ; l.f. lèvres fendues. Parfois le scribe a dessiné une fleur de lys, un signe héraldique peut-être quelque peu fantaisiste comme au registre 1, feuillet 28, ou même un personnage en pied, comme au registre 7, feuillet 148, verso. Au feuillet 82 du registre 4, on remarque une signature imprimée au moyen d'un cachet ; ce fut pour certaines personnes un usage à la fin du XVIe siècle, correspondant à celui de nos signatures par timbre humide ; nous en avons relevé par ailleurs d'autres exemples.
Quant à l'orthographe, elle est plus régulière dans les registres les plus anciens que dans les suivants, à part des lapsus comme révérenderesse pour revenderesse. Mais celle des noms propres atteint un haut degré de fantaisie : Kleinman est orthographié Claynemanne, par exemple, et le baron Danauve désigne le sieur Vanhove, baron de Mombeck. Il en résulte dans bien des cas une grande incertitude à laquelle il est impossible de parer la plupart du temps, parce que rien ne permet le contrôle, lequel n'est possible qu'à l'égard de personnages historiques. On peut cueillir au long de ces feuillets un extraordinaire florilège de noms bizarres, imagés, scatologiques, et quelques-uns d'une singulière crudité qui prouve que nos ancêtres n'étaient pas bégueules, et que Rabelais parlait bien le langage de ses contemporains. Il est intéressant de constater que cette dernière catégorie de noms, tend à disparaître à partir du milieu du XVIIe siècle.
Outre les renseignements individuels que fournissent ces registres pour les personnages auxquels les écrous se rapportent, on en peut tirer des conclusions intéressantes pour l'évolution des mœurs et pour l'histoire. L'application de la jurisprudence et les contre-coups des événements historiques trouvent ici leur aboutissement dans la pratique.
Sauf un meurtre sensationnel comme celui de Jacques Tardieu, lieutenant criminel à Paris, et de sa femme, tués dans leur maison le 24 août 1665, les crimes de droit commun défilent en rangs serrés : meurtres commis surtout par les êtres frustes tels que laboureurs et ouvriers manuels, faux spécialisés chez les gens de plume, notaires et ecclésiastiques, vols d'importance commis par des individus nantis d'une certaine culture. Les homicides commis par des femmes sont assez nombreux au XVIe siècle. La sodomie avec des animaux est le fait de bergers, de laboureurs, de gardeurs de pourceaux. Les viols, les rapts sont beaucoup plus fréquents que l'inceste ; les cas d'hommes ayant épousé deux et même trois femmes, et de femmes ayant épousé deux hommes, apparaissent assez souvent. L'emploi du poison se rencontre par séries ; les empoisonneurs procèdent alors par bandes. Les cas de sortilèges se multiplient au XVIIe siècle.
Quant aux faits de concussion commis par les officiers du roi de tout ordre, de toute catégorie, surtout par les officiers et bas-officiers de finances, ils sont innombrables et persistent à travers les âges, depuis les riches fermiers-généraux jusqu'aux plus modestes commis, et cela en dépit des mesures prises et reprises contre eux par le gouvernement royal. Des collecteurs de tailles passent en jugement comme faux-monnayeurs, et des geôliers pour avoir gardé les sommes consignées entre leurs mains par les prisonniers. Le bourreau d'Étampes mérite une citation particulière : il exécuta un de ses contemporains sans que ce fut dans l'exercice de ses fonctions, et fut condamné à mort.
L'adultère, les injures, les coups, les blasphèmes, les menus larcins sont monnaie courante, de même que les infanticides, la luxure, la paillardise, le maquerellage. Dans la grande salle du Palais, les coupeurs de bourses opéraient à cœur joie ; dans le Temple de Thémis, lieu de tout repos, surgissaient des rixes, soit dans les salles, soit dans la Cour du Mai. Les basochiens jouaient aux dés contre la volonté des ordonnances rendues par le bailli du Palais ; ils encouraient la peine de mort, que l'on n'appliquait guère en appel. La quantité de cartes à jouer trouvées dans les registres, où les commis du greffe les plaçaient en guise de signets, laisse à penser qu'en cet heureux temps où l'État n'en avait pas le monopole, chacun se promenait avec, en poche, un jeu qu'il ne craignait pas de dépareiller.
Il est de curieux châtiments pour des cas exceptionnels : des parents sont châtiés pour avoir fait baptiser deux fois leur enfant, et un prêtre arrêté au moment où il allait dire sa deuxième messe ; un homme passe les guichets de la Conciergerie « pour avoir esté rencontré par la ville en habit de femme. » François Vasseur, dit Grospied, peigneur de laine, récolte trois ans de galère pour avoir battu sa belle-mère. Jeanne Hardouin reçoit les verges pour avoir communiqué la syphilis à un petit enfant. Un pseudo-sorcier est appliqué à la torture « pour avoir noué l'esguillette. » Deux jeunes gens qui se marièrent contre le gré de leur parent, vont, le garçon aux galères, et la fille dans un couvent. Une condamnation à mort à un compagnon « pour avoir fait un enfant à la fille de son maistre » est commuée en bannissement, et cette même peine frappe un homme, « pour avoir fait un enfant à sa belle-sœur. » Médarde Montagu est fustigée de verges « pour avoir celé sa grossesse » ; une autre est condamnée à mort pour le même fait. Guy Levavasseur, peintre à Angers, qui a commis un rapt, sera exécuté, « sy mieux n'ayme espouzer Françoise Deshayes. » Une simple amende honorable païe cette (oubli de l'archiviste) ; « avoir besogné et fait besogner ès jours de festes. » La peine des blasphémateurs, langue percée, lèvres fendues, s'applique de moins en moins. Des bandes de matelots, venus des prisons de diverses amirautés provinciales, passent des vaisseaux du roi sur les galères, « pour avoir servi un prince estranger sans autorisation. » Il est à noter ici que lorsque la chaîne des galériens est mise en route, la liste des malheureux qui la composent s'allonge sur les feuillets des registres, parmi les écrous, où s'inscrit aussi la mention de ceux qui en sont ramenés, pour maladie ou toute autre cause.
La condamnation de Henri de Bonneval, sous Louis XIII, fournit un singulier trait de mœurs : ce seigneur devait avoir la tête tranchée et payer 2000 livres de réparations, « pour avoir excédé de coups de baston le lieutenant général d'Uzarches en bas Limosin, député aux Estats par ledit bas Limosin. » Mais Bonneval ne subit sa peine qu'en effigie. Ce n'est pas autrement, d'ailleurs, que subissent la leur la presque totalité des gentilshommes condamnés à mort pour avoir contrevenu aux ordonnances contre le duel. À part de rares et retentissantes exécutions comme celle de Bouteville, la plupart des délinquants réussissaient à prendre la fuite avant d'être appréhendés, quittes à regagner Paris, - en compagnie de malandrins et de criminels, lorsque l'entrée du roi ou de la reine les faisait bénéficier d'une amnistie salvatrice.
En marge, on lit parfois la mention : « cadavre ». Elle s'applique aux cadavres de noyés, de morts par accident ou par violence, découvert sur le territoire ressortissant à la juridiction du bailli du Palais. Elle se réfère encore à une particularité de notre ancien droit. En cas de crime de lèse-majesté, divine ou humaine, d'homicide de soi-même, de rébellion à Justice à force ouverte, et de duel, si le délinquant trouvait la mort, la justice entamait une procédure contre son cadavre, ou contre sa mémoire seulement. Le juge nommait d'office un curateur au cadavre, de préférence un parent du défunt, qui avait la faculté d'interjeter appel du jugement de première instance ; quelque autre parent du défunt pouvait obliger le curateur à interjeter appel s'il s'y refusait, mais à la condition d'avancer les frais de la procédure. La peine infligée au cadavre consistait à le traîner sur une claie, la face tournée contre terre, suivant un parcours déterminé qui passait ordinairement par le lieu du crime, et aboutissait en un point où une potence se dressait. On y suspendait le cadavre par les pieds, on l'y laissait un temps fixé par le jugement, après quoi on l'envoyait au charnier. La condamnation comportait en outre la confiscation des biens et l'amende.
Le dépôt de ces cadavres avait lieu dans l'entrée de la Conciergerie, ou morgue. Ce terme de morgue désignait l'entrée de la prison, l'endroit où, au moment de l'écrou, les prisonniers étaient soumis à une rigoureuse inspection . À Paris, on centralisa de plus en plus les cadavres à la seule morgue de la basse geôle du grand Châtelet, que l'on finit par appeler la morgue, tout court, avec le sens que nous lui donnons aujourd'hui ; on la transféra plus tard au Quai du Marché-Neuf, où elle forma un établissement séparé et indépendant.
Outre les cadavres ramassés sur le territoire de la compétence du bailli du Palais, on amenait encore à la Morgue de la Conciergerie ceux qui avaient déjà subi une condamnation en première instance, et pour qui le curateur interjetait appel devant le Parlement. Au cas où la première sentence recevait sa confirmation en appel, le cadavre retournait à la prison d'où il venait, pour y subir sa peine. Les religieuses de l'hôpital Sainte-Catherine , que l'on appelait les filles hospitalières de Sainte-Catherine, ensevelissaient ceux qui n'avaient pas de peine à subir. Les corps étaient généralement enterrés au cimetière des Innocents.
Le premier cadavre dont fassent mention les registres du greffe de la Conciergerie y fut amené le 12 novembre 1638, et le dernier le 10 novembre 1723. Pendant cette période de quatre-vingt-cinq ans, on en compte quarante-deux. Comment il se fait que l'on n'en trouve ni avant la première date, ni après la seconde, nous ne l'avons pas encore déterminé.
Dès le premier registre de la série, on aperçoit au long de ses feuillets le reflet des événements politiques. À cette époque, on entre dans le vif de la période des troubles provoqués par les guerres de religion. L'année précédente, le 16 août 1563, l'édit de désarmement n'avait accordé qu'aux nobles le droit de porter des armes ; de rigoureuses pénalités frappent ceux qui enfreignent l'édit ; un exemple nous montre qu'il en coûta neuf années de galères à un laboureur pour ne s'y être pas conformé.
Dans les marges, la mention « hérésie » se répète jusqu'à couvrir des feuillets entiers. On arrête les protestants vaquant par la ville et qui n'ont pas obtempéré à l'ordonnance de bannissement ; on arrête également des bandes « vaquant hors de la Porte Saint-Marcel », en route pour Montargis. On recherche ceux qui n'ont pas fourni la caution requise. On perquisitionne à leur domicile : malheur à ceux chez lesquels on découvre « de la chair salée », du jambon, des œufs, des Bibles, des papiers compromettants, des ouvrages défendus. Des prisonniers huguenots passent de leur cachot de la Conciergerie au bûcher où on les brûle vifs. Nous avons donné à la table des noms tous ceux des personnages impliqués dans les affaires religieuses, et figurant sur nos registres.
De nombreuses bandes de gens de guerre pillent les campagnes, rançonnent les villes, portent les armes contre le roi : on réussit à en emprisonner quelques-unes, l'opération ne va pas sans peine, car le motif : « pour exceds et rebellions faictz à Justice » revient à plusieurs reprises. Des séditions, des tumultes éclatent dans les villes de province comme à Paris, et de ces drames la Conciergerie connaît souvent le dénouement. Des grèves naissent spontanément : en 1583, des bandes de compagnons cordonniers reçoivent les verges pour avoir voulu débaucher des camarades travaillant chez un maître-cordonnier.
Quiconque « détracte contre les gens d'Église » subit le cachot. Gens d'Église et civils coupables de lèse-majesté sont rigoureusement poursuivis. Le greffier couche sur son registre le nom d'un maître d'école « pour estre espion contre le Roy ». En 1684, les persécutions contre les religionnaires recommencent pour se continuer les années suivantes. Les ministres de la R.P.R. (« religion prétendue réformée »), écroués, sont mêlés aux galériens dont la chaîne serpente sur le pavé du roi.
On peut signaler encore que les registres de la Conciergerie portent la trace de l'envahissement de la société française par les Italiens au XVIe siècle, puis, au début du XVIIIe siècle, par des banquiers écossais et suisses qui n'ont ni le génie de Law, ni la probité de Necker, et à peu près à la même époque par des Juifs originaires d'Allemagne ou de Hollande.
On n'insistera pas ici sur les écrous les plus retentissants, dont le texte figure intégralement à l'inventaire (uniquement dans la version papier disponible en salle de lecture). Regrettons que la série ne commence pas quelques années plus tôt : nous y lirions l'écrou de Clément Marot, qui a conté son arrestation, son interrogatoire et sa prison avec sa simplicité et sa verve habituelles. Il suffira de rappeler que ces écrous concernent Pierre Barrière et les jésuites qui le poussèrent à tenter d'assassiner le roi, Bussy-Leclerc et les Seize, le maréchal de Biron, Jean Chastel, Ravaillac, Georges de Scudéry, Éléonora Galigaï, Théophile de Viau, le fameux duelliste Boutteville et ses complices, Urbain Grandier, le duc d'Elbeuf, le comte de Tilloloy, Henri de Lorraine, Pierre Viole et sa bande, la marquise de Brinvilliers, le comédien Baron, Damiens, le prêtre Jacques Ringuet, Calas, le chevalier de La Barre, le comte de Lally, le marquis de Sade, Cartouche, Rétaux de Villette, etc. Cette seule énumération suffit à prouver le grand intérêt historique des registres de cette série.
À côté de leur partie officielle, peut-on dire, ils en présentent une autre qui, pour n'avoir pas ce caractère authentique, n'en mérite pas moins d'attirer sérieusement l'attention. Sur les feuilles de garde, sur celles couvrant l'intérieur des plats, les greffiers ou leurs commis ont inscrit une série de notes, - mementos, éphémérides, etc. – qui retracent ou rappellent un certain nombre d'événements choisis parmi les principaux de l'histoire de la Conciergerie et même du palais et du Parlement, à côté de mentions infiniment plus négligeables.
Le registre de 1548, qui a disparu, contenait sans doute des renseignements sur cette peste qui oblige au transfert des prisonniers malades à l'Hôtel-Dieu et des prisonniers civils dans les diverses prisons de Paris ; les prisonniers criminels restés dans leurs cachots reçurent tous les jours la visite d'un médecin, et, dès que le mal les atteignait, on les transportait aussitôt à l'Hôtel-Dieu. Par crainte de la contagion, le Parlement alla siéger quelque temps aux Augustins. L'épidémie finie, on profita de la circonstance pour procéder à un nettoyage complet de la prison : on en tira assez d'ordures pour charger un bateau, qui alla les déverser loin de la ville.
Plus inexplicable apparaît le silence gardé sur l'incendie de la nuit du 5 au 6 mars 1618, qui réduisit en pièces la fameuse Table de Marbre et permit à quelques prisonniers de s'évader tandis qu'on les transférait au Châtelet et en d'autres prisons de Paris ; de même que sur « l'émotion » survenue au Palais, entre des Officiers de la ville et la populace, le 10 mai 1652 : la foule désarma les hallebardiers qui accompagnaient les échevins, et jeta les hallebardes par les barreaux de la galerie dans le préau de la Conciergerie ; cent-trente-huit prisonniers en profitèrent aussitôt pour décamper, à la vue de tout le monde.
Mais il n'y manqua pas d'autres événements notoires, nombreux et variés, que consignèrent par écrit le greffier ou son commis, qui supplie en latin le lecteur de prier Dieu pour lui. Ces événements vont de coups de tonnerre sensationnels et de processions de la châsse de Sainte Geneviève ordonnées pour amener le beau temps, à des faits qui figurent parmi les plus saillants de l'histoire de France.
Les noms des boulangers chargés, après passation de marché, de fournir le pain aux prisonniers, et des autres vivandiers qui leur fournissaient des boissons et des vivres, s'entremêlent aux nominations, mutations, dégradations, avancements, prestations de serment du personnel parlementaire et de celui de la prison, depuis le premier président jusqu'au commis-concierge, en passant par les présidents à mortier, les avocats généraux, les conseillers, les greffiers, les commis-greffiers, les geôliers, les chirurgiens et les sages-femmes. Ils indiquent la date du décès de la plupart de ces personnages, de la maladie ou de l'accident qui les emporta, de leur âge, du lieu de leur sépulture.
Le greffier consigne les ordres qu'il reçoit pour ce qui concerne le transfert des prisonniers, ceux qui visent certains détails de la procédure ; il reproduit même à cette occasion des textes d'arrêts ; il marque les détails de conflits d'attribution entre le Parlement et la Chambre de Justice de 1716, la suppression de cette Chambre, et l'établissement d'une Chambre des Vacations au couvent des Grands Augustins en 1720.
Il raconte les évasions de prisonniers du 5 septembre 1660 et du 19 avril 1664, et décrit avec précision les moyens qu'employèrent les bandes qui s'échappèrent pour réussir leur coup, et l'itinéraire qu'elles suivirent. Il dénombre les salles et les cachots atteints par l'eau lors des inondations de février-mars 1711 et décembre 1740, le niveau atteint par la crue, les mesures prises à l'égard des prisonniers.
Au registre 81, un véritable calendrier commence à la création du monde, établit le comput des années depuis cette date mémorable jusqu'au déluge, du déluge à Jésus Christ, et de Jésus Christ aux jours où le greffier écrivait. Il est à remarquer que le plus grand nombre des éphémérides de ce calendrier se réfère à des faits saillants des guerres de religion du XVIe siècle : or le registre date de 1701 à 1702.
Le scribe ne néglige aucun des événements intéressant la famille royale : la visite de l'abbé de Coislin qui vient délivrer les prisonniers civils, d'ordre et aux frais de Louis XIV à l'occasion de l'heureux accouchement de la reine ; les naissances des rois, des reines, des princes ; leurs mariages, leurs maladies et leur mort, avec la description de leurs funérailles et l'indication de l'endroit, séparé, où l'on déposa leurs viscères. Son intérêt s'étend à la mort du roi en exil, de Jacques II d'Angleterre à la visite du Grand duc de Moscovie ; à l'entrée à Turin du duc de Castel Rodrigo, ambassadeur extraordinaire de Sa Majesté Catholique. Il signale la publication solennelle des traités de 1713, et dès le début rappelle des événements d'ordre intérieur comme l'exécution du maréchal de Biron, la pendaison au Châtelet du président Brisson, des conseillers Larcher et Tardy par les Seize.
Il conte par le menu les cérémonies intéressant la vie du Parlement en tant que grand corps de l'État : sa visite de félicitations au duc d'Anjou devenu roi d'Espagne ; sa participation aux obsèques du duc d'Orléans, frère de Louis XIV, du cardinal Dubois, du Régent, et au Te Deum célébré à Notre-Dame le 17 août 1727 pour l'heureux accouchement de la reine ; la venue en son sein des ducs de Berry et d'Orléans pour l'enregistrement de la renonciation des fils de France à la couronne d'Espagne, le 15 mars 1713 ; la cérémonie du dépôt par les gens du Roi du testament de Louis XIV « au greffe de la Cour, lieu seur et secret », qui fut « le petit caveau du greffe du petit criminel où l'on mettait ses bois, dont on a bouché les portes et les fenestres », après que les trois clefs des trois serrures différentes fermant la cassette où était le solennel document eurent été remises respectivement au premier président, au procureur général, et au greffier en chef ; puis après la mort du roi, la cérémonie de l'ouverture et de la lecture de son testament ; puis encore les deux lits de justice tenus par Louis XV le 12 septembre 1715 et le 8 juin 1725. Si ces faits sont connus, au moins les détails le sont peut-être moins, et en tous cas ils sont narrés en un style naïf et savoureux qui leur donne une singulière couleur.
À partir de 1790, on relève des modifications sensibles dans la tenue des registres ; les formules changent, puisque tel est le premier effet des révolutions. En marge, plus rien que le nom du prisonnier ; à partir de la fin de 1791, les signalements apparaissent. Le souci des « distinguo » juridiques perce dans cette formule de la fin de 1792 : « Le nommé X, détenu ès prisons de céans comme maison d'arrêt, a été écroué ès prison de céans comme maison de justice du tribunal criminel du département de Paris, en vertu de l'ordonnance de prise de corps contre lui rendue. »
À ce moment, reparaissent en marge diverses annotations : la suite du jugement rendu, mise en liberté ou mise à mort, peines subies par le coupable, transfert du prisonnier dans d'autres prisons. Enfin en août 1793, le greffier, revenant sur une négligence qui avait duré les deux années précédentes, recommence à indiquer la profession des prisonniers, et le motif de leur condamnation.

Cote :

AB 1-434

Publication :

Archives de la Préfecture de police
Edition révisée en octobre 2022
Paris

Informations sur le producteur :

Origine:
Greffes des prisons du ressort de l'ancien département de la Seine.
Biographie ou histoire
Le Capitaine ou gouverneur qui commandait au Palais, comme d'autres commandaient aux divers châteaux royaux, s'appela dès l'origine le concierge du Palais. Il porte ce titre dans un texte de 1106. Des lettres royales de 1358 rendues pour Hugues de Savoisy déterminèrent l'étendue de sa juridiction et confirmèrent les privilèges de sa charge. Juge au civil et au criminel, il avait droit de justice basse et moyenne. Un édit de Philippe de Valois de 1348 créa le bailliage du Palais : le bailli rendit la justice pour la Conciergerie. Mais les titres de concierge et de bailli se confondirent le plus souvent sur la même tête, et le second finit par subsister seul. La charge était attribuée à de hauts personnages ; elle récompensait d'éminents services. Isabeau de Bavière se la fit attribuer en 1412, en dépit, d'ailleurs, du procureur général du Parlement ; l'année suivante, Juvénal des Ursins est concierge et bailli du Palais ; Jacques Coictier, le célèbre médecin de Louis XI, cumula également les deux titres, il était déjà président de la Cour des Comptes. Sur la liste des baillis du Palais, on relève encore les noms de Jean de Luxembourg, d'Hercule de Rohan-Montbazon, de Guillaume de Nogaret, de quatre Harlay, de Mathieu Molé, etc. Lorsque les rois abandonnèrent la résidence du Palais de la Cité, cette charge aurait perdu de son importance si le Parlement et diverses autres cours de Justice ne s'y étaient installés.
On donna primitivement le nom de Conciergerie au logement que le concierge occupait dans le Palais. À cette époque, la Cour de Parlement accompagnait le roi dans ses déplacements ; sous Louis IX, le Châtelet était le seul siège fixe dans Paris, et contenait la principale prison royale. Du jour où Philippe le Bel eut fixé la Cour de Parlement au Palais (1302), lui enjoignant de tenir annuellement deux sessions de deux mois aux Octaves de Pâques et de la Toussaint, et surtout du jour où Charles V eut ordonné la continuité de ses séances (8 février 1356), la Conciergerie se transforma en prison du Palais. Elle reçut non seulement les prisonniers pour crimes ou pour dettes du ressort du Parlement de Paris, jugeant en première instance ou en appel, mais encore ceux que lui envoyaient le bailli du Palais, et les diverses cours de Justice fonctionnant au Palais, telles la Cour des Aides, la Cour des Monnaies, l'Élection de Paris, la Petite Chancellerie (car la Grande était mobile et accompagnait le roi dans ses déplacements), le Trésor, les trois juridictions constituant le siège général de la Table de Marbre : Eaux et Forêts, Connétablie ou Maréchaussée de France, et Amirauté, etc.
La Conciergerie devint rapidement une prison assez importante pour que la nécessité s'imposât d'adjoindre au geôlier un greffier. D'une manière générale, et suivant les nécessités du service, les greffes des prisons étaient tenus par un greffier, un clerc de la geôle disait-on au Châtelet de Paris, ou par le geôlier lui-même. À la Conciergerie, ce fut souvent un homme de loi, un avocat au Parlement, et lui-même avait un commis à son service. La charge de greffier à la Conciergerie fut vendue 24.000 livres en 1684.
De très bonne heure, le greffier des prisons tint deux registres.
Le premier pour l'inscription des objets que l'on enlevait aux prisonniers à leur entrée dans la prison, car les geôliers ne se faisaient pas faute de s'en appliquer personnellement le plus possible, et il fallait réprimer cet abus. Au XVe siècle par exemple, les ordonnances royales révèlent qu'au Châtelet le prévôt de Paris exigeait des chapons, de l'or, de l'argent, etc., des sergents et officiers placés sous ses ordres : il fallait bien que ces derniers prissent ce butin quelque part. Il s'adjugeait encore les ceintures, joyaux, habits, etc. « défendus aux fillettes et femmes amoureuses ou dissolues » (ordonnance de Charles VII du 25 mai 1425).
L'ordonnance de Charles VIII d'octobre 1485 sur la matière prescrit : « Le geôlier sera tenu d'avoir un livre auquel sera mis et enregistré par manière d'inventaire tout ce qui sera trouvé sur iceux prisonniers criminels, soit argent ou autre chose, pour estre gardé et conservé à ceux qu'il appartiendra ». Celle de François Ier, d'octobre 1535, veut « que le geôlier soit tenu d'voir un livre auquel sera mis et enregistré par manière d'inventaire tout ce qui sera trouvé sur les prisonniers criminels, soit or, argent ou autre chose, pour estre gardé et conservé à ceux qu'il appartiendra. » Disposition reprise et développée par l'ordonnance d'Henri II, de février 1549 : « Ordonnons que le geôlier de ladite Cour sera tenu d'avoir un livre auquel sera mis et enregistré par forme d'inventaire tout ce qui sera trouvé sur iceux prisonniers criminelz, lorsqu'ils seront amenez à la Conciergerie, soit argent ou autre chose, pour estre gardez et conservez à qui il appartiendra : en défendant aux sergents qui les auront pris et amenez prisonniers de les fouiller, que préalablement ils ne les ayant mis entre les mains dudit geôlier. » L'ordonnance du mois de mars de la même année reproduit le texte de cet article. Sur ce même registre, les geôliers doivent inscrire les sommes qu'ils reçoivent pour leurs droits, gîte, geôlage, nourriture de prisonniers, etc. L'ordonnance de Louis XIV, rendue en août 1670, précise : « Ils [les greffiers, concierges et geôliers] auront encore un autre registre coté et paraphé aussi par le juge, pour mettre par forme d'inventaire les papiers, hardes et meubles desquels le prisonnier aura été trouvé saisi, et dont sera dressé procès-verbal par l'huissier, archer ou sergent qui aura fait l'emprisonnement ; qui sera assisté de deux témoins qui signeront avec lui son procès-verbal ; et seront les papiers, hardes et meubles qui pourront servir à la preuve du procès réunis au greffe sur le champ, et le surplus rendu à l'accusé qui signera l'inventaire et le procès-verbal, sinon sur l'un et l'autre sera fait mention du refus. » L'arrêt du Parlement du 1er septembre 1717, portant règlement pour les prisons et interprétatif de cette dernière ordonnance, disait encore à l'article 21 : « Enjoint aux greffiers et geôliers faisant fonctions de greffiers d'écrire de leur main sans chiffres ni abréviations tant sur le registre de la geôle à costé de chaque acte, qu'au bas de toutes les expéditions qu'ils délivreront, les sommes qu'ils auront reçues pour leurs droits en présence de ceux qui les paieront, etc. » Une ordonnance de Charles VI de décembre 1398 fait la première mention de ces droits.
Le second registre que devaient tenir les greffiers ou geôliers des prisons est celui que nous appelons le registre d'écrous. Il convient de noter que cette expression n'est usitée dans son sens actuel que depuis le XVIIe siècle ; auparavant, « l'escroüe » qui était du genre féminin, correspondait non à l'entrée du prisonnier dans la prison, mais au contraire à son élargissement. Au sujet des registres de cette catégorie, l'ordonnance de Charles VII du 25 mai 1425 se borne à cette simple mention : « Avons enjoint et enjoignons audit prévost [de Paris] qu'il visite ou fasse visiter par son lieutenant, chascun jour, les tableaux des registres des emprisonnez (au Châtelet) le jour précédent. » Louis XII est plus complet dans l'ordonnance qu'il rendit à Blois sur le sujet des prisons en mars 1498 : « Nous ordonnons que le geôlier ou garde des chartres et prisons seront tenus de faire un grand registre de grand volume de papier si faire se peut, dont chacun feuillet sera ployé par le milieu, et d'un costé seront escrits et de jour en jour les noms et surnoms, estats et demeurances des prisonniers qui seront amenez en ladite chartre, par qui ils seront amenez, pourquoi, à la requeste de qui, et de quelle ordonnance, et si c'est pour dette, et qu'il y ait obligation sous scel royal, la date de l'obligation et le domicile du créancier y seront enregistrez semblablement.
« Et de l'autre costé de la marge dudit feuillet sera enregistrée l'escroüe, eslargissement ou descharge desdits prisonniers, telle qui luy sera envoyée et baillée par le greffier, sur le registre dudit emprisonnement, sans ce qu'il puisse mettre hors ou délivrer quelque prisonnier, soit à tort ou à droit, sans avoir ladite escroüe dudit greffier, sur peine d'amende envers nous, d'estre contraint de rendre ledit prisonnier ou satisfaire pour luy. »
Et plus loin : « Ledit greffier sera tenu d'avoir un registre auquel il escrira la délivrance, eslargissement et toutes autres expéditions de chacun prisonnier en bref, en mettant le jour de son emprisonnement, par qui et comment il sera expédié, sans toute fois déclarer les procès, ni les informations qu'il gardera par devers lui, et incontinent ladite expédition faite, bailler ou envoyer ledit greffier audit geôlier ou garde des prisons, une escroüe ou brevet contenant le jour et forme de l'expédition, et aura ledit greffier pour chacune escroüe et expédition quinze deniers tournois et non plus ou moins, selon les coutumes des lieux, sinon que ledit greffier eust vaqué à interroger et faire le procès dudit prisonnier auquel cas il sera payé de sa vaccation raisonnablement, ainsi qu'il est accoutumé de faire. »
Louis XII répète les termes de ces articles dans son ordonnance de novembre 1507 sur le même objet. François Ier, en octobre 1535, se borne à rappeler : « Sera tenu ledit geôlier de faire registre desdits prisonniers, et ne les délivrera sans escroüe du greffier, comme a esté dessus dit par autre ordonnance. » Henri II, en février 1549, spécifie en ce qui concerne la Conciergerie : « Nous disons, statuons et ordonnons qu'au greffe de la Conciergerie de nostre dit Palais à Paris soit mis et enregistré le jour auquel les prisonniers auront esté delivrez aux sergens : lesquels sergens s'obligeront à rapporter au greffe de ladite Cour certification du juge ou lesdits prisonniers seront renvoyez du jour qu'ils seront arrivez et par eux délivrez et ce sur privation de leurs offices et d'amende arbitraire.
« Le geôlier, suivant l'ordonnance de nos prédécesseurs, sera tenu de faire roole au vrai de tous les prisonniers amenez à la Conciergerie, et sur privation de la charge de ladite geôle et d'amende à l'arbitration de la Cour. » Ces termes se retrouvent expressément dans une ordonnance du mois suivant.
Au cours de la grande œuvre législative qui marqua son règne, Louis XIV ne pouvait manquer de fixer et d'améliorer les règles concernant ce point. Son ordonnance d'août 1670 déclare :
« Tous concierges et geôliers exerceront en personne, et non par aucuns commis, et sauront lire et écrire.
« Les greffiers des geôles où il y en a, ou les geôliers et concierges, seront tenus d'avoir un registre relié, coté et paraphé par le juge dans tous ses feuillets, qui seront séparés en deux colonnes, pour les écrous et recommandations, et pour les élargissements et décharges…
« Les greffiers et geôliers ne pourront laisser aucun blanc dans leurs registres.
« Leurs défendons, à peine des galères, de délivrer des écrous à des personnes qui ne seront point prisonnières, ni faire des écrous ou décharges sur feuilles volantes, cahiers ni autrement, que sur le registre coté et paraphé par le juge…
« Les écrous et recommandations feront mention des arrêts, jugements et autres actes en vertu desquels ils seront faits, du nom, surnom et qualité du prisonnier, de ceux de la partie qui les fera faire ; comme aussi du domicile qui sera par lui élu au lieu où la prison est située, sous pareille peine de nullité : et ne pourra être fait qu'un écrou, encore qu'il eust plusieurs causes à l'emprisonnement.
« Le geôlier ou greffier de la geôle sera tenu de porter incessamment, et dans les vingt-quatre heures pour le plus tard, à nos procureurs et à ceux des seigneurs, copie des écrous et recommandations qui seront faites pour crimes. »
L'arrêt du Parlement du 1er septembre 1717, portant règlement pour les prisons, commente ainsi ce texte :
« Article 13._ Enjoint aux dits geôliers d'avoir un registre relié, cotté et paraphé par le lieutenant-général ou le premier officier du siège, dans lequel ils inscriront de leur main, sans y laisser un blanc, les jours d'entrée et sortie des prisonniers, et tout ce qu'ils recevront de chacun jour pour gîtes, geôlages et nourritures, dont ils donneront leur quittance, le tout à peine de dix livres d'amende pour chacune contravention. »
« Article 17._ Lesdits greffiers et geôliers seront tenus d'avoir un registre relié, cotté et paraphé par premier et dernier dans tous les feuillets par le lieutenant-général ou autre premier officier du siège. Tous les feuillets dudit registre seront séparés en deux colonnes, l'une pour les écrous et recommandations, et l'autre pour les eslargissements et descharges, et ils ne pourront laisser aucun blanc dans ledit registre. »
« Article 18._ Les écroues, recommandations et descharges feront mention des arrêts, jugements et actes en vertu desquels ils seront faits, et de leurs dates, de la jurisdiction dont ils seront émanés, ou des notaires qui les auront reçus, comme aussi du nom, surnom et qualité du prisonnier, de ceux de la partie qui fera faire les écroues et recommandations, et du domicile qui sera par elle eslue au lieu où la prison est située, à peine de nullité, et ne pourra estre fait qu'un écrou, encore qu'il y ait plusieurs causes de l'emprisonnement. »
« Les officiers et huissiers donneront eux-mesmes en main-propre à ceux qu'ils constitueront prisonniers ou qu'ils recommanderont, des copies lisibles et en bonne forme de leurs éscroues et recommandations, à l'effet de quoi lesdits prisonniers seront amenés entre lesdits guichets en présence desdits greffiers ou geôliers qui seront tenus d'en mettre leur certificat sur leur registre à la fin de chacun desdits éscroues et recommandations, à peine d'interdiction contre les huissiers pour la première fois, et de privation de leur charge pour la seconde, et contre lesdits greffiers et geôliers de vingt-livres d'amende pour chacune contravention, et de tous despens, dommages-intérests, mesme de plus grande peine s'il y échet. »
Dans les plus anciennes ordonnances, on trouve l'obligation pour certains officiers de visiter non seulement les prisonniers, mais encore les registres des prisons. Ces officiers ne furent pas toujours de la même espèce dans la suite des temps : c'est le prévôt de Paris ou son lieutenant en 1425, le président et un conseiller au Parlement en 1549, les substituts du procureur général et les procureurs des Hauts Justiciers au XVIIe et au XVIIIe siècle.
Si nous avons exposé en détail l'historique de la législation concernant les greffes des prisons, et cité de nombreux textes à l'appui, c'est qu'il en ressort un double enseignement : d'abord, on y discerne nettement comment par une évolution lente, mais continue, cette législation a progressé, s'est améliorée dans le sens des garanties à fournir aux prisonniers, notamment contre l'arbitraire des geôliers ; en second lieu, on y trouve l'explication des dispositions adoptées pour les registres d'écrou, et des mentions qui y sont portées, puisqu'aussi bien ces dispositions ont été appliqués dans la pratique.

Informations sur l'acquisition :

Historique de conservation :
Historique de la conservation
La série des registres d'écrou de la Conciergerie du Palais était très probablement complète lorsque la Révolution éclata. Ceux concernant les prisonniers justiciables du Tribunal révolutionnaire vinrent s'y ajouter : pendant quarante ans, ils moisirent à l'humidité, livrés à la dent des rats, au rayon inférieur des casiers du greffe. Le 25 juin 1827, on déposa aux archives de la Préfecture de Police 143 registres in-folio et 10 plus petits, allant de l'an 1500 à 1787, et, après la Révolution de Juillet 1830, 23 autres registres allant de 1787 au 10 avril 1826. Entre 1836 et 1839, le préfet de police Gabriel Delessert ordonna de plonger les registres en mauvais état dans une dissolution mercurielle, et les fit enfermer ensuite dans des cartons spéciaux. Il existait des lacunes dans la série : le premier registre commençait en 1500, le deuxième en 1506, le troisième en 1564. Dans les registres de la période révolutionnaire, dont la série était complète, c'étaient des écrous individuels qui manquaient.
S'il est profondément regrettable que les deux registres d'écrou du Tribunal révolutionnaire aient disparu de nos jours, ainsi que les premiers registres de la série, il n'en faut pas moins se féliciter que les 132 qui nous restent aient échappé à l'incendie de 1871. Ils forment un ensemble imposant, et leur valeur documentaire et historique n'échappera à personne.

Description :

Mise en forme :
Mode de classement
Les registres mentionnés dans ce répertoire sont généralement classés par lieu ou par date.

Conditions d'accès :

Statut juridique Archives publiques
Communicabilité
L'ensemble du fonds est librement communicable.

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Langues :

Langue des unités documentaires: Français

Description physique :

Description physique: Document d'archives

Support
Support: Papier et parchemin
Nombre d'éléments
Nombre d'éléments: 434 registres.

Ressources complémentaires :

Autre instrument de recherche
Archives de la Préfecture de police :
Documents à consulter pour l'histoire de la Révolution française. Ordres d'arrestation, de transfèrement, de mise en liberté, 1789-an V (1797), catalogue alphabétique dressé et annoté par Léon Labat, 1879. 3 volumes. Observation : l'instrument inventorie également des noms de détenus écroués pendant la période révolutionnaire et renvoie donc à ce titre à des références de la sous-série AB - Registres d'écrous (1564-1834).
H. MALO,Inventaire sommaire des archives histroiques de la Préfecture de police, série AB - les registres (1564-1834), 3 tomes.
Archives de Paris :
P.GRAND (dir. J-M. JENN),Prisons de Paris et de l'ancien département de la Seine (1800-1940), répertoire numérique détaillé de la série Y, Archives de Paris, mars 1996, 271 p.
Sources complémentaires
Sources internes
Série A - Fonds antérieurs à 1871 :
- Sous-série AA 1-445 : Ordres d'arrestation, sections de Paris, affaires de la Révolution au Second Empire (1650-1912).
- Sous-série AD 1-42 : Recueil des ordonnances de police en 41 volumes imprimés et un volume de table.
- Sous-série AE 1-28 : Livres de couleur du Châtelet et registres de bannière (1311-1664).
- Sous-série AF 1-16 : Registres du commissariat de la Bourse de Paris (1795-1901).
Série C et 325 W :
- 325 W 1-93 : Registres du dépôt de mendicité de Saint-Denis et de la maison départementale de Nanterre (1776-1885).
- Sous-série CC1 1-95 : Registres du dépôt près la préfecture de Police (1823-1873).
Sous-séries DA et DB :
- Sous-série DA 1-873 : Réglementation et vie quotidienne (commerces et industrie, mendicité, incendies, épidémies, expositions, voirie, prostitution, délinquance) (1800-1950).
- Sous-série DB 1-784 : La préfecture de police (documents administratifs et coupures de presse) (1800-2000).
Série L - Institut médico-légal :
- Sous-série LA 1-155 : Registres de la morgue (an VI-1986).
- Sous-série LB 1-52 : Registres des disparus (1836-1941).
Sources externes
Archives nationales :
Série F16 - Prisons, mendicité.
Série Y - Châtelet de Paris et Prévôté d'Ile-de-France.
Série Z :
Z1H 355 à 376 - Registres d'écrou des prisons de Paris (1586-an II).
Z1O 88 - Registre d'écrou des prisons de l'officialité diocésaine (1692-1789).
Une copie des registres d'écrou des prisons de Paris (AB) existent sur microfilm avec une table de concordance des cotes (cote 723 MI).
Archives de Paris :
Voir notamment les séries D-Y - Etablissement pénitentiaires : 1Y (Fonds de la Préfecture), 2Y1 (Bicêtre), 2Y2 (Cherche-Midi), 2Y3 (Conciergerie), 2Y4 (La Force), 2Y5 (Fresnes), Madelonettes (2Y6), Mazas (2Y7), Nanterre (2Y8), Préfecture de police (2Y9), Grande Roquette (2Y10), Petite Roquette (2Y11), Saint-Lazare (2Y12), Sainte-Pélagie (2Y13), La Santé (2Y14), Maison Spéciale de Vincennes (2Y15),
Bibliothèque de l'Arsenal :
Mss 5133 et 5134 et mss 12479 à 12484 (1690-1787) - Fonds de la Bastille (registres et feuilles d'écrou).

Localisation physique :

Localisation physique: Le Pré-Saint-Gervais

Organisme responsable de l'accès intellectuel :

Organisme responsable de l'accès intellectuel: Archives de la préfecture de Police

Identifiant de l'inventaire d'archives :

FRAPP075_AB

Où consulter le document :

Préfecture de Police - Service des archives

Liens